Et si la brebis égarée parlait!!


AMMARI Najlae (?) [83 msg envoyés ]
Publié le:2015-03-31 20:45:00 Lu :1546 fois
Rubrique :Espace détente  
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Lettre d'Agnelle Bovidés
Ce matin j’ai fait mes adieux au dernier être qui me restait au monde. Un être qui luttait contre sa douleur en silence, qui cachait sa maladie et sa faiblesse de peur d’être égorgé comme les autres !! Il souffrait toute la nuit devant mes yeux incapables de verser une seule larme ! Il a beau crier, il a beau bêler, il a beau me supplier, j’ai refusé de vous appeler, assassin ! Je sais que votre poignard n’épargne personne, ni les malades ni les mourants, ni vos propres frères ! Vous répétez sans cesse que nous devons nous estimer heureux d’avoir un maitre généreux ! De quelle charité parlez-vous ? Nous engraisser aujourd’hui pour nous dévorer demain ? Espèce de loup pensant ! Vous m’avez dépouillée de tout. Votre haine a empoisonné ma vie! Quelle est la loi qui vous permet de priver une enfant de ses parents ? Est-elle humaine cette inique loi ! Vendre mon géniteur comme un esclave et tuer ma « mère » devant mes yeux sans pitié ! Oui Monsieur, j’étais-là, derrière la porte de cette cave infernale ! J’avais à peine trois mois mais c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de cette cruelle destinée vers laquelle j’avançais. Je n’oublierai jamais le dernier regard qu’elle me jetait tristement, humiliée par l’homme qu’elle avait tant loué, elle sentit à cet instant qu’elle m’avait trahie!! Oh Mère, tu me préparais à notre sort en l’ornant par ces fables qui m’abrutissaient ! Ces fables où nos glorieux ancêtres jouaient le rôle de la victime soumise et satisfaite ! Tu m’avais appris comment me protéger contre les renards, mais tu m’avais caché que je serais un jour la proie de ce chef que je suivais docilement et candidement ! Je me moquais souvent de cette mentalité grégaire que tu m’inculquais, que tu ressassais en régurgitant .Quand je te rappelais l’histoire du mouton de panurge, tu détournais mes réflexions vers nos devoirs envers nos « bienfaiteurs » ! Je n’ai jamais compris cette équation : Nous scalper pour cacher sa nudité, nous arracher notre laine, notre peau, nos os et notre vie. Je criais qu’on est exploité par ce barbare et tu te fâchais contre ma rébellion ! La cupidité de notre cher maitre allait jusqu’à nous préparer des mariages forcés Pour donner naissance à de nouvelles victimes, sans tenir compte des accidents provoqués par la grossesse précoce ! Sans tenir compte de nos rêves évaporés, notre malheureuse histoire recommençait éternellement !!!!
Mes droits? où sont-ils, mère ? Il m'a privé de ton lait le premier jour où je suis née ! Quoi ! il m’engraissait pour améliorer ses revenus ? J’ai une bonne mémoire moi, cette histoire du bouc émissaire que me racontais mon père au pâturage je ne l’ai jamais comprise ! Pourquoi serais-je obligée d’expier les péchés de l’humanité ? Pourquoi font-ils retomber leurs fautes sur moi, pourquoi me sacrifier ? Pourquoi admettrai-je cette situation et imiterai-je les impulsions de cette foule qui ne se demande jamais pourquoi, qui ne s’énerve jamais ! Nous sommes maltraités par ces hommes qui s’enrichissent à nos dépens. Parfois il m’arrive d’abandonner mes confrères, de m’isoler et de penser à vous, à notre vie pastorale d’antan, à cette flûte qui nous faisait danser ensemble, Mais ce bonheur s’avère éphémère! Il m’arrive de penser au suicide, qui va entrainer cette foule vers la délivrance, cette foule qui marche d’un pas ferme sans réfléchir : Ce serait la meilleure vengeance !
Aujourd’hui j’ai six mois, J’ai décidé de tout fuir : les poux, les hommes et cette multitude fière de ses sacrifices, du sang qui coule partout ! Je m’ennuie dans ce cercle vicieux qu’est manger, boire, régurgiter, et dormir les yeux ouverts ! Qu’ils disent que je suis atteinte d’une rage ou d’une folie, peu m’importe car j’étais toujours qualifiée de brebis égarée ! C’est ce bourreau avide qui sera le grand perdant !
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Réponse N°11 35354

Ecrire pour
Par OURAB MOHAMMED(CS)le 2015-03-31 22:57:23



Dans son abécédaire, Deleuze a eu le génie de nous rappeler l'autre acception de la préposition "pour", le plus souvent inusité, à savoir : " à la place de". Ainsi avez-vous talentueusement écrit pour une brebis, ça risque de déplaire à certains bourreaux,tant pis!





Réponse N°12 35358

Merci pour le compliment
Par AMMARI Najlae(CS)le 2015-04-01 19:05:56



Au fond de chacun de nous il y a une brebis* égarée! mais jugée dangereuse elle est fauchée à la fleur de l'âge par le troupeau (la foule)

*un mouton égaré pour les hommes :))





Réponse N°13 35359

Original !
Par Samira Yassine(CS)le 2015-04-01 21:23:36

Je ne saurai te dire , ma chère Najlae combien j'ai adoré. C'est un écrit digne des grands écrivains . D'ailleurs, je t'avais félicitée , au début pour le choix de ce texte que tu venais de publier. Mais , ne le trouvant nulle part, j'ai conclu que tu en étais l'auteur!

Moi, j'ai adoré et j'ai été profondément touchée par les malheurs de cette pauvre brebis égarée. J'ai même culpabilisé à un certain moment.

Je ne sais pas pourquoi en lisant ton récit , j'ai pensé à Martin le malheureux esclave de l'oeuvre de Voltaire, surtout quand il parlait de sa mère qui lui conseillait de respecter " nos maitres les blancs.

Par ailleurs , sois sûre , ma chère Najlae que nous serons nombreux à penser à toi lorsque nous sacrifierons quelque mouton égaré :)

Merci pour le partage, ma chère jeune collègue.




Réponse N°14 35363

Merci
Par AMMARI Najlae(CS)le 2015-04-02 18:30:24



Ton point de vue m'intéresse beaucoup ma chère Samira. on dirait que je t'ai soudoyée pour que tu m'arroses de tant d'amour et d'admiration :)

les brebis ont également des droits, j'espère que nos "papes" ne vont pas croire que je suis contre la fête du mouton :)

Quant à moi, l'image que je n'oublie jamais c'est celle d'un mouton"mal égorgé" qui a échappé à nos voisins , le pauvre luttait contre la mort jusqu'à la dernière minute... Tous les enfants de notre quartier l'ont suivi comme s'il était un fou.

Il fallait courir 20 minutes pour l'attraper :D




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