A propos de l'examen régional de français, session juin 2011, académie du grand casablanca


OMARI Abdellatif (?) [176 msg envoyés ]
Publié le:2012-01-21 18:26:18 Lu :5841 fois
Rubrique :Espace enseignants  
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OMARI Abdellatif
A propos de l'examen régional de français, session juin 2011, académie du grand Casablanca
Si l'examen consiste en une évaluation globale et certificative au terme de l'étude de trois œuvres au programme, de genres et d'écrits différents, on peut s'interroger sur les compétences sur lesquelles l'élève devrait être évalué et se demander si nos examens réussissent à le faire. Deux textes qui se rapprochent, étant extraits de récits à la première personne, ayant, certes, un thème commun, mais l'un est de facture autobiographique dont l'histoire est authentique, l'autre est une pure fiction. Ne pas mentionner la référence de l'œuvre d'où est extrait le texte proposé, et demander à l'élève de dégager le nom de l'auteur et le titre de l'œuvre, cela n'est pas une évaluation mais un jeu de cache-cache, où l'on présuppose que certains élèves ne connaissent pas les œuvres. Est-ce là notre affaire ? Si effectivement les concepteurs ont cette intention, qu'on demande à l'élève de situer le passage et de présenter une brève biographie de l'auteur, à la fois leur intention sera exaucée mais l'élève serait quand bien même évalué sur l'une des compétences inhérentes à l'étude d'une œuvre intégrale. Notre devoir est d'évaluer l'élève sur des compétences supposées connues et assimilées, l'examen n'est qu'une autre importante facette d'intégration. Mais si on demande à l'élève de justifier sa réponse quant au genre d'une œuvre, on l'amène, non seulement à mobiliser ses acquis, mais aussi à exploiter ses compétences. Que l'élève soit amené à répondre que dans La Boîte à merveilles nous avons une personne réelle (ce qui justifie le genre autobiographique) et que dans Le Dernier jour nous avons un personnage fictif (ce qui justifie le genre de roman fiction), ou que dans le premier texte le «je» renvoie au «je» narré, Mohamed enfant et non au « je » narrant, Mohamed adulte, et que le «je» dans le second texte renvoie tantôt au «je» narrant, le condamné au moment de l'énonciation, tantôt au «je» narré, le condamné enfant, voilà certaines des compétences inhérentes aux récits à la première personne, et que le groupement de textes est venu comme une situation-problème pour relever les caractéristiques spécifiques à l'un et à l'autre genre. Quelle utilité diriez-vous ? Mais que serait un projet pédagogique s'il ne prenait pas en considération, et avant tout, les caractéristiques de l'écriture ? Quelle utilité alors dans ces dix questions jetées à tort et à travers sans but et sans construction ? Quel profil de l'élève peut-on dégager, au terme d'un parcours qui a fait l'objet de l'étude de trois grandes œuvres littéraires, à partir de questions banales auxquelles on devait répondre par un petit «a» ou un petit «b» ou «c», et que cela s'arrête là. Si l'enfant Mohamed se distingue des autres enfants par des choses, il fallait demander aux élèves de relever l'impact que cette différence a eu sur sa personne, et la réponse devait être «ce désir précoce de connaître» , au lieu de leur demander de choisir parmi trois termes proposés le sens du mot «connaître» dans la phrase « Moi je ne voulais rien imiter, je voulais connaître » tout en induisant en erreur les élèves par l'emploi de termes incongrus (« faire connaissance » et « inventer ») à côté du mot «savoir», et tout en croyant faire avec fierté un exercice à trous qui en est le QCM. Et puis, à quoi bon de poser des questions sur ce à quoi rêve le condamné et s'il a accompli son rêve dans le rêve? Quelles performances de l'élève les réponses à ces questions, vraies ou fausses, peuvent-elles mettre en relief? Un «bravo» peut être! Que sert à demander à l'élève de relever un point commun entre les deux narrateurs et s'attendre à ce que la réponse soit «rêve» ou «imagination» ? Banalité ! Ne fallait-il pas demander à l'élève plutôt de relever ce décalage entre «rêve» et «réalité» dans la mesure où, avec ou sans gendarme, le projet rêvé du condamné ne peut jamais être accompli vu la réalité amère du mur épais de trois pieds qu'il faut d'abord briser, et le rêve, dans ce sens, devient délire? Voilà une bonne leçon pour l'élève ! Enfin, tout texte exploite une esthétique particulière, et toute l'étude d'une œuvre littéraire ne consiste particulièrement qu'à dégager cette esthétique, à travers des faits de langue, de style et de rhétorique. Où est donc tout cela dans ces dix questions banales ? Cependant, les deux textes sont riches et sont prêts à être exploités au niveau grammatical, syntaxique et stylistique, ce qui devait passionner l'élève et non l'abrutir.
Le plus grave, parmi toutes ces maladresses, se trouve au niveau de certaines connaissances erronées. Pour illustrer cette ignorance déplorable, nous allons faire un petit commentaire sur les questions n° 2 et 9.
-La question n°2 : le pronom « je », dans les deux textes, renvoie à deux personnes différentes. Lesquelles ?
Quand nous sommes devant un récit de pure fiction, on ne parle pas de «personnes» mais de «personnages». Le mot «personne» renvoie plutôt à une entité réelle. Dans La Boîte à merveilles, par exemple, qui n'est pas une pure fiction, on peut parler de la personne de Mohamed (enfant ou adulte), puisque l'on tient à ce que  « Mohamed » soit égal à « Ahmed ». Mais dans le cas du Dernier jour, le mot «personne» est incongru, il ne peut renvoyer au condamné soit en tant que narrateur soit en tant que personnage puisqu'il s'agit d'une pure fiction. Si l'élève, involontairement, donne au mot «personnes» le sens de «personnages», le problème ne se pose pas, , et il devait impérativement répondre que le pronom «je» renvoie à l'enfant Mohamed et au condamné à mort, et les concepteurs devaient s'estimer heureux. Mais si l'élève prend au sérieux le mot «personnes», il se trouvera devant une situation délicate. La question est donc mal formulée et peut induire en erreur. Le mot «personnes» devrait être remplacé dans la question par le mot «entités», ou à la rigueur par le mot «personnages». Je ne peux pas, en tant que correcteur, ne pas admettre comme réponse également « Ahmed Sefrioui », qui est effectivement une personne (l'auteur), à côté de la réponse attendue « Mohamed enfant », qui est à la fois personne et personnage ; mais je ne dois pas tolérer comme réponse « le condamné à mort » puisqu'il n'est pas une personne mais uniquement personnage (personnage-narrateur et personnage-acteur). Que fait alors le correcteur attentif devant de telles réponses si la faute est aux autres et non à l'élève ?
-La question n°9 : les deux narrateurs (dans les deux textes) ont un point commun. Lequel ?
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D'une part, le mot «narrateur», dans la formulation de la question, est valable pour le texte tiré du Dernier jour d'un condamné et ne l'est nullement pour celui tiré de La Boîte à merveilles. Dans un récit à la première où à la troisième personne, le mot «narrateur» renvoie, de manière générale, à cette entité dont la fonction est la régie, fonction commune, d'ailleurs, à tous les narrateurs. On peut dire, par exemple, que dans tel ou tel passage le narrateur adopte le mouvement chronologique ou achronique, use du sommaire ou de la scène, favorise le récit itératif ou le récit singulatif, etc. Mais dans un récit à la première personne, le mot « narrateur » renvoie également au «je» narrant dans ses différents types fonctionnels de discours (le narrateur au moment de l'énonciation). Dans le texte tiré du Dernier jour, tantôt nous sommes devant le narrateur en tant que «je» narrant (ce qui est dit est étroitement lié au moment de l'écriture, le rêve de s'évader), tantôt nous sommes devant le personnage enfant en tant que «je» narré (ce qui est dit est en rapport avec un passé révolu, l'enfance). Or, dans le passage tiré de La Boîte il ne s'agit guère du narrateur en tant que «je» narrant (le narrateur, Mohamed adulte, au moment de l'énonciation), mais seulement du personnage en tant que «je» narré, Mohamed enfant (tout ce qui est dit est en rapport avec un passé révolu). La question n°9, sans le savoir, a voulu faire de Mohamed personnage un narrateur ou du « je » un « je » narrant. Dans La Boîte à merveilles, on ne peut parler de «narrateur», en tant que «je» narrant, que dans de rares fragments tel le premier paragraphe de l'œuvre : «Le soir, quand tous dorment, moi je ne dors pas...Ma solitude ne date pas d'hier» et où l'acte de paroles coïncide avec le moment de l'énonciation. La question est donc mal formulée, car si dans le second texte, celui qui existe par son rêve de s'évader est bien le narrateur, en tant que «je» narrant, au moment de l'énonciation ; dans le premier texte, celui qui existe par un rêve similaire est le personnage, en tant que «je» narré, dans un passé révolu. La question, alors, devrait être formulée soit de la manière suivante : le personnage du premier texte et le narrateur du second ont un point commun. Lequel ? , soit de la manière simpliste suivante : les deux textes ont un point commun. Lequel ?
D'autre part, le mot «point» dans l'expression «un point commun» est dilaté, car dans les deux textes, plusieurs points sont communs entre Mohamed enfant et le condamné à mort adulte: le rêve, le désir de s'évader, le sentiment du malheur ou celui de la solitude...Le correcteur sera obligé d'accepter toutes ces réponses, puisque l'élève se trouve devant un mot fleuve. Mais si on voulait une réponse précise et limitée, le mot «point» devrait être remplacé par «thème»: les deux textes ont un thème commun. Lequel ? Et la réponse serait ce que les concepteurs attendaient : le rêve, l'évasion, ou l'évasion par le rêve... puisque ce thème traverse les deux passages.
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