casablanca : les tentatives de «planification», le malaise de la croissance urbaine | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Jaafari Ahmed (Prof) [931 msg envoyés ] Publié le:2013-07-07 09:53:16 Lu :3164 fois Rubrique :Politique et société 3 votes 4/5 Les Tentatives de «Planification» Le Malaise de la Croissance Urbaine Au début des années 1940, la bande atlantique (entre Casablanca et Kénitra) concentre déjà la majorité de la population urbaine du Maroc et la principale de l'activité économique. Casablanca est passé d'une population de 106000 habitants en 1926 à près de 500000 en 1945 dont 300000 musulmans. La plupart des grands bidonvilles étaient déjà formés: ben M'sick, Carrière Centrales, Derb jdid, etc.comptent plus de 80000 habitants. Par ailleurs le mouvement spéculatif foncier prenait de l'ampleur: des terrains sont acquis même au-delà du périmètre urbain légal. Face à cette croissance anarchique des villes, l'État colonial tente un début de planification. Un architecte-urbaniste est appelé en consultation pour élaborer un vaste programme d'aménagement. Le «plan Courtois» propose, pour la première fois, l'aménagement et l'extension de la ville, en prévoyant des secteurs d'habitat marocain. «ce plan, écrit J. Déthier , étonne le public par son envergure , et précisément , par l'importance quantitative et qualitative qu'il accorde à «l'urbanisme indigène».»( J. DETHIER, «Soixante ans d'urbanisme au Maroc», Princetown University , Avril 1970, p. 14). C'était alors un plan qui répondait aux «inquiétudes» des européens, dont le fond reste politique:«Tout doit être mis en oeuvre pour lutter conte la formation d'un prolétariat indigène» (C. SANGUY, «Réflexions sur le problème de l'habitat indigène à Casablanca «in Maroc Médiéval, n° 265, Rabat, 1946). Le nationalisme, à l'époque reprenait de l'ampleur; pour la première fois l'indépendance est réclamée (Le mot d'ordre de l'indépendance est lancé d'abord par les communistes marocains en 1943, repris ensuite dans le manifeste de 1944 de l'Istiqlal). Par ailleurs , face à une certaine dispersion géographique de l'industrie (existence d'ateliers , de petites unités de production dans les quartiers européens: centre-ville, Marif, etc.) , de petits «îlots d'habitat spontané ( des baraques surtout) sont apparus dans les quartiers européens défiant les «principes» de séparation des deux populations énoncés par Lyautey et approuvés par les européens. C'est ce qui incite E. Pauty à écrire «il ne faut pas se dissimuler qu'actuellement sur une population qui dépasse 500000 habitants, le milieu indigène sédentarisé se rapproche de 400000, chiffre qui ne pourrait que croître» (E. PAUTY, «Casablanca et son plan», Revue de Géographie marocaine», n° 3 et 4, 1945, p.6) ou encore C. Sanguy «Le problème le plus angoissant qui s'est posé depuis plusieurs années et qu'il est urgent de résoudre , est celui de l'organisation de vastes secteurs d'habitation indigènes. Les quartiers européens enveloppés en demi-cercle par.des agglomérations spontanées .sont menacés d'asphyxie .les services publics ont à rechercher et à trouver une formule capable de tout concilier» (C. SANGUY, op. cit.) (Soulignés par nous). L'habitat marocain passionne depuis quelques années «d'importantes sociétés immobilières animées par les banques, le patronat ou des particuliers» (A. AYACHE , «Le Maroc»,1954, p. 141). Les secteurs d'investissement privilégiés des capitaux privés, restent donc certaines branches de l'industrie légère, la «spéculation» immobilière et les activités bancaires. Cette phase de «boom» économique reste fort limitée par l'orientation improductive de ces investissements, surtout au niveau de ses effets sur la population en matière d'emploi, et de niveau de vie (car les conséquences de cette phase ne seront ni le plein emploi, encore moins le relèvement du niveau de vie). Cette orientation spéculative des investissements privés, s'explique par la recherche du profit facile et à court terme, l'avenir politique du Maroc restant incertain avec la poussée nationaliste. D'un autre côté , l'afflux considérable des capitaux étrangers vers le Maroc, principalement français, se justifie par le repli des capitaux d'Indochine , par l'existence d'un équipement infrastructurel peu touché par la guerre, par l'existence d'une main d'oeuvre sous-rémunérée , enfin par les avantages fiscaux et les différentes garanties de transfert accordés par l'État colonial (de nouveaux groupes financiers et bancaires vont s'implanter au Maroc, tels la Société Quilmes . la Banque d'Indochine, Rothschild Frères.). La situation Urbaine Nous avons précédemment , évoqué le malaise de la croissance urbaine, il nous reste toutefois à mesurer toute l'ampleur de cette «crise de croissance» notamment par rapport à la population des villes, à la crise du logement qui touche autant les européens que les marocains, à l'émergence des contradictions entre la capital et la propriété foncière, etc.pour pouvoir mieux cerner dans quel contexte s'inscrit la «nouvelle» politique urbaine de l'État colonial dans cette dernière période. Ainsi entre 1936 et 1952, on peut remarquer que le pourcentage de la population urbaine par rapport à la population totale a doublé. La population musulmane, à elle seule, au niveau urbain, s'est accrue d'un million d'habitants de 1926 à 1952. Accroissement de la population urbaine musulmane par villes
Source: P. MAS, p. 203 On peut noter que les villes qui s'accroissent sont celles qui ont des activités économiques importantes. Les villes traditionnelles déclinent par rapport aux villes du littoral, du point de vue de l'importance économique, mais nullement du point de vue accroissement de la population. La population urbaine européenne connaîtra aussi un accroissement important, par une immigration soutenue (souvent événementielle) (Entre 1936, afflux d'espagnols fuyant la guerre civile. En 1939, arrivée massive d'européens fuyant la guerre en Europe), et un accroissement démographique naturel dû à un excédent de naissances sur les décès (un niveau de consommation élevé). ÉVOLUTION DE LA POPULATION EUROPÉENNE
Source: P. MAS, op. cit. La population juive, 200000 en 1952, est essentiellement concentrée dans les villes du littoral. La crise du logement Au lendemain de la guerre, cette crise du logement est générale. Elle touche aussi bien la population européenne que marocaine. Tous les quartiers se densifient pour accueillir les nouveaux venus. Les bidonvilles continuant à proliférer dans toutes les villes marocaines, même là où l'industrie est inexistante, accueillant désormais la majorité de la population musulmane urbaine. Pour les européens, malgré l'action de l'O.C.H. (L'O.C.H.E : Office Chérifien de l'Habitat Européen devenu L'O.C.H : Office Chérifien de l'Habitat), la crise du logement continuant à les toucher, d'autant plus que la spéculation foncière et immobilière était très importante, rendant certains loyers inaccessibles. Car la majorité des immigrés de 1936 et 1939 appartiennent à des couches moyennes ou modestes. La plupart des ouvriers spécialisés, des petits commerçants, des agents de maîtrise espagnols, italiens ou portugais vont s'installer dans la zone d'extension européenne: le Marif où les lots sont encore accessibles. Très rapide sera la surdensification de ce type de quartiers relativement à l'image de la nouvelle médina (300 habitats à l'hectare dans le Marif contre 88 dans la nouvelle médina). Pour les marocains , ce n'est pas un fait nouveau , dès les années 1930 la crise du logement sévissait . Cette situation, depuis, n'a fait que s'aggraver d'autant plus que rien n'était prévu pour la résoudre. En effet, les règlements de construction n'étant pas prévus pour l'habitat marocain , les médinas se sont vite surdensifiées , les constructions s'élevant au détriment des espaces verts , de l'air et du soleil. Même le patio intérieur autour duquel s'organise l'habitat traditionnel, est réduit par l'édification de nouvelles pièces au-rez-chaussée, ou bien encore la surélévation, qui domine ou supprime même totalement la ventilation et l'ensoleillement des étages inférieurs (P. MAS décrit longuement dans son article , comme s'effectue ce surpeuplement dans les médinas.). A. Adam nous donne les chiffres suivants, concernant l'accroissement de la population marocaine de l'ancienne médina. POPULATION MAROCAINE DE L'ANCIENNE MÉDINA.
Source A.ADAM,»La population marocaine de l'ancienne médina», B.E.M., n° 47-48, 1950, p.3. De son côté, M. Écochard arrive aux densités suivantes pour les quartiers marocains: ancienne médina 1290 habitants à l'hectare; nouvelle médina 850; bidonville de Ben M'sick 1050; Derb Ghallef 1600; bidonville des Carrières Centrales 850. Les bidonvilles accueillaient à cette époque dans les villes marocaines ayant une certaine activité économique développée de 10 à 75% de la population urbaine! C'est ce que ce tableau, établi par mes les services de l'urbanisme, tend à montrer: LA POPULATION BIDONVILLOISE AU MAROC
*Villes de la côte Atlantique Source: Service de l'Urbanisme:«Note dur l'habitat spontané», 1948, Rabat. Seulement ces chiffres restent incomplets, car mis à part les bidonvilles, d'autres types d'habitat précaire existaient. Notamment les lotissements clandestins (Derb Ghallef, nouvelle médina, etc.) et les douars clandestins (à la périphérie des villes où un certain mode de vie paysanne continuait à dominer) groupant une grande partie de la population urbaine. «L'industriel trouve devant un marchand de terrains fort satisfait de toutes ces contraintes (équipement.). L'affaire se fait ou ne se fait pas ou se fait mal. L'affaire ne sait pas. C'est peut-être une industrie qui échappe au Maroc. L'affaire se fait: elle se fait toujours mal. Soit qu'il y ait dispersion ou isolement par rapport aux voies ferrées, au port, etc.(P. PELLETIER , «Valeur foncières au Maroc», op. cit.p.33). C'est justement conte ces effets directs ou indirects de la spéculation foncière que la nouvelle politique urbaine de l'État colonial entend réagir. Car cette spéculation est en contradiction, dans une certaine mesure , avec le développement du capitalisme. La Politique Urbaine de l'État Colonial Cette politique urbaine dans cette dernière période de la colonisation sera principalement menée en fonction des nouvelles contradictions de la ville coloniale, des nouveaux «enjeux» urbains. C'est le développement du capitalisme, avec toutes ses exigences en matière de reproduction du capital et de la force de travail, qui suscitera l'action de l'État par le biais de la planification urbaine. Mais il n'en demeure pas moins que le Pouvoir Colonial , dans un contexte socio-politique bien déterminé , donne aussi une profonde signification politique, voie idéologique , à un programme d'habitat qui se veut «social». Après un bref exposé sur les principes de cette planification , des réalisation , nous analyserons successivement le contenu de la nouvelle législation par rapport aux textes de la première période; d'examiner dans un second temps , en quoi ce nouveau programme répond aux exigences du développement capitaliste, et quels en sont les effets au niveau politique et idéologique. Le Programme Écochard Appelé par E. Labonne en 1964, M. Écochard, architecte-urbaniste de renommé, devait tenter de résoudre les problèmes suscités par la croissance urbaine, combattre «l'anarchie». Après avoir organisé le Service de l'Urbanisme (ce service sera réuni avec le service de l'habitat au sein de la Direction des Travaux Publics, de compétence nationale.) , l'équipe Écochard commença par définir une nouvelle stratégie en matière d'urbanisme . Des éléments d'aménagement du territoire sont définis, les plans des villes tracés. Deux principes sont retenus: le zoning et l'habitat du plus grand nombre. Élément pour un aménagement du territoire Pour déconcentrer Casablanca et les autres villes de l'Atlantique, Écochard essaie de susciter une décentralisation industrielle en faveur des petites et moyennes villes (Meknès, Safi, Marrakech, etc.) en prévoyant dans les nouveaux plans de ces villes de «moindre importance», de vastes zones industrielles. Cette idée répondait aux besoins suscités par la grande poussée industrielle d'après-guerre, mais les équipements infrastructurels, la qualité des services encore défaillants, rendaient les investissements non rentables dans ces petites villes. D'autre part, il cherchera à aménager les petits centres ruraux, s'inspirant largement des idées de Le Corbusier dont la formule était: «On ne peut aménager les villes sans aménager d'abord les campagnes». En fait cet aménagement se souciait beaucoup plus d'équiper ces centres afin de pouvoir accueillir certaines industries de transformation des produits agricoles: «le but immédiat de ces équipements ,écrit R. Forichon, est de fixer au plus près des lieux de production, les industries de transformation des produits du sol , qui ont souvent tendance .à s'installer près des gros marchés urbains de consommation. Un deuxième objectif est d'attirer là d'autres industries non spécifiquement agricoles» (R. FORCHON , «L'aménagement des campagnes marocaines», Architecture d'aujourd'hui , n° 35 , Paris, 1951, pp. 29-31). Il nous semble, par ailleurs, que ces premiers éléments d'aménagement régional, répondait aussi au souci de freiner l'exode rural vers les grandes villes.De faire de ces petites villes non plus un relais ou une étape de l'exode rural, mais par leur équipement, fixer définitivement la population. C'est la même idée qui sera reprise, sans grand succès, dans le plan quinquennal de 1968-1972, car seul le tertiaire «inférieur» offre des emplois (petits métiers improductifs), le chômage et le sous-emploi comme partout ailleurs, restant de rigueur. À ce sujet, R. Forichon ajoute: «l'aménagement de ces bourgs qui vont changer en bien des produits de la campagne marocaine est conçu de manière à permettre aux populations rurales d'y trouver les ressources et commodités nécessaires et de les dégager ainsi de l'emprise des villes »(R. FORICHON, idem, souligné par nous). Après l'équilibre des pôles de croissance, celui des milieux urbains et ruraux, le dernier élément est la restructuration des villes par rapport à leur région. Le problème le plus crucial reste évidemment celui de Casablanca. Là encore c'est la théorie de Le Corbusier, à laquelle adhère Écochard, qui est mise en avant: l'organisation d'une «cité linéaire industrielle et ouvrière» (Le CORBUSIER, «Les trois établissements humains», Ed. de Minuit, Paris, 1954). En pratique cela voulait dire, relier Casablanca à Fédala (41 kms) «en un seul organisme urbain suffisamment structuré et vaste pour accueillir dans l'avenir les millions de nouveaux citadins inexorablement prévus par les démographes» (J. DETHIER, op. cit. p. 18) (Fédala a été rebaptisée Mohammadia). C'était, là encore, un plan qui répondait à la poussée industrielle et les besoins en terrains dans le prolongement du quartier industriel de Casablanca. Ce projet jugé «utopique» à l'époque car il heurtait des intérêts fonciers et nécessitait des dépenses d'équipement énormes par rapport au nombre d'industrie existantes, sera abandonné. Mais en 1969, il sera repris en considération et fera l'objet d'une première publication par le C.E.R.F. (Centre d'Études de Recherche et de Formation dépendant de la Division de l'Urbanisme et de l'Habitat), sous le titre «Schéma d'Aménagement de l'axe urbain littoral: Casablanca-Kénitra» (D.U.H., Maroc, nouvelles réflexions pour l'aménagement de l'axe urbain littoral, Rabat, 1969). Urbanisme et Habitat «Quels furent pour nos études les principes directeurs? Nous n'avons pas de secrets. Tout est contenu dans un petit livre appelé la Charte d'Athènes» écrivait M. Écochard (M. ECOCHARD, «Casablanca: Le roman d'une ville» Ed. de Paris, 1955, p. 98). Les quatre fonctions urbaines essentielles qui sont dégagées par cette Charte sont:«Travailler, Circuler, Habiter, et se Cultiver le corps et l'esprit». Le programme d'Écochard s'en inspire abondamment, pour décréter par les nouveaux plans un zoning strict, à même de mettre de «l'ordre» dans les villes. Chaque quartier a désormais une fonction bien précise: on prévoie des zonez d'industrie, des zones résidentielles, des zones artisanales et ouvrières, etc.Partout à Casablanca, des zones d'extension industrielles et d'habitat sont prévues. Parallèlement, de grandes voies de circulation sont crées afin de répondre au développement futur de la ville (Aménager l'espace de circulation des marchandises et de la force de travail).Mais aussi pour les besoins de la sécurité:«vérifier sa correspondance (plan de circulation) avec les besoins qu'impose la sécurité vue sous tous aspects, défense passive et maintien de l'ordre «( M. ECOCHARD , op. cit. p. 88 . Ce plan sera soumis aussi aux militaires et aux autorités chargées d'assumer la défense civile:«les uns et les autres furent d'accord sur mes propositions qu'ils trouvaient être le minimum indispensable pour répondre aux buts visés»p.91). Pour l'habitat européen, des zones d'extension sont prévues «sans difficultés» près du centre de la ville (quartier Bourgogne). Par contre le problème de l'habitat marocain étant plus difficile à cerner, outre les zones d'extension prévues dans les plans, en général près des lieux de travail, c'est une solution quantitative désormais qui domine. Notamment la stratégie de l'habitat pour le plus grand nombre, la seule solution à même de répondre aux nouveaux besoins quantitatifs en force de travail. Le temps de «l'esthétique», de la conciliation avec le traditionnel est révolu, ce sont des recherches d'habitat économique, moderne et efficace qui prévalent. Des «cités satellites» (un ensemble «d'unités de voisinage».) périphériques sont prévues en fonction des principes de la Charte d'Athènes, avec une capacité d'accueil de 50000 habitants. Un minimum d'équipement est prévu: voiries, dispensaires, écoles. Le logement est construit sur un principe «évolutif», avec comme solution une trame carrée de 64 m2 (9x8), dénommée plus tard la «trame Écochard». Cette cellule est standardisée; prévue pour le «marocain moderne», le «marocain-type» (H.DETHIER écrit:»Une uniforme théorique est sensée réduire les multiples variantes de la société, de la géographie et des moeurs, des ethnies, du climat et des matériaux, à un seul dénominateur commun, c'est l'image schématique d'un marocain-type», op. cit. p. 20), elle sera construite par milliers dans plusieurs villes du Maroc. C'est en mettant sur le marché un grand nombre de logements que l'équipe Écochard pensait résoudre les problèmes de résorption des bidonvilles , et lutter contre la spéculation qui touche même l'habitat précaire. Par rapport aux périodes précédentes, les réalisations furent nombreuses: construction de quelques cités à Casablanca pour européens (Lotissement CIL, SADNI, Beau-séjour.) et marocains (Carrières Centrales, Sidi Bernoussi, Cité d'El Hank pour les juifs marocains). D'autres cités à Rabat, Meknès furent aussi construites. Partout , au Maroc, dans les villes furent construites les trames de 8x8 Écochard. Les voies de communication et de circulation sont nombreuses à avoir été aménagées (le projet de l'autoroute entre Casablanca et Rabat sera abandonné par contre). Les options de décentralisation seront toutefois peu suivies , rares seront les petites villes qui accueilleront des industries (Essentiellement , l'implantation de quelques raffineries de sucres et des usines de conditionnement de fruits et de légumes). Peu de centres ruraux , par ailleurs seront équipés plaçant «l'aménagement régional» plus au niveau de la tentative que de la réalisation. L'Aménagement de l'espace: le Zoning Avec l'afflux des capitaux étrangers au Maroc au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'activité économique prenait un nouveau tournant. Celui du développement de l'industrie. En général des industries légères, de transformations tournées vers le marché intérieur. La Maroc , «terre de refuge» des capitaux offrait toute une gamme d'avantages aux industriels , d'ordre fiscal, des garanties de transfert, etc. La plupart des industriels s'installeront sur la côte atlantique (essentiellement à Casablanca et Kénitra) pour bénéficier de l'ensemble des équipements et des services existant déjà , accélérant la concentration. Ce développement industriel nécessitait un «réaménagement» de l'espace en fonction des nouvelles données (crise de croissance urbaine). En effet, malgré l'existence d'un quartier industriel à Casablanca , par exemple, prévu par le plan Prost , il restait insuffisant par rapport à la nouvelle impulsion donnée à la production industrielle. Non seulement une grande partie de ce quartier a été habitée, mais d'autre part les terrains disponibles font l'objet d'une spéculation intense , le prolongement de ce quartier devenait indispensable , car le problème de la localisation reste le plus important. «Beaucoup d'industries ont répondu à l'appel du Protectorat . Mais une des difficultés de l'installation de ces dernières est le «choix de l'emplacement «leur importance les contraint à chercher un rattachement à la voie ferrée , une alimentation en eau, une évacuation facile des déchets. L'industriel trouve alors devant lui un marchand de terrains fort satisfait de toutes ces contraintes» (P. PELLETIER, op. cit. p.33). C'est en fonction de ces «préoccupations «qu'Ecochard envisageait un ensemble Casablanca-Fédala (41 kms, prolongement du quartier industriel de Casablanca). C'est le projet de la «ville industrielle linéaire» , où l'ouvrier serait près des lieux de travail. Ecochard écrit:«Nous devons.répartir l'industrie et l'habitation ouvrière suivant les lieux les plus favorables à l'une et à l'autre et de manière à permettre des communications faciles de l'une à l'autre. Nos zones industrielles devront être alimentées et par la route et par le rail.» (M. ECOCHARD , op. cit.p.80). Il ajoute , plus loin: «Nous voulions aussi qu'en regroupant les industries on puisse leur donner les avantages qu'elles pouvaient attendre d'un bon plan, c'est-à -dire la proximité du port et de toutes les voies importantes ferrées et routières, ainsi que les quartiers ouvriers qui devaient fournir la main d'oeuvre»( op.cit.p. 116). Le plan d'aménagement d'Écochard affronte ainsi les besoins futurs, en prévoyant de larges zones d'extension industrielles où le choix de l'emplacement , en fonction des équipements , ne représente plus une contrainte. Et en empêchant surtout la spéculation foncière de toucher ces zones. La contradiction entre capital (industrie) et propriété foncière est donc levée (les terrains dans cette nouvelles zones étant municipaux). Les «avantages» du zoning ne se limitent pas à cet aménagement de zones industrielles. Il y a aussi des zones d'habitat, des zones de commerce, etc. C'est ainsi que pour l'habitat, ce plan prévoit plusieurs zones d'extension de l'habitat marocain . la concentration et la «congestion» des lieux traditionnels d'habitat deviennent dangereuses notamment au niveau de l'hygiène, etc. Pour les européens, une zone de résidence est prévue dans toutes les villes. Appelée encor zones de «plaisance», leur réglementation reste conforme à la tradition bourgeoise, veillant en particulier à ce qu'aucun immeuble ne soit autorisé en voisinage. Reste une zone commerciale et financière «nécessaire» par rapport aux nouvelles activités économiques implantées, c'est le vieux projet d'E. Labonne qui est repris: l'aménagement de la Cité de Sidi Belyout , en prolongement du Centre. L'État approuve le projet de cette nouvelle cité, d'autant plus que les terrains sont municipaux ou bien appartiennent aux Habous. Après les lotissements, des buildings de plusieurs étages (logements, bureaux) sont édifiés, avec autour jardins, parkings, centres commerciaux, etc. (L'émergence de ces nouveaux immeubles de plusieurs étages répondait aux nouveaux besoins en bureaux). En résumé nous pouvons dire que le contenu de cette nouvelle stratégie (planification urbaine, zoning, etc.) est tout à fait orienté par rapport aux exigences du développement capitaliste, en particulier l'aménagement spatial de la production (quartiers industriels), de la circulation et de l'échange (organisation des services financiers , commerciaux.), celui de la reproduction de la force de travail: zones d'extension de l'habitat, proximité des lieux de travail. Reproduction de la force de travail Comme on a pu le noter précédemment, les conditions de vie de la majorité de la population se sont nettement dégradées, à tous les niveaux. En particulier, celui du logement avec l'existence de nombreux bidonvilles, de médinas surpeuplées, etc. La reproduction de la force de travail était jusqu'alors «assurée» par cet habitat précaire. Mais, avec le développement de nouvelles industries, et les nouveaux besoins de main d'oeuvre (plus ou moins qualifiée), de nouvelles exigences sont apparues auxquelles les bidonvilles ne répondaient plus. Ainsi peut-on justifier la politique du plus grand nombre, principalement en direction de la classe ouvrière dont le développement est très important (après 300000 ouvriers). Après avoir assuré cette reproduction de la force de travail en fonction de ces besoins, par le logement d'entreprise, après l'avoir rejetée sur les bidonvilles, le capital s'en décharge sur l'État colonial , dans cette dernière période. La trame Écochard (8x8) d'une solution financière acceptable, s'adressant à la population solvable (donc forcément ceux qui ont un travail et un revenu fixes), prévoyait le minimum (deux pièces habitables, une cuisine et un W.C., le tout disposé autour d'une cour) compatible avec les exigences de reproduction de la force de travail , au moindre coût. Avant que les services de l'urbanisme ne mettent au point cette solution, plusieurs études, pour la première fois, d'ordre démographique, économique, social.étaient réalisées. L'urbanisme «social» Écochard affronte le milieu comme les besoins. «les zones d'habitat, écrit M. Écochard, doivent être organisées , et c'est alors qu'interviennent les notions sociales de l'Urbanisme moderne. Le but final de cet urbanisme est de faire éclore des communautés urbaines valables. C'est-à -dire saines et vivantes» (M. ECOCHARD, «Note pour Monsieur le Président Général sur le Comité Interprofessionnel du Logement» Rabat, avril, 1952, Ronéotypé, p.7) Le processus de socialisation de la consommation, notamment au niveau des équipements , aboutit avec la théorie des «unités de voisinages» regroupées en quartiers . Elles assurent tous les équipements nécessaires, des espaces verts, etc. Au surpeuplement, on oppose désormais la décongestion (la résorption des bidonvilles, si elle présente un caractère d'urgence, n'est cependant pas la question la plus importante: les médinas sont deux fois trop peuplées.» (M. Écochard «Note à .» op. cit., p.9), un seuil optimal d'occupation du sol. Ce sont de nouvelles «normes» de reproduction de la force de travail. Un budget très important sera consacré à ce programme d'habitat qui touchera près de 100000 personnes. Pour la population des bidonvilles, en partie des travailleurs de l'industrie, mais dont les salaires étaient insuffisants pour occuper des trames 8x8, l'administration coloniale va essayer «d'humaniser» les bidonvilles. D'abord, leur regroupement , sur des terrains de l'État (donc loyer modéré) est opéré, ensuite plusieurs solutions concourant à les rendre plus vivables seront expérimentées: - Le bidonville «amélioré». Il consiste à mettre en ordre les baraques, en aménageant entre les blocs des voies assez larges pour former coupe-feu (Derb Jdid, à Casablanca, Douar El Alia à Fédala, Dour Debagh à Rabat). - La «trame sanitaire». Cette formule comporte outre les opérations précédents, une voirie élémentaire et un équipement sanitaire réduit (Sidi Othman à Casablanca, Yacoub El Mansour à Rabat, etc.) - Le système «Castors» , fourniture par l'État du terrain et des matériaux de construction , les bénéficiaires pratiquent l'auto-construction. Toutes ces solution étaient des réponses aux nouvelles exigences de reproduction de la force de travail ( Il faut voir aussi dans cette opération de regroupement , alignement, dégagement de voies, etc. des mesures de contrôle rapide de tout mouvement revendicateur). , engageant d'ailleurs des dépenses limitées sur les bidonvilles, qui accueillent la plus grande partie du prolétariat. Comme l'écrit d'ailleurs M. Écochard: «Cette solution vise à transformer le bidonville sur place, de manière à en faire un quartier salubre, et socialement organisé » (M. ECOCHARD, «Note à .» op, cit; p. 14,) (soulignés par nous). Les zones d'habitat des ouvriers, sans que nous ayons à développer cette question, seront, pour la plupart, prévues près des lieux de travail, afin d'éviter les nouvelles dépenses de transport, d'éviter la fatigue et le temps de transfert. Les principes, comme la mise en oeuvre de cette politique de l'habitat du plus grand nombre, concouraient donc à la socialisation de certaines conditions de reproduction de la force de travail. Cependant, cette «socialisation» de la consommation ne peut uniquement s'exprimer par les besoins du capital, mais aussi par les besoins de l'État colonial de s'engager dans une politique «sociale» générale à un moment où les luttes pour l'indépendance prenaient de l'ampleur. Professeur, Sad BENZAKOUR. 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