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ElomariElalaoui Abderahman ( Prof) [ 16 msg envoyés ] Publié le:2018-11-05 20:30:21 Lu :4199 foisRubrique :CPGE
Je propose ce sujet de dissertation aux collègues et aux taupins. Essayons d'élaborer ensemble et progressivement une dissertation. Commençons par l'analyse du sujet et la problématique. Nous passerons après au plan général détaillé. Ensuite il sera question d'élaborer les parties proposées. Enfin, les synthèses possibles seront les bienvenues.
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Réponse N°11 37436 Quelques éléments d'analyse Par marocagreg(Admin)le 2018-11-20 09:40:35
Pour initier la discussion du sujet : l'affirmation d'Héléna se compose de deux parties séparées par l'adversatif «Mais». La première partie introduit deux constats : 1- L'amour transfigure son objet en l'idéalisant. 2- Explication : l'amour voit son objet différemment, car il le perçoit avec son me et non avec les yeux. Les yeux, en l'occurrence, évoquent le regard objectif et extérieur qui perçoit les choses telles qu'elles sont. La deuxième partie de la citation introduite par (mais) s'attache au regard subjectif et idéalisant de l'amour. C'est l'occasion de faire un rapprochement entre l'amour et la folie (absence de jugeote, étourderie).
Cette définition de l'amour rappelle, en l'occurrence, le célèbre adage de Blaise Pascal : "le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas". Navette, dans Le Songe d'une nuit d'été, dit à peu près la même chose : "La raison et l'amour ne vont guère de compagnie par le temps qui court" (p.115) Puck le dit aussi d'une autre manière : "Cupidon est un beau fripon / Qui ôte aux femmes la raison." Ainsi, la perception de l'être aimé par l'amoureux n'obéit ni à la logique ni aux normes du beau et du bien, car l'amour ne perçoit pas son objet avec les yeux mais avec son me.Il est, en ce sens, équivalent à un sortilège.
L'amour est d'abord charme et ensorcellement des sens,comme le montre l'épisode de Titania, la reine des fées, qui tombe amoureuse d'un ne, mais s'écrie, lorsque le charme est levé : "Comment ces choses sont-elles arrivées ? Oh! comme mes yeux trouvent son visage répugnant!" (p.169)Lorsque la magie s'estompe, tout devient ordinaire; le rêve se dissipe comme un vain mirage. En fait, le drame de Shakespeare, en introduisant la notion du songe, pose la problématique de l'amour dans son rapport avec l'être et le paraître. L'amour véritable ne s'arrête pas aux apparences parce qu'il a le pouvoir de transfigurer le paraître, de le sublimer, de "conférer noblesse et beauté aux choses viles et ordinaires".
Le sujet proposé pose en effet la question de l'idéalisation de l'objet aimé par l'amoureux, ou ce que Stendhal dans De l'amour appelle la cristallisation qui consiste à ajouter des qualités supplémentaires à l'être aimé, de le placer sur un piédestal. Un rapprochement est fait entre l'amoureux aveuglé par sa passion et le fou dont la cervelle est dominée par sa propre fantaisie. La sublimation de l'être aimé (ou son idéalisation) introduit d'ailleurs la question de l'imagination ; on pense au sculpteur Pygmalion qui tombe amoureux d'une statue. L'amoureux et le fou ont cela de commun qu'ils substituent à «la froide raison» leur propre fantaisie : «le fou, l'amoureux et le poète sont farcis d'imagination» (189). C'est peut-être ce qui fait que l'amour est aussi une énergie créatrice, car, qu'est-ce que la littérature, la poésie ou l'art sinon «une étourderie» créatrice qui réinvente le monde ?
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