Gide et autobiographie (si le grain ne meurt)


oukessou mourad (?) [4 msg envoyés ]
Publié le:2020-05-25 08:49:59 Lu :919 fois
Rubrique :Etudes littéraires et questions pédagogiques  
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Par l'abondance de sa production littéraire, par les allusions de sa morale et par l'innovation de ses pensées, André Gide fut un romancier profondément ancré dans l'histoire de la littérature française. Toute son œuvre est traversée par un projet autobiographique dont l'objectif fondamental est de renvoyer à l'expérience de sa vie, racontée par lui-même.

Dans Si le grain ne meurt, à titre d'exemple, l'auteur retrace les souvenirs du petit Gide. Il y expose également sa vie d'adulte révélant essentiellement son homosexualité à la société. Le sujet unique de ce récit c'est la propre aventure de Gide, son propre portrait, ses propres problèmes. Il parle de lui-même. Il se parle à lui-même tout en s'adressant aux autres. Bref c'est lui l'auteur, le narrateur et le personnage.

Dès les premières lignes qui ouvrent Si le grain ne meurt, le lecteur est persuadé qu'il est face à un texte autobiographique dont la figure principale n'est que l'écrivain André Gide lui-même :


«Je naquis le 22 Novembre 1869.Mes parents occupaient alors, rue de Médicis, un appartement au quatrième ou cinquième étage, qu'ils quittèrent quelques années plus tard, et dont je n'ai pas gardé souvenir.» (S.G.M.p.9)


La première partie de Si le grain ne meurt est consacrée aux souvenirs de l'enfance et de la jeunesse d'André Gide. Ceci n'est pas gratuit. Ces périodes ont été marquées par de nombreux événements, tantôt tragiques tantôt conflictuels. D'abord, c'est son éducation parentale teintée de morale à tendance calviniste, laquelle va le hanter tout au long de sa vie, qui est en jeu. Ce récit constitue une belle occasion pour lui de revenir sur quelques moments forts de cette éducation.

En cette période André Gide fut bon protestant. Il fut un fervent lecteur de la Bible. La mère ne cessa d'inculquer également à son fils les bonnes manières

et lui enseigner les règles intellectuelles, morales et religieuses nécessaires à son équilibre personnel et à sa réussite sociale. Elle réduisait son quotidien au libre examen et au moralisme. Toute pensée libre fut considérée comme atteinte à la pureté de la religion. Ce fut une corruption à laquelle Gide ne devait pas céder. André Gide dit à ce propos :


«Ma mère me répétait trop souvent et à propos de trop de choses : «tu comprendras plus tard» (S.G.M.pp.27-28)


Ainsi vivra Gide dans un état de dépendance prolongée. L'amour maternel devient prison d'amour et la mère devient objet d'amour et aussi de haine.

En choisissant de raconter tous les détails de sa vie, Gide met en exergue une stratégie qui consiste à révéler des vérités longtemps dissimulées sous couvert d'un texte autobiographique.

La première partie de Si le grain ne meurt expose donc le volte -face du mysticisme gidien incarné par l'éducation familiale qu'il a reçue pendant de très longues années.

La deuxième partie, quant à elle, est réservée à la crise identitaire d'André Gide. C'est-à-dire le dévoilement soi-disant partiel de son homosexualité, entre autres. L'écrivain y traduit son élan libérateur auquel il a toujours aspiré. Il l'avoue clairement :


«Au nom de quel Dieu, de quel idéal me défendez- vous de vivre selon ma nature ? Et cette nature, où m'entraînerait-elle, si simplement je le savais ?- Jusqu'à présent j'avais accepté la morale de Christ, ou du moins certain puritanisme que l'on m'avait enseigné comme étant la morale du Christ. Pour m'efforcer de m'y soumettre, je n'avais obtenu qu'un profond désarroi de tout mon être. Je n'accepterais point de vivre sans règles, et les revendications de ma chair ne savaient se passer de l'assentiment de mon esprit.» (S.G.M.pp.284-285)

En d'autres termes, la libération de soi passe de prime abord par le rejet des pulsions qui se sont refoulées à un certain ge par la religion ou par l'éducation familiale.

Tout en racontant l'adolescent et le jeune homme qu'il fut, Gide met en œuvre les aléas de sa profonde personnalité. Voilà qui est évident et incontestable. Sa rencontre avec Madeleine en est un autre exemple.

Lorsque sa mère meurt, Gide fut obligé de vivre auprès du visage de la morale représentée par sa cousine Madeleine Rondeaux. Juste après leur mariage, les problèmes surgirent. L'union ne put pas être consommée. Gide et Madeleine furent tristes. L'écho du dialogue toujours noué avec les femmes persista. Ce fut l'histoire d'un mariage jamais abouti. Gide a senti cela dès les premières idylles avec sa cousine Madeleine.Ce passage de Si le grain ne meurt illustre clairement ce propos :


'je sentais que dans ce petit être que déjà je chérissais, habitait une grande, une intolérable détresse, un chagrin tel que je n'aurais pas trop de tout mon amour, toute ma vie pour l'en guérir'p



Il n'en demeure pas moins que Si le grain ne meurt est un récit autobiographique par excellence. C'est à travers lui que nous avons pu lire, à la fois, André Gide l'écrivain et l'homme. En traduisant son vécu, Gide a pu confesser ce qu'il n'a pas pu dire oralement. Si le grain ne meurt est unique en se sens que loin d'être un passé idyllique perdu de son enfance et de son adolescence, il est un récit tout entier orienté vers soi et dressé à jeter une réflexion sur son existence. Ce récit acquiert ainsi sa pleine signification : l'enfant porte le germe de l'homme mais l'homme n'a pu se promouvoir que par la mort de l'enfant en lui-même. C'est dans cette perspective que l'autobiographie devient le genre le plus indiscrètement possible à l'adaptation du vécu personnel.


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