L'incipit de la boîte à merveilles - lecture linéaire | ||
marroun rachid (?) [4 msg envoyés ] Publié le:2011-09-11 21:23:24 Lu :15566 fois Rubrique :Projets, lectures et évaluations 2 vote 4/5 L'incipit de La Boîte à Merveilles - Lecture linéaire Rachid Marroun Dans le cadre d'une séquence dite «cours d'introduction» nous avons examiné surtout les appts disséminés dans nos premiers contacts avec le livre. Après la première et la quatrième de couverture et la séance sur biographie de Sefrioui et l'Histoire de la littérature marocaine d'expression française , nous voilà au seuil de l'ouvre , à son début. Mais ce début, comment se donne -t-il à lire ? Problématique Un incipit est un seuil, une promesse du contenu parce qu'il contient et annonce, généralement, le programme et l'économie générale du texte. Mais cet effet d'annonce, de programmation, comment s'effectue -t- ici ? Quelles promesses reçoit le lecteur ? Sont elle honorées ? Et comment s'organise la mise en scène du «moi». Caractérisation Le 1er mouvement : la mise en scène du «moi» (L 1 à 5) Le 2ème mouvement : le Moi et le monde (animal) (L 6à 17) Le complément circonstanciel «le soir» est une indication temporelle qui évoque la nuit, le passé lointain, l'imprécision, l'éveil dans un monde endormi, l'appel au rêve. Le soir est donc une indication temporelle qui conditionne fortement la mise en place du €˜moi'. On peut le vérifier en simplifiant la structure de la phrase , en la réduisant à son pivot verbal enrichi par trois circonstants«le soir...moi ,je ne dors pas». les répartitions sociales «pauvres/riches) se répercutent sur la distribution spatiale de l'univers ébauché dans la texte : Riches : couvertures chaudes, quiétude / pauvres : dehors, inquiétude Tandis que le « moi» est situé en dehors et au milieu de cette dichotomie : « je ne dors pas. Je songe à ma solitude et j'en sens tout le poids.» Songer c'est penser, réfléchir,mais c'est aussi rêver (étymologiquement Il s'agit peut être ici d'une réflexion et d'une rêverie, d'une imbrication du sentimental dans la réflexion -rêverie d'un moi atemporel explicite dans la phrase «ma solitude ne date pas d'hier» qui est une autre caractérisation temporelle qui marque l'atemporalité . Le temps est extrêmement important chez Sefrioui. Le texte, tout texte , est un essai de se réapproprier le temps, d'inscrire le moi dans un devenir. Mais dans «ma solitude ne date pas d'hier..»,quel moi parle ? L'actuel de l'auteur narrateur ou celui d'antan, du garçonnet de la couverture ? Où il s'agit d'un mélange des deux ? En tout cas la thématique du dédoublement est déjà annoncée .Dédoublement tous azimuts : psychologique, linguistique, social. 2ème mouvement Le deuxième mouvement commence par un verbe et non par un indicateur temporel comme le premier, qui est, plus encore un verbe de perception «je vois.». Après le regard du moi vers lui-même, et vers le passé du moi, c'est le regard du moi vers le monde : «Moi ..au fonds d'une impasse obscure ...un enfant de six ans» C'est l'image du garçonnet seul au fonds d'une impasse, celle de la couverture, cherchant le moineau, cet oiseau particulier qui habite la ville toute l'année, et qui est pourtant insaisissable. S'ébauche alors une recherche de l'animal aérien, libre, omniprésent mais qu'on ne peut attraper. Rapport qu'on schématisera ainsi : Moi ----- Le désir ----le moineau Dans cette mise en scène du moi et de sa relation déjà difficile avec le monde, nous repérons plusieurs ingrédients de poéticité avec plusieurs symétries et jeux de répétition, d'assonances et d'allitérations : -Que le soleil ne visite jamais - Mais le moineau ne vient jamais -Dresser un piège pour attraper le moineau Moi /désir de compagnon/ moineau Manger/ martyriser.par amour La deuxième phrase du second mouvement décrit la moi/enfant et le caractérise. Même s'il échappe encore à la localisation sociale, même s'il marche pieds nus. Cette deuxième phrase marque un moment d'intensité affective(points d'exclamation, jalon réduit de la phrase qui l'apparente à un vers poétique : (Il désire tant ce petit oiseau/un petit garçon de six ans) .L'emploi de l'adjectif qualificatif «petit» pour l'animal aérien et l'enfant à l'imaginaire ailé marque un jeu poétique qui évacue la méchanceté enfantine, innocente et libère la scène de toute violence pour sauner la poésie de l'incipit, poésie installée par le rapport d'amour, d'amitié,d'affection avec le moineau ( qui contient des éléments le rapprochant du moi sur le plan phonétique : parallélisme phonétique). Pour marque l'aspiration à ce rapport, le mouvement déclenche, dès la ligne 12, un rapport spécial avec le monde extérieur : symbolisé par le fait «attendre l'arrivée du moineau qui ne vient pas». Image poétique et emblématique de la situation psychologique du garçonnet, car l'arrivée impossible est l'équivalent du retour vers soi, du repli sur soi. D'où «le cœur gros et les yeux rougis..» Se dessine donc, pour nous lecteurs, une certaine promesse de livre sur ce moi du narrateur en situation de déréliction, de crise et de réflexion sur lui-même. C'est l'une des caractéristiques notoires de l'autobiographie psychologisante. Serons vraiment devant ce genre d'écriture par la suite ? On ne saurait le dire à partir du début du livre. L'incipit nous invite à accompagner le narrateur plus loin pour satisfaire notre curiosité.
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