CRÉON,
(la regarde et la lâche avec un petit sourire. Il murmure.)
Dieu sait pourtant si j'ai autre chose à faire aujourd'hui, mais je vais tout de même perdre le temps qu'il faudra et te sauver, petite peste. (Il la fait asseoir sur une chaise au milieu de la pièce. Il enlève sa veste, il s'avance vers elle, lourd, puissant, en bras de chemise.) Au lendemain d'une révolution ratée, il y a du pain sur la planche, je te l'assure. Mais les affaires urgentes attendront. Je ne veux pas te laisser mourir dans une histoire de politique. Tu vaux mieux que cela. Parce que ton Polynice, cette ombre éplorée et ce corps qui se décompose entre ses gardes et tout ce pathétique qui t'enflamme, ce n'est qu'une histoire de politique. D'abord, je ne suis pas tendre, mais je suis délicat; j'aime ce qui est propre, net, bien lavé. Tu crois que cela ne me dégoûte pas autant que toi, cette viande qui pourrit au soleil? Le soir, quand le vent vient de la mer, on la sent déjà du palais. Cela me soulève le cœur. Pourtant, je ne vais même pas fermer ma fenêtre. C'est ignoble, et je peux même le dire à toi, c'est bête, monstrueusement bête, mais il faut que tout Thèbes sente cela pendant quelque temps. Tu penses bien que je l'aurais fait enterrer, ton frère, ne fût-ce que pour l'hygiène! Mais pour que les brutes que je gouverne comprennent, il faut que cela pue le cadavre de Polynice dans toute la ville, pendant un mois.
ANTIGONE
Vous êtes odieux!
CRÉON
Oui ma petite. C'est le métier qui le veut. Ce qu'on peut discuter c'est s'il faut le faire ou ne pas le faire. Mais si on le fait, il faut le faire comme cela.
ANTIGONE
Pourquoi le faites-vous?
CRÉON
Un matin, je me suis réveillé roi de Thèbes. Et Dieu sait si j'aimais autre chose dans la vie que d'être puissant…
ANTIGONE
Il fallait dire non, alors!
CRÉON
Je le pouvais. Seulement, je me suis senti tout d'un coup comme un ouvrier qui refusait un ouvrage. Cela ne m'a pas paru honnête. J'ai dit oui.
ANTIGONE
Hé bien, tant pis pour vous. Moi, je n'ai pas dit «oui»! Qu'est-ce que vous voulez que cela me fasse, à moi, votre politique, vos nécessités, vos pauvres histoires? Moi, je peux dire «non» encore à tout ce que je n'aime pas et je suis seul juge. Et vous, avec votre couronne, avec vos gardes, avec votre attirail, vous pouvez seulement me faire mourir parce que vous avez dit «oui».
COMPREHENSION DE L'ECRIT
1°) –complétez
Le genre de la pièce ….
Le dramaturge...
Epoque de l'écriture….
Epoque des événements…
2°) – Présentez l'auteur de ce passage en fournissant les informations suivantes
a. Nationalité …
b. Date et lieu de naissance…
c. Date et lieu de décès….
d. Deux de ses pièces .....
3°) Qu'est-ce que Créon a accepté en disant « Oui » .....
4°) Qu'est-ce que Antigone a refusé en disant « Non » ? .....
5°) Qui désigne Créon par “viande“ dans la phrase “ cette viande qui pourrit au soleil“?
.....
6°) D'après ce passage, pour quelle raison, Créon refuse-t-il d'enterrer le corps de Polynice?
.....
7°) Combien de temps le corps de Polynice devrait-il rester sans sépulture ? Justifiez votre réponse
.....
8°) - Relevez dans cet extrait, deux indications scéniques
.....
9°) Nommez la figure de style contenue dans le segment souligné.
…
10°) transformez la phrase suivante au discours indirect :
Elle dit : « Il chante. »
Elle dit…..
Elle a dit