Agrégation- concours d'accès au cpa de marrakech- commentaire composé


marocagreg (Admin) [2245 msg envoyés ]
Publié le:2019-08-07 21:29:27 Lu :5877 fois
Rubrique :Agrégation  
  • 4.0 stars
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
1 vote    4/5


L'épreuve de commentaire composé proposée au concours d'accès à la première année de préparation d'agrégation de français (centre de Marrakech).
concours accès au cpa : commentaire composé - Marrakech 1
concours accès au cpa : commentaire composé - Marrakech 2
Sujets similaires
Liste des admis au concours de sortie (agrégation de français - 2022)
Agrégation de français (concours de sortie 2018) : liste des candidats
Le concours d'entrée agrégation 2014
Liste des admis au concours d'accès-agrégation (fr) 2014
Concours de sortie: agrégation 2010

Voir tout Voir des sujets similaires

Moteur de recherche

Derniers articles sur le forum
LE PERE GORIOT  Vu 1646 fois
Anarchie  Vu 828 fois



Réponse N°11 37750

Le texte
Par Doubry Sarah(CS)le 2020-04-18 20:56:36



Les dîners recommencèrent ; et plus il fréquentait Mme Arnoux, plus ses langueurs augmentaient.

La contemplation de cette femme l'énervait, comme l'usage d'un parfum trop fort. Cela descendit dans les profondeurs de son tempérament, et devenait presque une manière générale de sentir, un mode nouveau d'exister.

Les prostituées qu'il rencontrait aux feux du gaz, les cantatrices poussant leurs roulades, les écuyères sur leurs chevaux au galop, les bourgeoises à pied, les grisettes à leur fenêtre, toutes les femmes lui rappelaient celle-là, par des similitudes ou par des contrastes violents. Il regardait, le long des boutiques, les cachemires, les dentelles et les pendeloques de pierreries, en les imaginant drapés autour de ses reins, cousues à son corsage, faisant des feux dans sa chevelure noire. A l'éventaire des marchandes, les fleurs s'épanouissaient pour qu'elle les choisît en passant ; dans la montre des cordonniers, les petites pantoufles de satin à bordure de cygne semblaient attendre son pied ; toutes les rues conduisaient vers sa maison ; les voitures ne stationnaient sur les places que pour y mener plus vite ; Paris se rapportait à sa personne, et la grande ville avec toutes ses voix bruissait, comme un immense orchestre, autour d'elle.

Quand il allait au Jardin des Plantes, la vue d'un palmier l'entraînait vers des pays lointains. Ils voyageaient ensemble, au dos des dromadaires, sous le tendelet des éléphants, dans la cabine d'un yacht parmi des archipels bleus, ou côte à côte sur deux mulets à clochettes, qui trébuchent dans les herbes contre des colonnes brisées. Quelquefois, il s'arrêtait au Louvre devant de vieux tableaux ; et son amour l'embrassant jusque dans les siècles disparus, il la substituait aux personnages des peintures. Coiffée d'un hennin, elle priait à deux genoux derrière un vitrage de plomb. Seigneuresse des Castilles ou des Flandres, elle se tenait assise, avec une fraise empesée et un corps de baleines à gros bouillons. Puis elle descendait quelque grand escalier de porphyre, au milieu des sénateurs, sous un dais de plumes d'autruche, dans une robe de brocart. D'autres fois, il la rêvait en pantalon de soie jaune, sur les coussins d'un harem ; -- et tout ce qui était beau, le scintillement des étoiles, certains airs de musique, l'allure d'une phrase, un contour, l'amenaient à sa pensée d'une façon brusque et insensible.

Quant à essayer d'en faire sa maîtresse, il était sûr que toute tentative serait vaine.

Un soir, Dittmer, qui arrivait, la baisa sur le front ; Lovarias fit de même, en disant :

-- " Vous permettez, n'est-ce pas, selon le privilège des amis ? "

Frédéric balbutia :

-- " Il me semble que nous sommes tous des amis ? "

-- " Pas tous des vieux ! " reprit-elle.

C'était le repousser d'avance, indirectement.

Que faire, d'ailleurs ? Lui dire qu'il l'aimait ? Elle l'éconduirait sans doute : ou bien, s'indignant, le chasserait de sa maison ! Or, il préférait toutes les douleurs à l'horrible chance de ne plus la voir.

Flaubert, L'Education Sentimentale




confidentialite