La fiction du savoir : dissertation 9 (problématisation) | ||
Mohamed Semlali (?) [3 msg envoyés ] Publié le:2013-04-13 21:48:04 Lu :2833 fois Rubrique :Agrégation 4 votes 4/5 Sujet: « l'activité esthétique ne crée pas une réalité entièrement nouvelle. À la différence de la connaissance et de l'acte, qui créent la nature et l'humanité sociale, l'art célèbre, orne, évoque cette réalité préexistante de la connaissance et de l'acte -la nature et l'humanité sociale -, les enrichit et les complète, et, avant tout, crée l'unité concrète, intuitive de ces deux mondes, place l'homme dans la nature, comprise comme son environnement esthétique, humanise la nature et naturalise l'homme. » Bakhtine Esthétique et théorie du roman, Gallimard
Bakhtine définit dans cette affirmation la nature et la fonction de l'oeuvre artistique. Il commence par un constat: l'oeuvre d'art ne crée pas une réalité entièrement nouvelle, c'est-à -dire qu'elle ne fait que reproduire ce qui existe déjà ou, ce qui est présupposé dans l'affirmation, elle a toujours besoin du réel, de ce qui existe déjà pour pouvoir le transformer ou le compléter pour en tirer quelque chose de nouveau. L'art et l'activité esthétique sont donc, de nature, dépendants du réel qui les précède: L'art est une machine qui ne peut fonctionner à vide. C'est là toute la différence, selon Bakhtine, entre l'activité artistique d'un côté, et la connaissance et l'acte de l'autre. La connaissance et l'acte auquel elle donne naissance créent la nature et l'humanité sociale alors que l'art ne crée rien de rien: il a besoin de la nature et de l'humanité sociale pour entrer en activité : on en déduit que la connaissance et l'acte précèdent forcément l'art, lequel ne survient que dans une seconde étape pour se greffer sur la nature et l'humanité sociale et s'incruster en elles pour les transformer à sa guise. Le discours artistique est donc par essence un discours second, un discours parasite, non pas au sens négatif, mais au sens biologique, comme discours qui ne peut exister qu'aux dépens des autres organismes et des autres discours. En fait, on assiste ici à un clivage entre la nature qui relève de la connaissance et qui ne peut être créée que par elle, et la culture qui relève de l'art comme discours ancré sur la nature. Ainsi, selon, Bakhtine, l'art, à défaut de créer de rien, «orne, évoque» la réalité préexistante de la connaissance et de l'acte, de la nature et de l'humanité sociale, «les enrichit et les complète». Ce faisant, Bakhtine entreprend ici d'inventorier les fonctions de l'art et de l'activité artistique. Si l'oeuvre d'art a besoin d'un support (matière) qui lui préexiste, une fois ce support trouvé, elle assure plusieurs fonctions qui ne touchent pas à l'essence des choses qui reste de l'ordre de la connaissance, mais permettent d'utiliser le support (évoquer), de le transformer extérieurement (orner), de lui ajouter des choses (compléter, enrichir): l'art exploite le support que l'on peut à ce stade assimiler au savoir (connaissance), l'orne et l'enrichit d'autres perspectives, mais il reste malgré tout extérieur à son essence, confiné dans la sphère du paraître, de l'enveloppe. En s'appropriant le savoir du monde et le monde lui-même, l'art ne sert donc pas à créer un autre savoir, ou un monde parallèle, mais il se limite à redécouvrir indéfiniment le monde qui existe, à multiplier les perspectives pour en faire montrer des aspects encore insoupçonnés, à dévoiler toutes les potentialités d'un être toujours détenteur d'un certain mystère. Si l'art ne crée pas le monde lui-même, ni la connaissance qui se trouve à son origine, Bakhtine soutient cependant que l'activité artistique crée «l'unité concrète», le lien dialectique (aux accents visiblement marxistes) qui fait que la nature (acte) et l'humain (connaissance) se réalisent mutuellement, en plaçant l'homme dans la nature et la nature dans l'homme. Ainsi, bien qu'il ne crée pas le monde ou le savoir, l'art assure néanmoins cette fonction primordiale, quasi chimique, d'agent de liaison qui transforme le rapport théorique entre la connaissance et l'acte, entre l'homme et la nature en rapport effectif. L'art permet, en tant qu'activité humaine qui vient se greffer sur la nature qui lui préexiste, d'imprimer l'humain au naturel et de transformer ce naturel selon ses besoins, ce qui, de facto, transforme ce naturel en objet esthétique, l'esthétique étant une valeur ajoutée et subjective qui vient, après coup, enrichir le naturel, de transformer, pour tout dire, la nature à son image; mais d'un autre côté, l'art met l'humain au service de la nature et le transforme en objet entièrement voué à son service: il inscrit son existence même dans l'objectivité des choses et de ce fait le naturalise. En permettant une meilleure connaissance de la nature, l'art garantit en même temps à l'homme une meilleure connaissance de lui-même. De cette sorte, sans prétendre lui-même créer une connaissance, l'art, comme lien (legaro), se révèle comme un facteur essentiel de la vie, voire comme ce qui donne son sens ultime tant à la connaissance qu'à la nature (sauvant l'homme lui-même de l'aliénation: perte du sens, en donnant à son activité une finalité). C'est ainsi que l'art permet à l'humain comme au naturel de trouver leur compte dans ce rapport de symbiose qui se révèle dès lors comme l'ultime fonction de toute activité artistique. Interroger le rapport entre la fiction et le savoir à la lumière de cette représentation revient donc à mettre en valeur les fonctions de la fiction comme appropriation du savoir (connaissance) à la fois comme matière romanesque (orner, évoquer) et comme objet critique (compléter, enrichir le savoir humain), mais aussi comme tentative de donner un sens à l'humain et à la nature en plaçant les deux dans le cadre de la représentation de la vie, c'est-à -dire de l'interaction de la nature et de la culture. Cette interaction qui se réalise dans l'oeuvre d'art, et donc dans le roman, peut justement constituer le sens recherché par la fiction qui peut se confondre finalement avec une forme de connaissance propre à la fiction. Problématique: Il serait alors intéressant de voir comment la fiction, tout en restant dépendante de la connaissance et de la nature comme des prérequis de sa naissance, parvient à donner un sens à l'existence de cela même qui l'engendre, à l'homme tout autant qu'à la nature.
Plan possible:
I- La fiction comme discours second engendré et nourri à la fois par la connaissance et par la nature. II- La fiction comme rapport dialectique entre l'homme (son savoir) et le monde (la nature), donc comme représentation de la vie. III- Si la connaissance (le savoir) et la nature précèdent l'art, l'art est ce qui leur donne leur sens plein en devenant lui-même incarnation du sens. QUESTIONNAIRE : AUX CHAMPS Vu 44 fois Démarche pour la dissertation littéraire Vu 84 fois ANALYSE COMPLETE DE " LA BOITE A ERVEILLES Vu 1204 fois Contrôle : Antigone - bcc3 Vu 1580 fois Production écrite (Sujet de réflexion) Vu 1612 fois Dictée à fautes (1) 12 réponses | Vu 3632 fois Tronc commun : texte (le portrait) Vu 1496 fois |