Peut-on ne pas aimer ? | ||||
Quelques bribes de réflexion. Peut-on ne pas aimer ? "Savoir aimer, c'est ne pas aimer. Aimer, c'est ne pas savoir", c'est ainsi que Jouhandeau résume le rapport entre aimer et savoir, soulignant par là que l'amour véritable et authentique transcende la connaissance et relève d'une intuition qui va au-delà de la pratique consciente et volontaire. Dans l'énoncé du sujet, il y a une relation à clarifier entre le verbe Pouvoir et le verbe Aimer. Le verbe Pouvoir induit un vouloir ou une volonté. Aimer dépend-il de notre volonté, ou non ? En tant que passion (qui dépend d'autres facteurs psychiques, chimiques, sociaux, etc.,) l'amour dépasse généralement la volonté des personnes. On se rappelle Phèdre qui, pour se disculper, accuse les dieux de lui avoir inspiré l'amour de son beau-fils. L'amour, généralement associé au coup de foudre (Zeus), dépasse notre volonté, car la volonté et le pouvoir relèvent en grande partie du rationnel, alors que l'amour relève du coeur qui a ses raisons que la raison ne connaît pas. Dans cette perspective, la réponse à la question "peut-on ne pas aimer ?" est négative : on ne peut pas ne pas aimer ou ne pas haïr, car nous sommes soumis à un certain déterminisme qui dépasse notre volonté. Mais, ne pas aimer veut-il dire pour autant être neutre (indifférent) ou ne pas aimer serait équivalent à détester, haïr : Détester et haïr ne sont que le versant de l'amour affectif qui dépasse la volonté, alors que l'état d'indifférence totale, difficilement imaginable, serait synonyme d'une déshumanisation de l'être, car, ne pas aimer c'est ne pas s'aimer; les monstres mêmes ne sont-ils pas sensibles à l'amour ? (Quasimodo épris d'Esmeralda,Frankenstein, etc.). Bien sûr, si l'on comprend la question "Peut-on ne pas aimer ?" au sens de "Peut-on détester ?" ou "peut-on être indifférents ?" là , la question prend un tout autre sens. L'être humain est capable d'amour comme de haine et les deux sentiments ne sont que les deux versants d'une même passion; dans certain cas, comme dans la jalousie, on peut même aimer et haïr à la fois. Si l'on est capable d'aimer, on est aussi capable de haïr. Par contre, on ne peut être indifférent que vis-à -vis de la différence absolue. D'un autre côté, si l'on considère aimer comme un acte qui relève de l'intellect et non réellement de l'affect, d'un choix délibéré comme dans les préceptes religieux : aimer son prochain, aimer le bien, aimer la vertu, s'aimer, etc. Dans ce cas-là , aimer devient un "Devoir", un acte délibéré qui tombe sous l'effet de la morale, et donc soumis à la volonté. Denis de Rougemont insiste d'ailleurs, dans L'Amour et l'Occident sur une distinction importante entre "être amoureux" et "aimer" "Être amoureux, dit-il, n'est pas nécessairement aimer. Être amoureux est un état; aimer un acte. On subit un état, mais on décide un acte." Si l'on tient en considération cette distinction, alors, la réponse à la question serait affirmative : on peut ne pas aimer, à condition de limiter le sens du verbe "aimer" à sa dimension purement intellectuelle et froide comme choix éthique ou esthétique et non comme attitude affective qui transcende la volonté. Puisque Aimer implique toujours une dépendance, un désir, un manque: comme le dit Alain "Aimer, c'est trouver sa richesse hors de soi". "ne pas aimer" revient à dire se dissocier complètement du monde, s'installer dans une dimension autosuffisante où l'on est complètement autonome. Autrement dit, c'est prétendre à une condition divine, sachant que s'il y a quelque chose qui définit Dieu, c'est justement l'amour, mais un amour absolu qui n'est pas accessible aux hommes. Tant qu'on est dans le monde, on est pris dans le réseau des désirs et des privations, ce qui fait de l'amour, comme expression d'une dépendance, une condition inévitable... à suivre Agrégation de français- Programme 2025 (Maroc) Vu 2210 fois Nouveaux agrégés de traduction 2024 Vu 1023 fois Nouveaux agrégés de français session 2024 - admis Vu 1240 fois LE PERE GORIOT Vu 1695 fois évaluation : la ficelle (jour de marché) Vu 1919 fois évaluation : Tronc commun Vu 2585 fois Le commentaire composé Vu 2005 fois Anarchie Vu 836 fois
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