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ce texte en 150 mots (+ ou - 10%), une barre verticale devra être
placée tous les 20 mots et le décompte total sera précisé en fin
de copie.
Il sera
tenu compte, dans la notation, de la présentation générale et de
la correction de la langue.
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Les
prospérités descendent sur le vulgaire, sur les mes communes ;
mais réduire à l'impuissance le malheur et tout ce qui fait peur
aux mortels n'appartient qu'au grand homme. Jouir d'un bonheur
constant et traverser la vie sans que rien n'ait froissé notre
me, c'est ne pas connaître la seconde face des choses humaines.
Tu es homme de courage : mais d'où puis-je le savoir, si le sort
ne te donne les moyens de montrer ton grand cœur ? Tu es descendu
dans l'arène ; si nul rival n'était là , la couronne est Ã
toi, mais non la victoire. Ce n'est pas de ton courage que je te
félicite, c'est d'avoir gagné comme qui dirait le consulat ou
la préture : un titre, un avancement.
J'en
puis dire autant à l'homme vertueux, si quelque passe difficile ne
lui a donné, ne fût-ce qu'une fois, l'occasion de signaler sa
vertu : je t'estime malheureux, pour ne l'avoir jamais été ; tu
as traversé la vie sans combat. Personne ne saura ta force, tu ne la
sauras pas toi-même. Pour se connaître il faut s'être essayé ;
à l'œuvre seulement on apprend ce qu'on pouvait faire. Aussi
a-t-on vu des hommes provoquer le malheur qui les respectait, et
chercher à faire briller leur vertu près de s'ensevelir dans
l'obscurité. Oui, le grand homme parfois aime l'adversité,
comme le brave soldat aime la guerre. J'ai vu, sous Caligula,
Triumphus le mirmillon se plaindre de la rareté des jeux : «Les
belles années perdues !» s'écriait-il.
Le
courage est avide de périls : il songe où il tend, non à ce qu'il
va souffrir : car les souffrances sont elles-mêmes une part de la
gloire. Le guerrier est fier de ses blessures : il étale avec
complaisance le sang qu'il est heureux de répandre ; et au retour
de la bataille, quoique les autres aient aussi bien fait, les regards
s'attachent surtout aux blessés.
Je
le répète, Dieu traite en favoris ceux qu'il veut conduire à la
perfection de la gloire, chaque fois qu'il leur offre matière Ã
exercer leur courage et leur force d'me, ce qui implique toujours
quelque position difficile. Le pilote se fait connaître dans la
tempête, et le soldat dans la mêlée. Comment saurais-je combien tu
serais fort contre la pauvreté, si tu nages dans l'opulence ;
combien tu opposerais de constance à l'ignominie, aux
diffamations, aux haines populaires, si tu vieillis au milieu des
applaudissements, si l'invariable faveur et je ne sais quel
entraînement des esprits subjugués t'accompagnent partout ?
Comment saurais-je avec quelle résignation tu supporterais la perte
de tes enfants, si tous tes rejetons sont encore sous tes yeux ? Je
t'ai entendu prodiguer aux autres des consolations ; j'aurais pu
te juger, si tu t'étais consolé toi-même, si tu avais toi-même
fait taire ta douleur. Ah ! je t'en conjure, garde-toi de frémir Ã
la vue des épreuves que nous envoient les dieux comme pour
aiguillonner nos mes. L'adversité est l'occasion de la vertu.
On
aurait droit d'appeler malheureux ceux que l'excès du bonheur
engourdit, et qu'un calme de mort tient comme enchaînés sur une
mer immobile. Pour ceux-là tout accident sera nouveau. Le malheur
est plus cruel quand on ne l'a jamais connu ; le joug pèse
davantage à une tête qui n'y est point faite. Le soldat novice
plit à l'idée d'une blessure ; le vétéran voit avec fermeté
couler son sang ; il sait que ce sang a souvent préparé la
victoire. De même les élus de Dieu, ses bien-aimés, il les
endurcit, il les éprouve, il les exerce ; les autres, qu'il parait
traiter avec indulgence, avec ménagement, il les garde comme une
proie sans défense pour les maux à venir. Car c'est une erreur de
croire que personne ne soit exempt : cet homme si longtemps heureux
aura son tour. Quiconque te semble absous n'est qu'ajourné.
SENEQUE,
De la Providence, IV
(37-65).