Université Chouaib Doukkali-el jadida-
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
Département de langue et de littérature françaises

Filière: etudes françaises

La révolte romantique dans Hernani de Victor Hugo

Projet de mémoire de licence


Présenté par: Abderrahman Elqadery
Sous la direction de:
Mme Soumaya Maatouk
Année universitaire 2007-2008


avec l'expression de la plus grande humilité, je dédie ce travail:

à mes très chers et très vénérés parents en signe de reconnaissance filiale.

à tous mes ami(e)s, chers compagnons de mes jours brillants.

à tous mes enseignant(e)s en témoignage de leurs efforts sacrés.


remerciements

je tiens à exprimer mes remerciements les plus distingués à ma directrice de recherche mme soumaya maatouk pour l'intérêt qu'elle a accordé à mon choix de sujet, pour ses instructions et ses retouches judicieuses et surtout son humeur communicative qui m'ont été assez bénéfiques pour l'élaboration et l'achèvement de ce modeste travail.

« le plus grand style en art est l'expression de la plus haute révolte»

Albert Camus, l'homme révolté, p.355


introduction

le théâtre Hugolien est le parent pauvre de la critique littéraire, il est souvent négligé par rapport aux écrits poétiques ou romanesques de Victor Hugo. entreprendre une approche de l'oeuvre théâtrale Hugolienne est une affaire plus ou moins d'actualité puisque les études proprement dites sur l'oeuvre dramatique de Hugo ne commencent qu'à partir des années soixante, avec notamment une génération de chercheurs Hugoliens comme anne ubersfeld, michel butor, jean gaudon... . ces derniers ont montré la place réelle et l'influence du théâtre Hugolien sur l'évolution du théâtre français comme le souligne anne ubersfeld:

«il a fallu la réflexion obstinée d'un petit nombre de chercheurs pour que justice soit enfin rendue à une part majeure de l'oeuvre du poète»1

le théâtre Hugolien a contribué efficacement à la naissance du théâtre romantique: c'est ce théâtre qui a libéré le théâtre français d'un héritage vieilli de la dramaturgie classique, cette dernière a conquis la scène française depuis l'age classique tout en avortant toute tentative de renouvellement. le théâtre de Hugo a le mérite de déraciner un théâtre protégé par son ancrage historique et par des institutions politico-littéraires comme l'académie française.

le choix d'Hernani comme objet de notre étude est motivé par le fait que cette pièce est le premier chef-d'oeuvre présenté de Victor Hugo: Hugo (1827) s'avère imprésentable et Marion Delorme(1829) a été censurée. Hernani est une réaction contre la censure, mais aussi une application des nouveaux principes du drame romantique explicités dans la préface de Hugo. par-là, Hernani est une dénonciation des systèmes politiques (censure) et littéraires (le classicisme); Hugo, par un «souffle révolutionnaire» l'achève en vingt-six jours et entame de multiples batailles pour que sa pièce soit représentée; épaulé par des jeunes lycéens et artistes romantiques, il atteint son objectif, celui de faire une révolution littéraire.

la première représentation d'Hernani nous a inspiré le sujet: la révolte romantique, la bataille d'Hernani l'incarne bel et bien. le 25 février 1830 est une date capitale de l'histoire de la littérature française dans la mesure où il oppose des partisans de deux courants littéraires, les uns défendent l'école classique, et les autres, pleins de jeunesse, se révoltent contre le système classique et revendiquent une nouvelle littérature exprimant leurs aspirations fougueuses. notre objet d'étude consiste à montrer comment Hernani, par sa structure interne et externe, se fait révolutionnaire contre la doctrine classique.

de ce fait, notre approche comporte trois parties:

la première partie est consacrée à la révolte de tout un courant littéraire, à savoir le romantisme, nous allons montrer comment ce dernier qui a pris racine de la révolution française de 1789, arrive à supplanter le classicisme, tout en s'arrêtant sur l'impact de la réaction romantique sur le théâtre français et sur le contexte historique et littéraire d'Hernani, premier manifeste de la révolte romantique.

la deuxième partie traitera la révolte dans la structure interne d'Hernani,. nous allons aborder le temps, l'espace et l'action pour percevoir dans quelle mesure la machine dramaturgique Hugolienne se révèle-t-elle contraire à la dramaturgie classique; nous allons procéder à une étude des techniques introduites dans la nouvelle écriture dramatique à la lumière de la volonté Hugolienne d'établir une rupture avec les normes de la doctrine classique.

notre dernière partie sera réservée à la structure externe d'Hernani, c'est-à-dire comment la révolte se manifeste pendant la représentation; nous nous intéresserons à la révolte en tant que thématique à travers l'étude du personnage éponyme (Hernani) et aussi en tant que procédé langagier à travers l'examen de la poésie et le langage dans Hernani.

notre étude tentera de mettre en lumière comment Hernani a été la pièce inaugurale de la liberté littéraire et comment il a joué un rôle décisif pour l'émancipation de la création dramatique en france.

première partie :

le romantisme : mouvement révolutionnaire.

le romantisme est un courant de rénovation littéraire et artistique du xixème siècle, il est délimité chronologiquement entre 1802 (l'année de publication du génie du christianisme de chateaubriand) et 1869 (l'année de publication de l'art romantique de baudelaire). le romantisme est né de la nécessité de renouveler la conception de l'art. le renouveau romantique consiste essentiellement à établir une rupture avec la doctrine classique.

révolte contre le classicisme:

le romantisme et la révolution:

le romantisme doit beaucoup à la révolution française de 1789, «y aurait-il eu un romantisme en France sans la révolution?»2. le mouvement romantique arrive en France de l'étranger, particulièrement de l’Allemagne et de l’Angleterre et ce sont les émigrés3 de la révolution qui ont introduit les romantiques étrangers. chateaubriand qui a été l'un de ces émigrés note que: «le changement de littérature dont le dix-neuvième siècle se vante lui est arrivé de l'émigration et l'exil»4. jacques bony confirme que c'est «aux effets négatifs de la révolution que nous devons l'introduction en france des théories des romantismes étrangers»5.

la révolution a métamorphosé la société française, ce changement va créer le besoin d'adapter la littérature française du xix ème siècle à la société nouvelle. mme de staël, une théoricienne du mouvement romantique, affirme dans son ouvrage de l'allemagne l'influence de la révolution et la nécessité de changer la conception artistique:

«rien dans la vie ne doit être stationnaire, et l'art est pétrifié quand il ne change plus. vingt ans de révolution ont donné à l'imagination d'autres besoins»6.

le chef du romantisme, Victor Hugo, souligne avant d'être chef, en 1824 dans la préface des nouvelles odes que « la littérature actuelle peut être en partie, le résultat de la révolution»7.

dans la préface d'Hernani, Hugo associe le romantisme à la révolution: «la liberté littéraire est fille de la liberté politique»8, il défend la nécessité de changer la littérature parce que le régime politique est changé:

« après tant de grandes choses que nos pères ont faites, et que nous avons vues, nous voilà sortis de la vieille forme sociale; comment nous sortirions-nous pas de la vielle forme poétique? a peuple nouveau, art nouveau. tout en admirant la littérature de louis xiv si bien adaptée à sa monarchie, elle saura bien avoir sa littérature propre et personnelle et nationale, cette france actuelle, cette france du xix ème siècle, à qui mirabeau a fait sa liberté et napoléon sa puissance.»9.

la naissance du mouvement romantique en france est due aux répercutions révolutionnaires, isabelle et yves ansel signalent que «le romantisme français est intimement, profondément, marqué par la révolution française et ses immenses conséquences»10.

le romantisme est, donc, issu d'une révolution politique, après une évolution d'une vingtaine d'année du xixème siècle, il va engendrer, lui aussi, une révolution littéraire qui vise essentiellement à remettre en question les normes de la tradition classique.

la révolte contre la tradition classique:

le terme «romantisme» fait son apparition en 1824, il est cité par l'académicien auger qui sent l'évolution rapide et le danger que représente le nouveau mouvement pour la doctrine classique:

«un nouveau schisme littéraire se manifeste aujourd'hui. beaucoup d'hommes, élevés dans un respect religieux pour d'antiques doctrines, consacrées par d'innombrableschefs-oeuvres, s'inquiètent, s'effraient des projets de la secte naissante, et semble demander qu'on les rassure […].le danger n'est peut-être pas grand encore; et l'on pourrait craindre de l'augmenter en y attachant trop d'importance. mais faut-il donc attendre que la secte du romantisme (car c'est ainsi qu'on l'appelle), entraînée par elle-même au-delà du but où elle tend […] mettre en problème toutes nos règles, insulte à tous nos chefs-d'oeuvre[…]?»11.

cette citation montre bien que le romantisme se définit par sa révolte contre la conception classique de l'art. comme la révolution a mis fin à l'ancien régime et ses valeurs, le romantisme, lui aussi, va battre en brèche les fondements du classicisme; ainsi la sclérose d'un système politique entraîne celle d'un courant littéraire qui lui est correspondant. le refus des règles classiques représente la manifestation centrale de la révolte, cette dernière est définie par albert camus comme il suit:

«qu'est ce qu'un homme révolté? un homme qui dit non […] quel est le contenu de ce «non»? il signifie, par exemple, «les choses ont trop duré […] jusque-là oui, au-delà non»12.

les règles classiques sont vieillies de deux siècles, elles ont trop duré; le romantisme est envisagé par ces théoriciens comme une lutte contre ces règles, ils les remettent en question, isabelle et yves ansel montrent cet affrontement romantique contre les règles classiques:

«le romantisme menace les règles établies, risque de porter atteinte aux valeurs consacrées; bref, le romantisme s'oppose au classicisme»13.

Victor Hugo ne fait pas faute de révéler son militantisme romantique contre les règles classiques, il signale l'ère moderne en 1827 dans la préface de Hugo, véritable manifeste du romantisme:

«disons-le donc hardiment. le temps en est, et il serait étrange qu'à cette époque, la liberté, comme la lumière, pénétrât partout, excepté dans ce qu'il y a de plus nativement libre au monde, les choses de la pensée. mettons le marteau dans les théories, les poétiques et les systèmes. jetons bas ce vieux plâtrage qui masque la façade de l'art! il n'y a ni règles, ni modèles […]».14

pour plaider la même cause, Hugo souligne en 1830 dans la préface d'Hernani:

«que les vieilles règles de d'aubignac meurent avec les vieilles coutumes de cujas, cela est bien, qu'à une littérature de cour succède une littérature de peuple»15.

contre toute norme établie, les romantiques revendiquent la liberté, c'est une: «liberté de l'art contre le despotisme des systèmes, des codes et des règles»16, affirme Hugo.

cette liberté, longtemps réclamée, sera gagnée, essentiellement dans le genre dramatique; ce qui va assurer l'épanouissement de l'écriture théâtrale romantique.

le théâtre romantique:

a. la situation du théâtre français avant 1830:

depuis l'age classique jusqu'à Hernani, l'écriture dramaturgique avait été régie strictement par des règles établies par des théoriciens au xviième siècle, essentiellement l'abbé d'aubignac, chapelain… .

le dogme des normes classiques n'a pas cessé de gêner l'écriture théâtrale, ainsi même les grands dramaturges de l'âge classique (corneille, racine…) témoignent de leur malaise à appliquer au pied de la lettre les règles classiques17.

au siècle des lumières, les règles font encore leur tyrannie bien qu'elles s'assouplissent, mais toujours la valeur d'une oeuvre dépend du degré de respect des règles.

la tragédie classique a survécu, les auteurs tragiques imitent racine et corneille, la figure dominante de ce genre est sans conteste voltaire (28 tragédies).

quant à la comédie, elle connaît plusieurs métamorphoses; au début du siècle, on imite molière. toute tentative de rénovation est avortée, ainsi marivaux qui l'un des grands auteurs comiques français a été jugé fantaisiste par ses contemporains car il fait abstraction des règles de la dramaturgie classique, son oeuvre ne serait reconnue qu'après 1830.

la tragédie et la comédie ont été sévèrement réglementées, toute création dans ces deux genres sera jugée à partir des règles; cela a poussé les dramaturges notamment Diderot, Beaumarchais et sedaine à créer un nouveau genre hybride appelé: le drame bourgeois dont Diderot et Beaumarchais étaient les théoriciens18. ces derniers souhaitent remplacer la tragédie car elle représente des personnages et des sujets qui ne sont plus d'actualité, ils revendiquent le drame bourgeois qui va pouvoir toucher de prés des spectateurs dans la mesure qu'il représente des scènes inspirées de l'existence quotidienne où le public peut se voir. bref, le drame bourgeois rapproche le théâtre de la vie des gens.

a l'éclatement de la révolution française, le théâtre connaît une rénovation, il devient une tribune pour diffuser les idées et les valeurs révolutionnaires à un plus large public. le drame bourgeois s'est développé aux avatars de la révolution jusqu'au tomber dans des sujets banals vers la fin du siècle, ce qui va accélérer son épuisement.

a la fin du xviiième, on assiste à la naissance d'un nouveau genre appelé: le mélodrame, ce genre prospère surtout sous l'empire et la restauration; son esthétique doit beaucoup au drame bourgeois, il incarne le genre le plus populaire du théâtre français:«j'écris pour ceux qui ne savent pas lire», déclare le maître du genre guilbert pixerécourt (1773-1844, 94 mélodrames, 30000 représentations).

faisant bon marché des règles classiques, le mélodrame, genre sans valeur littéraire, classé populaire, il ne pouvait pas rivaliser les autres genres dramatiques.

au début du xixème siècle, la tragédie classique régnait encore, mais on assiste à une rénovation qui consiste à écrire en respectant les règles et le ton de la tragédie tout en introduisant des enrichissements, citons par exemple: wallenstein(1809) de benjamin constant, louis ixd'ancelot et les vêpres siciliennes de delavigne.

en 1809, népomecène lemercier fait jouer christophe colomb où il abandonne les unités et mélange le familier et le noble, les défenseurs du classicisme se révoltent et interrompent la seconde représentation en des bagarres meurtrières, la pièce est interdite et l'auteur fait amende. il fallait attendre une bonne vingtaine d'années pour que le drame romantique vienne venger lemercier et sa pièce.

le triomphe du drame romantique:

le drame romantique est né comme le romantisme de l'étranger. les romantiques commencent par adapter les chefs-d'oeuvre allemands et anglais: en 1820, lebrun fait jouer marie stuart, une adaptation de schiller et en 1822, le libraire ladvocat lance une collection des chefs-d'oeuvre du théâtreétranger, ce qui va diffuser les drames anglais, allemands et espagnols. on note à la même époque la visite d'une troupe anglaise qui a joué sans succès les pièces de shakespeare.

sur le plan théorique, sous l'influence des cours de littérature dramatique de schlegel, publiés en france depuis 1813, on assiste en 1823 à l'apparition de deux audacieux ouvrages: racine et shakespeare de stendhal et la lettre … de manzoni sur les unités, ils réclament la suppression des règles et la liberté du génie dramatique.

après ces deux ouvrages, plusieurs adaptations des dramaturges étrangers ont vu le jour: fiesque (1824) d'anslot, adaptation de schiller, le cid d'andalousie(1825) de lebrun, adaptation de lope de vega. pendant cette période, les productions ne manquent pas: jane shore (1824) de lemercier, jeanne d'arcde soumet, et surtout le théâtre de clara gazul(1825) de prosper mérimée.

il faut attendre 1827, l'année capitale pour la naissance du drame romantique. pendant cette année, on souligne d'une part, la seconde visite de la troupe anglaise qui donne plusieurs représentations de shakespeare, elle obtient un grand succès. d'autre part, Hugo publie en décembre 1827 Hugo, pièce injouable à cause de sa longueur et le nombre des personnages; mais la pièce est demeurée célèbre par sa préface, véritable manifeste où Hugo théorise en quelque sorte le drame romantique.

le drame, selon la préface de Hugo a plusieurs caractéristiques. commençons d'abord par le mélange des genres: le drame romantique:

«fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la tragédie et la comédie»19.

Hugo justifie ce mélange par l'idée chrétienne de l'homme double:

«du jour où le christianisme a dit à l'homme: «tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et les passions, l'autre emporté par les ailes de l'enthousiasme et la rêverie, celui-ci enfin toujours courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel sa patrie»; de ce jour le drame a été créé»20

une telle conception de l'homme aboutit à une remise en question de la rigidité des normes classiques, le drame est donc capable de peindre les deux parties de l'homme: le grotesque de la comédie et le sublime de la tragédie. le drame est pour Hugo une peinture totale de la réalité:

«le caractère du drame est le réel; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque[…] dans le drame tout s'enchaîne et se déduit ainsi que dans la réalité, le corps y joue son rôle comme l'âme et les hommes et les événements, mis en jeu par ce double agent, passent tour à tour bouffons et terribles, quelquefois terribles et bouffons tout ensemble»21.

ensuite, le drame romantique se révèle contre les unités de temps et de lieu; pour Hugo:«toute action a sa durée propre comme son lieu particulier»22, il critique la règle de la vraisemblance sur laquelle repose la règle des unités:

«ce qu'il y a d'étrange, c'est que les routiniers prétendent appuyer leur règle des deux unités sur la vraisemblance, tandis que c'est précisément le réel qui la tue. quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs» 22

pour la même raison, il refuse l'unité de temps:

«l'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieu. l'action, encadrée de force dans les vingt-quatre heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule.»23.

enfin, le drame romantique n'est pas une théorie bien rigide, au contraire, c'est une indépendance du génie individuel, Hugo proclame la liberté contre les classiques qui, eux, ne font qu'imiter les modèles préétablis, ces derniers nuisent au génie et l'inspiration:

«le rang d'un ouvrage doit se fixer non d'après sa forme, mais d'après sa valeur intrinsèque. dans des questions de ce genre, il n'y a qu'une solution; il n'y a qu'un poids qui puisse faire pencher la balance de l'art: c'est le génie.»24.

le drame romantique favorise la création au niveau intrinsèque et formel de l'oeuvre dramatique, le génie est libéré sur le plan théorique, il reste aux romantiques de gagner cette liberté sur la scène; cet exploit ne se réalisera que le 25 février 1830 lors de la première représentation d'Hernani.

Hernani: une révolutionlittéraire:

la genèse d'Hernani:

après l'audacieuse préface de Hugo, Hugo songe à mettre en application les préceptes préconisés dans cette préface. il hésite entre deux sujets: Marion Delorme et Hernani; mais sous l'influence d'un roman historique cinq-mars (1926) de son ami alfred de vigny, Hugo préfère le sujet français (Marion Delorme) croyant que le public a été déjà préparé par le roman qui raconte la situation politique française sous le règne de louis xiii.

le 13 août 1829, Marion Delorme est interdite par la commission de la censure, Hugo demande audience au roi Charles x, mais le refus est toujours maintenu, le roi lui accorde une pension en sorte de compensation: Hugo refuse à son tour la pension.

le 29 août 1829, après seize jours de l'interdiction de son drame, Hugo qui n'était pas «de ceux qu'un échec décourage»25 se met à écrire Hernani. le nouveau drame est conçu à travers son contexte comme une réaction contre la décision royale. Hernani fut rédigé en vingt-six jours et achevé le 24 septembre 1829, Hugo le lit d'abord à ses amis les romantiques.

le 5 octobre, une nouvelle lecture, devant les acteurs du théâtre-français; la pièce est reçue par acclamations et le rôle de Doña Sol (17 ans) est attribué à mlle mars (50 ans). la pièce fut convoquée à la commission de censure. Hugo doit mener une triple bataille pour que sa pièce soit représentée: une bataille contre les acteurs, une autre contre la censure et une troisième contre le public et la presse.

commençons d'abord par la première bataille, celle contre les acteurs. mm. firmin, michelot et joanny qui tiennent respectivement les rôles de Hernani, don Carlos et don Ruy Gomez semblent avoir été satisfaits de leurs rôles, mais la prima donna, mlle de mars dont la longue expérience dramatique a été purement classique, n'a pas cédé facilement aux nouvelles conceptions romantiques. elle a beaucoup joué corneille, racine et voltaire,elle s'est habituée au ton, aux règles et au langage noble de la tragédie classique. pendant les répétitions, mlle de mars, choquée par le caractère nouveau du langage d'Hernani, demande tant de fois dialogue à Hugo pour lui proposer des modifications, elle n'a pas accepté quelques répliques, citons par exemple le célèbre hémistiche du lion26:

«c'est qu'en vérité [dit mlle de mars], cela me semble drôle d'appeler m. firmin mon lion!

- ah! [répond Hugo] parce qu'en jouant le rôle de Doña Sol, vous voulez rester mademoiselle de mars»27

mlle de mars allait jusqu'à proposer des modifications de quelques vers28, mais Hugo qui se veut libre riposte:

«j'aime mieux être sifflé pour un bon vers qu'applaudi pour un méchant»29

Hugo redemande le rôle de Doña Sol de mlle de mars, cette dernière, humiliée par cette proposition de Hugo, refuse et promet à Hugo de jouer le mieux possible son rôle .

quant à la censure, le combat fut plus rude; le rapport des censeurs du 23 octobre 1829 note que Hernani est:

«un tissu d'extravagances, auxquelles l'auteur s'efforce vainement de donner un caractère d'élévation et ne sont que triviales et souvent grossières. cette pièce abonde en inconvenances de toute nature, le roi s'exprime souvent comme un bandit, le bandit traite le roi comme un brigand. la fille d'un grand d'Espagnen'est qu'une dévergondée, sans dignité, sans pudeur,…».

cette citation montre bien le caractère nouveau d'Hernani, elle témoigne dans quelle mesure ce dernier s'insurge contre la doctrine classique. toutefois, malgré ces jugements néfastes pour la pièce, la commission autorise la représentation, le rapport des censeurs ajoute que la commission est:

«d'une sage politique de n'en pas retrancher un seul mot. il est bon que le public voie jusqu'à quel point d'égarement peut aller l'esprit humain affranchi de toute règle et de toute bienséance»

l'autorisation de la représentation d'Hernani était bien une volonté de voir la pièce en échec que celle de montrer de l'art au public. mais le ministre m. de la bourdonnaye, ne se rallie pas au rapport et exige des suppressions et des changements; ces derniers sont soulignés par Hugo dans la préface d'Hernani:

«le jour viendra peut-être de le [drame] publier tel qu'il a été conçu par l'auteur, en indiquant et en discutant les modifications que la scène lui a fait subir»30.

les rôles sont distribués, la pièce est autorisée, il reste la troisième bataille, la plus célèbre des batailles littéraires, celle du public.

la bataille d'Hernani:

la bataille d'Hernani est la plus marquante de toutes les luttes littéraires. si la querelle des anciens et des modernes (1680-1715) a duré une trentaine d'années, celle d'Hernani n'a duré que trois heures d'une représentation, mais à travers elle, les romantiques ont réalisé un exploit qui va libérer l'art et la littérature de la tradition classique qui compromet l'essor du génie et de l'inspiration.

dans les préparatifs pour la première d'Hernani, Hugo commence par refuser la claque qui est une pratique classique, il refuse les applaudissements salariés, le renouveau théâtral doit marquer, outre les oeuvres dramatiques, le public:

«qu'à une forme nouvelle il fallait un public nouveau, que son [Hugo] public devait ressembler à son drame, que, voulant un art libre, il voulait un parterre libre»31

avant la représentation, les journaux annoncent qu'il aurait une cabale des défenseurs classiques qui a pour mission de faire échouer la pièce:

«on annonce pour demain la première représentation d'Hernani. nous ne savons pas si les gens qui, avant de voir et d'entendre, se sont déclarés contre la pièce nouvelle ont fait une ligue pour en amener la chute»32

contre les menaces de la ligue classique, les amis d'Hugo se sont déjà armés de leur mieux pour préserver le succès d'Hernani, ce dernier était comme une question de vie ou de mort pour le romantisme:

«tous les amis de l'auteur et tous ceux qui désiraient le triomphe de l'art nouveau étaient venus s'offrir»33

les préparatifs étaient à caractère militaires, les amis Hugolâtres se sont arrangés en trois tribus qui ont chacun un conducteur, on trouve les écrivains les plus célèbres du xixème siècle: balzac, gautier, nerval, dumas… . l'appartement d'Hugo se transforme en quartier général où l'on planifie soigneusement la première; on distribue les places stratégiques (parterre et secondes galeries)pour bien contrôler les fauteuils et les loges (repaires habituels des classiques); préparation des slogans (hierro34) et les habits destinés à signaler les romantiques flamboyants et à stupéfier leurs ennemis, les classiques (les grisâtres):

«cette soirée devait être, selon nous et avec raison, le plus grand événement du siècle, puisque c'était l'inauguration de la libre, jeune et nouvelle pensée sur les débris des vieilles routines, et nous désirions la solenniser par quelque toilette d'apparat, quelque costume bizarre et splendide faisant l'honneur au maître, à l'école et à la pièce»35

a la veille de l'anniversaire de Hugo, le 25 février 1830, date de la première représentation d'Hernani, les tribus romantiques se mobilisent, «le jour de gloire est arrivé»36 , le champ de bataille fut le théâtre-français, ils y arrivent quatre heures avant le spectacle, ils veulent occuper le terrain avant l'arrivée de l'ennemi.
la bataille coïncide avec la représentation de la pièce. dès le premier vers: «serait-ce déjà lui? (...) c'est bien à l'escalier/ dérobé.», «la querelle était déjà engagée»37, l'enjambement audacieux provoque le classicisme en duel. les classiques s'insurgent, mais ils sont éloignés les uns des autres ce qui facilite les ripostes verbaux des romantiques qui essaient d'expliquer et de justifier chaque emploi nouveau dans la pièce.

au second acte, quelques loges des classiques se mêlent à des applaudissements du public. le troisième acte gêne les classiques par la scène des tableaux (sc.6). au quatrième acte, le triomphe est assuré, le long monologue de don Carlos plaît aux grisâtres:

«le succès fut décidé par le monologue, interrompu à chaque fois par les bravos, finit dans une explosion de salves interminables»38

après ce monologue, la pièce fut vendue à l'éditeur baudoin. au cinquième acte le succèsest entier grâce à l'impressionnante mlle mars:

«le dénouement fut un enivrement; il y eut une pluie de bouquets aux pieds de Mlle de mars; le nom de l'auteur fut acclamé même par les loges; cinq ou six seulement restèrent muettes; pas une ne protesta»39

ainsi, la jeunesse romantique remporte la bataille. le 25 février 1830 peut être considéré comme une date de l'indépendance de la littérature française. albert thibaudet commente cette date, il écrivait en 1936:

«le flot d'or du lyrisme gratuit, le sang de feu d'une invincible jeunesse, le clairon d'une génération qui se lève, ont fait durer dans la littérature cette soirée d'Hernani comme une marseillaise»40

la bataille fut «gagnée pour l'avenir et la liberté des formes théâtrales»41, les partisans des classiques, vaincus sur le terrain, vont se consoler par l'écriture des parodies42 destinées à discréditer la pièce et l'auteur, mais qui n'ont influencé nullement la gloire d'Hernani.

ainsi, le romantisme revit un nouveau souffle par la première d'Hernani, la liberté est acquise, le classicisme est épuisé, l'ère nouvelle commence, il reste à montrer comment la machine dramaturgique d'Hernani a pu faire table rase de la doctrine classique.

deuxième partie :

la dramaturgie de la révolte dans Hernani

la dramaturgie est «l'art de la composition dramatique»43; le dramaturge opère des choix de techniques et de procédés pour l'élaboration de sa pièce. dans Hernani, Victor Hugo fait des choix qui visent essentiellement à faire éclater l'esthétique classique. on va voir, à travers l'étude du temps, de l'espace et de l'action, comment la dramaturgie Hugolienne, par son écriture et sa construction, se révolte contre les normes de la dramaturgie classique.

le temps:

selon la doctrine classique, le temps au théâtre est double: il y a le temps réel qui est «la durée véritable de la représentation»44, il s'oppose au temps représenté qui est la durée «de l'action représentée en tant qu'elle est considérée comme véritable, et qui contient tout ce temps qui serait nécessaire pour faire les choses exposées à la connaissance des spectateurs»45. l'unité de temps réduit le plus possible l'écart entre le temps réel et le temps représenté. dans quelle mesure le temps dans Hernani se fait contre la tradition classique?

le temps réel:

le temps réel dans Hernani a une dimension historique. l'action est limitée dans l'année 1519, cela est signalé par l'indication au-dessous de la liste des personnages: «Espagne, 1519», cette indication temporelle est purement romantique, on ne la trouve pas chez les classiques, elle provient de l'idée explicitée dans la préface de Hugo que « toute action a sa durée propre».

le choix du xvi ème siècle comme cadre temporel pourrait être justifié par le fait que ce siècle marque le début de l'âge moderne de l'humanité selon la préface de Hugo46. ce choix permet à Hugo de créer des échos entre la période choisie et celle qu'il vit: l'Espagnede la renaissance et la restauration sont deux époques de transition.

la durée véritable de l'action ne peut être délimitée que par les événements historiques représentés. le premier fait important qui peut nous révéler le début de l'action est la mort de maximilien ier, empereur du saint-empire germanique depuis 1508, cet événement est survenu historiquement le 12 janvier 1519, ce fait est évoqué par don Carlos:

don Carlos:« duc, ce n'est pas d'abord

de cela qu'il s'agit. il s'agit de la mort

de maximilien, empereur d'allemagne[...]

oui, Carlos. seigneur duc, est-tu donc insensé?

mon aïeul l'empereur est mort. je ne le sai[s]»

(i,3, v.277-279 et 281-282)

la mort de maximilien ier exige une succession, le titre impérial n'était pas transmissible par voie héréditaire, il s'agit donc d'élire un nouvel empereur. le roi d'Espagnedon Carlos est parmi les concurrents. l'action débute en janvier 1519, cela est appuyé par la saison d'hiver, signalée par la pluie évoquée dans cette réplique de Doña Sol:

«jésus!votre manteau ruisselle! il pleut donc bien?»(i,2,v.41)

le deuxième fait historique qui délimite chronologiquement la durée de l'action est l'élection de don Carlos à la couronne du saint-empire germanique, il devient l'empereur Charles quint. ce fait a lieu le 28 juin 1519, il est souligné vers la fin du quatrième acte par don Carlos:

«car voici Charles quint! frappez, faites un pas!

voyons, oserez-vous? non, vous n'oserez pas» (iv,4,v.1663/1664)

depuis le début jusqu'à la fin du quatrième acte, six mois se sont écoulés. la durée du cinquième acte demeure imprécise, cela peut se justifier par la volonté Hugolienne d'une part, de laisser le cadre temporel ouvert, ce qui va permettre de saisir le mouvement total de l'histoire, d'autre part d'établir une opposition à l'unité classique du temps où l'action est «encadrée de force dans les vingt-quatre heures»47.

ainsi, le temps réel dans Hernani est délimité dans l'année 1519. dans le cinquième acte, on trouve des allusions aux faits historiques postérieurs à cette année. citons par exemple l'excommunication de martin lauther, soulignée dans ces vers:

don sancho:« l'empereur aujourd'hui

est triste. le lauther lui donne de l'ennui

don ricardo: ce lauther, beau sujet de soucis et d'alarmes.

que j'en finirais vite avec quatre gens d'armes!»

(v, 1,v. 1837-1840)

l'action dans Hernani s'étale sur plus de six mois, on va voir comment ce temps élargi se présente sur scène.

le temps représenté:

on vient de voir l'évolution historique du temps dans Hernani, le temps réel de l'intrigue. a travers l'étude du temps représenté, on va voir l'évolution scénique du temps, cette dernière ne peut être soulignée que par les didascalies et/ou les répliques des personnages. on va suivre d'une manière linéaire la pièce en s'arrêtant sur les indications temporelles.

la pièce s'ouvre sur un temps nocturne, la didascalie au premier acte nous précise que ce dernier se déroule la nuit:«la nuit. une lampe sur une table». cette indication est appuyée par plusieurs répliques des personnages, citons quelques exemples:

doña josefa: «qu'est cet homme? jésus mon dieu! si j'appelais?

qui? hors madame et moi, tout dort dans le palais» (i,1,v.29/30)

don Ruy Gomez:«des hommes chez ma nièce à cette heure de nuit!

venez tous!cela vaut la lumière et le bruit» (i, 3, v.217/218)

don Carlos: «te demander conseil, incognito, la nuit,» (i, 3, v.285)

l'acte premier commence et finit dans l'obscurité nocturne, l'acte deuxième, lui aussi, se passe la nuit, le temps transitoire entre l'acte i et l'acte ii est délimité en une journée, cela est révélé par le rendez-vous donné par Doña Sol vers la fin du premier acte: «demain, sous ma fenêtre, à minuit, et sans faute»(i, 3, v.373). ce temps transitoire est souligné aussi à l'acte ii par Hernani évoquant un fait de l'acte i:«qu'hier encor ta dague a rencontré la mienne» (ii, 3,v.586).

entre le premier et le deuxième acte, on a une symétrie temporelle: ils commencent et finissent à une heure tardive de la nuit. le temps nocturne du deuxième acte est signalé par l'indication scénique: «il est nuit» et aussi par des répliques:
don Carlos: «Ô vitrage maudit! quand t'éclairera-tu?_cette nuit est bien sombre [...] quelle heure est-il?

don ricardo:minuit bientôt.» ( ii, 1, v. 460-463)

Doña Sol: «sont-ce là les exploits dont le roi fera bruit?

venir ravir de force une femme la nuit» (ii, 2, v.491/492)

quant à l'acte iii, il est intemporel puisqu'il ne comporte pas de didascalies, ni de répliques qui nous indiquent le temps qu'il fait; mais dans cet acte, don Ruy Gomez montre les tableaux (sc.6) de ses ancêtres à don Carlos sans la présence d'un moyen d'éclairage, à partir de cela, on peut avancer que l'acte iii est le seul acte diurne, il se déroule en plein jour.

l'acte v se déroule la nuit, la didascalie en tête de l'acte nous indique qu'«il est nuit», cela est appuyé par les didascalies internes qui signalent la présence des moyens d'éclairages:«lanterne à la main»(sc.1), «premier conjuré portant seul une torche allumée»(sc.3). le temps nocturne est renforcé par les répliques:

don Carlos : silence et nuit! l'essaim en sort et s'y replonge!

croyez-vous que ceci va passer comme un songe

et que je vous prendrai, n'ayant plus vos flambeaux»

(iv, 4, v.1657-1659)

dans un moment de cet acte, l'obscurité atteint un point culminant, la scène est ténébreuse, cela est souligné par l'indication scénique:

«tous les flambeaux s'éteignent à la fois profond silence. il [don Carlos] fait un pas dans les ténèbres si épaisses qu'on y distingue à peine les conjurés muets et immobiles»(sc.4)

le temps nocturne marque aussi le dernier acte, la didascalie en tête de l'acte nous précise qu'«il est nuit», celle de la troisième scène confirme cela: «la nuit et le silence reviennent peu à peu»; ces didascalies sont renforcées par les répliques des personnages:

don garci:«et fait bien! on ne vit jamais noce aux flambeaux

plus gaie, et, nuit plus douce, et mariés plus beaux!»

(v,1,v.1813/1814)

Doña Sol: «mon duc, rien qu'un moment!

le temps de respirer et de voir seulement.

tout s'est éteint, flambeaux et musique de fête.

rien que la nuit et nous. félicité parfaite!»

(v, 3, 1949-1952)

l'obscurité règne presque tout au long de la pièce, elle favorise les déguisements des personnages48, elle peut aussi avoir une valeur symbolique, celle de la mort d'où la récurrence des rimes: «funèbres/ténèbres». l'obscurité assure le jeu des ombres et des lumières, dichotomie chère à Hugo.

la scène dans Hernaniest souvent sombre, l'obscurité exige toujours la présence effective des moyens d'éclairage:«lampe, lanternes, torches», objets lumineux de décor d'où l'influence du temps sur l'espace dans la mesure où ce dernier est couvert par l'obscurité.

l'espace:

comme l'unité du temps, l'unité de lieu est rejetée: toute action a «son lieu particulier»49. l'espace est pour Hugo un «témoin terrible et inséparable»50 de tout événement représenté. les classiques unifient le lieu dans lequel tous les faits de l'action doivent se passer, sinon les personnages devraient raconter ce qui se passe ailleurs: «au lieu des scènes, nous avons des récits; au lieu de tableaux, des descriptions»51. pour cerner la spécificité de l'espace Hugolien, on va étudier l'espace dramatique et l'espace représenté.

l'espace dramatique:

l'espace dramatique est défini dans le dictionnaire du théâtre comme il suit:

«c'est espace dont parle le texte, espace abstrait et que le lecteur ou le spectateur doit construire par l'imagination (en «fictionnalisant»)»52

l'espace dramatique est constitué des différents lieux qui contribuent à l'action, mais ils ne sont pas présentés, ils sont seulement suggérés.

l'espace dramatique dans Hernani est le cadre géographique où les éléments de l'action se passent, ce cadre spatial est délimité par l'indication au-dessous de la liste des personnages:«l'Espagne». si l'unité du temps est étirée des vingt-quatre heures à une année (1519), celle du lieu est étendue pour englober tout un pays.

le choix de l'Espagnecomme cadre géographique est motivé par des réminiscences personnelles d'Hugo. le pays est familier à l'écrivain qui fut élève au collège des nobles de madrid en 1811, d'ailleurs, le titre «Hernani» provient d'Hernani qui est un nom d'un village espagnol que le jeune Hugo a traversé pendant son voyage (en 1811).

l'Espagnede la renaissance plaît aux romantiques par son exotisme et par le fait qu'elle représente le lieu de dialogue de deux cultures: occidentale et orientale.

le premier et le deuxième acte se passent dans une ancienne capitale du royaume d'Aragon: «saragosse», indiquée en tête de chacun des actes (i et ii), ils se déroulent au palais de don Ruy Gomez de Silva, cela est signalé parces répliques:

doña josefa: «qu'est cet homme? jésus mon dieu! si j'appelais?

qui? hors madame et moi, tout dort dans le palais»

(i, 1, v.29/30)

don Carlos:«suis-je chez Doña Sol? fiancée au vieux duc

de pastraña, son oncle, un bon seigneur caduc

[...] le duc, son vieux futur, est absent à cette heure?»

(i,1,v.5,6 et 15)

le troisième acte se passe dans «le château de Silva dans les montagnes d'Aragon» précise la didascalie, cette indication est appuyée par la réplique de don Carlos:«duc, ton château me gène et je le mettrai bas!»(iii, 6, v.1183)

au quatrième acte, Hugo donne libre cours à sa fantaisie, il change le lieu historique: les élections impériales sont sensées se dérouler dans l'une des trois anciennes capitales du saint empire:

don Carlos: «ils ont choisi, je crois, aix-la-chapelle, ou spire,

ou francfort.»(i,3,v.300/301)

francfort fut choisi comme lieu d'élection, mais Hugo a placé l'élection de Charles quint à aix-la-chapelle ce qui est non conforme à la vérité historique; ce choix peut être justifié par la volonté de Hugo de préserver la couleur locale espagnole mais aussi de donner plus de résonnance épique et politique à sa pièce, dans la mesure où aix-la-chapelle contient le tombeau de Charlemagne qui incarne des valeurs symboliques. le lieu réel (francfort) est sacrifié au lieu symbolique, ce choix ne mutile pas l'histoire, au contraire, le tombeau de Charlemagne permet d'évoquer davantage l'histoire (cf. le monologue de don Carlos ( iv, 2, v.1433-1600) .

au cinquième acte, l'action revient se dérouler à saragosse, mais dans le «palais d'Aragon[Hernani]», cela est signalé par ces répliques:

don matias: «saragosse ce soir se met à la croisée»(v, 1, 1812)

don garci:«il[don Ruy Gomez] n'a pas paru, dit-on à saragosse»(v,1,v.1835)

l'espace dramatique est au service de la couleur locale, cette dernière «n'a jamais été très vive»53 chez les classiques. Hugo nous offre plusieurs indications qui visent à montrer la couleur locale espagnole, citons par exemple les costumes des personnages: le costume de doña josefa est «à la mode d'isabelle la catholique»(i, 1); celui de don Carlos, dans la même scène, il s'agit d'«un riche costume de velours de soie, à la mode castillane de 1519; et celui d'Hernani est «un costume de montagnard d'Aragon...». la didascalie en tête du dernier acte nous révèle des traits architecturaux qui renforcent la couleur locale: les «arcades mauresques» et «les jets d'eau» font penser à un palais arabe; l'occupation des arabes de l'Espagne, du viiième au xvème siècle, a laissé de nombreuses traces architecturales qui se sont mêlées à l'art chrétien comme en témoignent «les faîtes gothiques et arabes» du palais d'Aragon.

l'espace scénique:

selon patrice pavis, l'espace scénique est:

«l'espace réel où évoluent les acteurs, qu'ils se cantonnent à l'espace proprement dit de l'aire scénique ou qu'ils évoluent au milieu du public[...] c'est l'espace concrètement perceptible par le public sur la ou les scènes»54

Hernani s'ouvre sur un espace intime: «la chambre à coucher», c'est le lieu des rencontres amoureuses secrètes de Hernani et de Doña Sol:

don Carlos:«suis-je chez Doña Sol? fiancée au vieux duc

de pastraña, son oncle, un bon seigneur, caduc

[...] vénérable et jaloux?dites? la belle adore

un cavalier son barbe et sans moustache encore,

et reçoit tous les soirs, malgré les envieux,

le jeune amant sans barbe à la barbe du vieux

[...]duègne, c'est ici qu'aura lieu l'entretien?

(i,1,v.5-10 et 17)

la chambre à coucher avec la «porte masquée» et «l'escalier dérobé» construit un espace de mystères et d'intrigue, lieu de rendez-vous clandestins des amants, le choix d'un tel lieu fait un affront à la règle classique de la bienséance.

le deuxième acte se passe dans «un patio du palais de Silva», ce dernier représente un débordement de la chambre à coucher du premier acte; le balcon construit l'intermédiaire entre ces deux espaces, signalé par la didascalie:«Doña Sol au balcon» (ii, 2) et par la réplique de don Carlos:«voilà bien le balcon, la porte...mon sang bout.»(ii, 1, v.415).

le troisième acte se déroule dans «la galerie des portraits de la famille de Silva», «une grande salle» d'honneur où don Ruy Gomez reçoit ses hôtes (le pèlerin [Hernani], don Carlos...).

le quatrième acte se passe en plein air, auprès du tombeau de Charlemagne qui représente à la fois le lieu où les conjurés contre don Carlos viennent se rassembler et le lieu de l'élection impériale.

le dernier acte se déroule dans une terrasse du palais d'Aragon, cet espace déborde vers l'extérieur par la présence de la balustrade.

l'espace dans Hernani se fond sur la dichotomie ouvert/fermé: la chambre à coucher, la salle du palais et la terrasse du palais d'Aragon sont des espaces fermés; le patio du palais de Silva et les caveaux du tombeau de Charlemagne sont des espaces ouverts: Hugo introduit des relations ente les espaces ouverts et les espaces fermés par l'escalier, le balcon, la balustrade... .

l'espace dans Hernani est dédoublé. il présente souvent des enchevêtrements. ainsi dans la chambre à coucher, il y a l'armoire; dans la galerie des portraits du troisième acte, on trouve la «cachette pratiquée dans le mur» qui sert de cachette à Hernani. dans les caveaux du tombeau de Charlemagne au quatrième acte, il y a l'espace interne du tombeau qui sert de refuge pour don Carlos.

quant au décor, il est souvent symbolique. ainsi le «poignard» arraché par Doña Sol de la ceinture de don Carlos symbolise le sacrifice de l'amour, il accompagne Doña Sol depuis l'acte ii jusqu'au dernier acte et devient l'emblème de la fidélité amoureuse: Doña Sol le montre à Hernani chaque fois que ce dernier la croyait infidèle:«j'ai toujours son poignard!»(iv, 4, v.1702).

on note aussi la présence du décor sonore, l'action est accompagnée de bruitages divers qui dénotent la peinture totale de la réalité; la pièce s'ouvre sur les quatre coups de don Carlos à la porte qui remettent en question les trois coups de la représentation classique. a l'acte ii, il y a les trois coups de don Carlos à la porte de Doña Sol, il y a aussi le «tocsin» et le «bruit de cloches [...] cris confus[...]bruits d'épées. cris [...] tumulte et cris» appuyés par cette réplique:

Doña Sol: « le tocsin/ entends-tu? le tocsin!/ des clameurs/ me brisent».

ces bruits suggèrent les combats entre les bandits et l'armée royale, ce qui renforce la vérité historique.

a l'acte iii, le «bruit de trompette au-dehors» annonce l'arrivée du roi. a l'acte iv, les «bruit des pas» des conjurés obligent don Carlos à se cacher dans le tombeau de Charlemagne. la victoire de don Carlos qui devient Charles quint est annoncée par «les trois coups de canon». au cinquième acte, la «fanfare» indique au spectateur qu'il s'agit d'une nuit de noces et enfin le cor d'Hernani «entendu à plusieurs reprises, jette l'effroi dans l'âme du héros et lui rappelle sa terrible promesse»55.

l'espace dans Hernani influence l'action dans la mesure où il est, lui même, acteur: il change les dispositions des personnages. citons par exemple don Carlos qui en contemplant le tombeau de Charlemagne, pardonne à ses conspirateurs.

l'action:

l'action est une «suite d'événements scéniques essentiellement produite en fonction du comportement des personnages, l'action est [...] l'ensemble des processus de transformations visibles sur scène»56.

l'unité de l'action fut la seule unité acceptée par Hugo, mais l'action dans Hernani nous montre une sorte de distanciation Hugolienne par rapport à cette unité. pour cerner la conception nouvelle de l'action, on va étudier d'abord la construction de l'action dans Hernani et ensuite les coups de théâtre qui font affront aux normes classiques.

la construction du drame:

«la dramaturgie classique, exigeant l'unité d'action, tend àlimiter l'action à l'action principale»57,Hugo accepte cette conception:

«l'unité de l'action, la seule admise de tous parce qu'ellerésulte d'un fait: [ni] l'oeil ni l'esprit humain ne sauraientsaisir plus d'un ensemble à la fois. celle-là est aussinécessaire que les deux autres [de temps et de lieu] sontinutiles»58

l'unité d'action ne va pas échapper à la déformationHugolienne des normes classiques. Hugo va assouplir l'unitéd'action en introduisant les actions secondaires que lesclassiques bannissent: l'unité d'action devient l'unitéd'ensemble:

«gardons-nous de confondre l'unité avec la simplicitéd'action. l'unité d'ensemble ne répudie en aucune façon lesactions secondaires sur lesquelles doit s'appuyer l'actionprincipale. il faut seulement que ces parties, savammentsubordonnées au tout, gravitent sans cesse vers l'action centrale[...] l'unité d'ensemble est la loi de perspective du théâtre.»59

avant d'intituler son drame Hernani, Hugo aessayé plusieurs titres: la jeunessede Charles quint, l'honneur castillan,tres para una (trois pour une), chacun de ces titresnous révèle une facette de l'action dans Hernani:

la jeunesse de Charles quint centre l'intérêtsur la dimension historique et politique d'Hernani.dans cette perspective, l'action peut être envisagée du point devue de l'avènement de don Carlos, c'est-à-dire de son ascensiond'un jeune roi libertin à un empereur magnanime. maiscontrairement à la tragédie classique, la figure du roi estsecondaire à celle d'Hernani, le statut du roi n'est pas aussiélevé que celui d'auguste dans cinna de corneillemalgré les rapports qui existent entre les deux pièces.

l'honneur castillan met l'accent sur la dimensionthématique de l'honneur, ce dernier peut être traité de deuxmanières: d'abord, il concerne le personnage d'Hernani dans lamesure où ce dernier reste fidèle à ses serments (venger sonpère en tuant don Carlos et céder sa vie à don Ruy Gomez deSilva). Hernani, le «cid du romantisme», assume jusqu'à la mortles règles de l'honneur espagnol. ensuite, le thème de l'honneurpeut aussi concerner don Ruy Gomez de Silva. dès son entrée enscène, il rappelle à Hernani et don Carlos les valeurs del'honneur à l'espagnole:

«suivez-moi! suivez-moi

messieurs, avons-nous fait cela pour rire? quoi!

un trésor est chez moi. c'est l'honneur d'une fille,

d'une femme, l'honneur de toute une famille;» (i,3,v.257-260)

l'honneur est révélé par le respect de la valeur del'hospitalité: Ruy Gomez a refusé de donner son hôte même auroi don Carlos, ce refus est revendiqué par le respect del'honneur ancestral incarné par les tableaux de l'acte iii:

«mon hôte! je te dois protéger en ce lieu

même contre le roi, car je te tiens de dieu»

le troisième intitulé: tres para una donne àHernani l'aspect du drame de la passion absolue:trois hommes entrent en rivalité pour acquérir Doña Sol.Hernani devient la pièce de l'amour par excellence.cet amour a trois conceptions: celle de don Carlos, l'amourlibertin. avoir Doña Sol n'est pour lui qu'un divertissement: ilfait penser à au mythe de don juan. celle de Ruy Gomez. cedernier rêve de l'éternelle jeunesse et fait penser au mythe defaust. la dernière conception est celle d'Hernani et de DoñaSol: elle est fondée sur la morale aristocratique (le courage, lavérité et le sacrifice), elle fait penser aux grands mythes del'amour: tristan et iseut et roméo et juliette... .

entrecroisant à la fois la scène de l'histoire, de l'honneuret de la passion, l'action dans Hernani se faittotale, elle peint à la fois l'évolution des personnages etcelle de l'histoire.

Hugo ne fait pas faute de rappeler l'intrigue au spectateur:

don ricardo: «ecoutez l'histoire que voici:

trois galants, un bandit que l'échafaud réclame,

puis un duc, puis un roi, d'un même coeur de femme

font la siège à la fois_ l'assaut donné, qui l'a?

c'est le bandit.» (v, 1, v. 1818-1822)

il manque à ce résumé le versant tragique du dénouement, lamort des amants par le poison. la fin tragique vient surprendre lespectateur, car ce dernier pourrait croire au faux dénouement dela fin du quatrième acte, le happy end tourne aupathétique de la mort.

l'action dans Hernani est jalonnée pard'interminables rebondissements, l'action avance par le biais decoups de théâtre, ces derniers marquent un renouveau par rapportau système classique.

les coups de théâtre:

le coup de théâtre est défini dans le dictionnaire le petit robert un «retournement brutal d'une situation dans une pièce, destiné à accroître l'intérêt de l'action»60, Diderot le définit comme «un incident imprévu qui se passe en action, et qui change subitement l'état des personnages»61. l'effet du coup de théâtre peut toucher les spectateurs et les personnages. on va étudier les coups de théâtre en fonction de leurs effets en suivant linéairement la pièce.

le premier coup du théâtre marque le début de la pièce. doña josefa duarte croit introduire Hernani, alors que c'était don Carlos qui surgit:

doña josefa:«quoi, seigneur Hernani, ce n'est pas vous! main forte!

au feu!» (i, 1, v.3/4)

doña josefa fut surprise:«elle le regarde sous le nez et recule étonnée», l'effet de surprise est l'un des éléments fondamentaux du coup de théâtre.

la scène seconde du premier acte comporte deux coups de théâtre, le premier est la sortie de don Carlos de l'armoire et son interruption du duo amoureux de Doña Sol et Hernani:«Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos des yeux effarés»:

Doña Sol:«Ô ciel! au secours!»

le deuxième coup de théâtre est la venue inopinée du duc Ruy Gomez, cet incident provoque l'effroi de tous les personnages présents:

Doña Sol, se levant avec effroi :«ciel! on frappe à la porte! [...]

Hernani, à josefa: qui frappe ainsi?

doña josefa, à Doña Sol: madame! un coup inattendu!

c'est le duc qui revient!» (i, 2, v.204-206)

le premier acte comporte encore un coup de théâtre à la troisième scène, c'est quand don Carlos décline son identité, ce coup est double, son effet affecte à la fois les personnages et les spectateurs:«il jette son manteau, et découvre son visage caché par son chapeau»:

don Ruy Gomez: «raillez-vous?... dieu! le roi!

Doña Sol: le roi

Hernani, dont les yeux s'allument: le roi d'Espagne» (i, 3, v.280)

les coups de théâtre marquent aussi le second acte, ainsi Doña Sol croyant rencontrer Hernani, alors que c'était don Carlos:

Doña Sol, laissant tomber sa lampe:«dieu! ce n'est pas son pas! (ii, 2, v.480)

le troisième acte contient deux coups de théâtre, la première scène annonce la mort d'Hernani, à la deuxième scène, Hernani surgit en habit de pèlerin. le coup de théâtre consiste en le dévoilement d'Hernani de son identité:«il déchire sa robe de pèlerin, la foule aux pieds, et en sort dans son costume de montagnard», «je suis Hernani»(iii, 3, v.807). quant au deuxième, il s'agit de la venue imprévue de don Carlos chez le duc pour enlever Hernani:

Doña Sol:«dieu! le roi! dernier coup!»(iii, 5, v.1103)

les coups de théâtre marquent profondément le quatrième acte qui en contient trois, le premier est le surgissement de don Carlos-Charles quint, sortant du tombeau de Charlemagne, il surprit les conjurés en flagrant délit. le second coup est constitué par le dévoilement de l'identité d'Hernani:

«je suis jean d'Aragon, grand-maître d'avis, né

dans l'exil, fils proscrit d'un père assassiné» (iv, 4, v.1727/1728)

le troisième est le pardon de don Carlos aux conjurés: «je veux tout oublier. allez, je vous pardonne!» (iv, 4, v.1728).

au dernier acte, le duo amoureux est perturbé par le son du cor annonçant la venue de don Ruy Gomez, ce dernier vient rappeler son serment à Hernani qui accepte de s'empoisonner. le coup de théâtre chez les classiques, particulièrement dans la comédie, vient effectuer un happy end, alors que dans Hernani, il entraîne une fin tragique.

le coup de théâtre est un leitmotiv dans Hernani, il vient sauver l'action, il avorte souvent les duels qui peuvent coûter la vie à un ou plusieurs personnages. il a donc un rôle décisif dans l'évolution de l'action dans Hernani.

la dramaturgie d'Hernani est révolutionnaire, le temps est ouvert, le cadre spatial est élargi, l'action, avec les faux dénouements et les multiples coups de théâtre; tous ces choix dramaturgiques tendent à bouleverser les normes classiques. on vient de voir comment la révolte marque l'écriture d'Hernani, il reste à montrer comment la révolte pouvait être perçue pendant la représentation par le spectateur.

troisième partie :

la révolte sur scène

la révolte dans Hernani est à la fois une thématique et un procédé. Hugo transgresse les règles classiques et veut que le public s'en aperçoive d'où la présence de la révolte en tant que thème principal incarné par le personnage éponyme et protagoniste: Hernani. la révolte est rendue aussi pendant la représentation par le langage à travers l'introduction d'un vocabulaire nouveau et d'une poésie qui font affront aux normes classiques.

Hernani: emblème de la révolte romantique:

les personnages d'Hernani incarnent chacun un aspect de la révolte contre l'ordre social représenté par le roi don Carlos. ainsi don Ruy Gomez s'insurge contre ce dernier en contribuant au complot des conjurés; Doña Sol, désobéît au roi et le méprise en le traitant de «voleur»(v.496) et de «mauvais roi»(v.1211). mais la rébellion est rendue essentiellement par le personnage d'Hernani qui incarne peut être le mieux la révolte ce qui fait de lui un héros romantique.

un homme révolté:

si les héros de la tragédie classique sont souvent des rois, des princes et des figures prestigieuses de la légende et de l'épopée, Hernani se distingue par la marginalité de son statut social: il appartient à la secte des exclus, des parias, cette lignée chère à Hugo qui marque toute son oeuvre.

Hernani, le chef des bandits, est mis en tête de la liste des personnages, cela bouleverse la structure hiérarchique de la liste classique des personnages qui se maintient jusqu'à Hernani (1830).

le père d'Hernani, grand d'Espagne, est tué par le roi philippe le beau, le père de don Carlos. ce fait donne au fils Hernani le statut de proscrit:

«moi, je suis pauvre, et n'eus

tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus»

(i, 2, v.113/114)

proscrit par naissance, Hernani a fait serment de venger son père. pour réaliser ce projet, il fait partie d'une bande de rebelles. orphelin, Hernani a grandi chez les révoltés dont il devient le chef:

«parmi mes rudes compagnons?

gens dont jamais le fer ni le coeur ne s'émousse;

ayant tous quelque sang à venger qui les pousse?

vous viendrez commander ma bande, comme on dit?

car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit!

[...] la vieille catalogne en mère m'a reçu.

parmi ses montagnards, libres, pauvres, et graves

je grandis» (i, 2, v. 125-130 et 168-170)

Hernani se présente comme une victime, il est condamné à l'exil, privé de tout par une décision royale arbitraire. face à ce destin défavorable, Hernani se révolte contre le roi et l'ordre social. sa révolte se justifie d'une part par la vengeance qu'il doit à son père en tuant le roi, d'autre part par sa volonté de regagner son titre de grand d'Espagne. a ces deux raisons s'ajoute la volonté de tuer son rival d'amour; ainsi l'exécution du régicide permet à Hernani de réaliser son triple objectif.

la révolte d'Hernani a plusieurs manifestations: tout d'abord, la révolte se manifeste par le sentiment de haine exprimé dans cette réplique:

«ecoutez: votre père a fait mourir le mien,

je vous hais. vous avez pris mon titre et mon bien,

je vous hais. nous aimons tous deux la même femme

je vous hais, je vous hais, oui, je te hais dans l'âme!»

(ii, 3, v.567-570)

la haine conduit Hernani à diriger une bande des proscrits qui ont, comme lui, leurs comptes à régler avec l'ordre social.

la révolte se manifeste aussi par le mépris d'Hernani pour don Carlos, signalé par le tutoiement et les insultes dans ces répliques:

«seigneur, je vous le dis, vous êtes insensé![...]

crois-tu donc que les rois à moi me sont sacrés [...]

que je t'ai là, chétif et petit dans ma main,

et que si je serrais cette main loyale

j'écraserais dans l'oeuf ton aigle impériale!»

(ii, 3, v.575/ 591/620-622)

l'affrontement verbal entre Hernani et don Carlos pousse ce dernier à exterminer les bandits compagnons d'Hernani. ce dernier demeure seul, poursuivi par l'armée du roi et partagé entre ses projets familiaux et amoureux, qu'il ne peut réaliser. devant un tel destin, Hernani se révolte contre dieu, les propos blasphématoires sont récurrents dans Hernani:

«pourquoi le sort mit-il mes jours si loin des vôtres?»

«en attendant, je n'ai reçu du ciel jaloux

que l'air, le jour et l'eau, la dot qu'il donne à tous»

(i, 2, v.39 et 121-122)

«va, si jamais le ciel à mon sort qu'il renie

souriait...n'y crois pas! ce serait ironie!»

(iii, 4, v.1009-1010)

Doña Sol:«quoi! ne craignez-vous pas que dieu ne vous punisse

de parler de la sorte?» (iii, 4, v. 1033-1034)

Hernani est responsable du meurtre de ses compagnons tués lors du combat par l'armée royale, par ce fait, il est condamné par le destin à l'errance, cela nous rappelle le premier homme révolté de l'humanité: caïn. ce dernier a tué son frère abel et a été condamné, lui aussi, par dieu à l'errance62.

Hernani va participer à la conspiration politique contre don Carlos, la scène des conjurés (iv,3) incarne parfaitement la révolte dans Hernani.

Hernani, ballotté entre le devoir de la vengeance et la condamnation de la destinée, est l'homme révolté qui va donner naissance au héros romantique.

un héros romantique:

si le théâtre classique a su imposer une certaine image de l'humanité, celle de l'«honnête homme», le romantisme met en scène des êtres tourmentés, mélancoliques et ténébreux. a travers l'étude du personnage d'Hernani, on va voir les traits spécifiques du héros romantique et dans quelle mesure ce dernier est-il contraire au héros tragique de l'âge classique.

par sa révolte et son échec, Hernani appartient à la lignée des héros romantiques. tout d'abord Hernani est un homme marginal, il vit au dehors de la société, par son statut de proscrit, il est contraint de vivre avec les bandits montagnards en marge de la société; il quitte cette dernière pour se refugier dans la nature qu'il prend pour sa mère:«la vieille catalogne en mère m'a reçu» (v. 168), cela permet l'évocation des éléments naturels, procédé cher aux romantiques. le héros romantique est un enfant de la nature, ainsi Hernani s'associe souvent à la nature:

«me suivre dans les bois, dans les monts, sur les grèves,

[...]dormir sur l'herbe, boire au torrent» (i, 2, v.139/142)

«j'ai bien pu vous offrir, moi, pauvre misérable,

ma montagne, mon bois, mon torrent, [...] la moitié

du lit vert et touffu que la forêt me donne» (i, 2, v.650-654)

«moi, j'aime

les prés, les fleurs, les bois, le chant du rossignol

je suis jean d'Aragon, mari de Doña Sol»(v, 3, v. 1924-1926)

homme des montagnes et des forêts, Hernani, après la mort de ses compagnons de l'exil, se trouve condamné à la solitude, cette dernière, issue du sentiment de la nature, représente la deuxième caractéristique du héros romantique, Hernani la revendique souvent:

«je n'ai plus un ami qui de moi se souvienne

tout me quitte, il est temps qu'à la fin ton tour vienne,

car je dois être seul» (iii, 4, v.985-987)

la solitude d'Hernani est une caractéristique de l'individualité romantique, Hernani se distingue des héros classiques par l'absence d'adjuvant ou de confident.

le héros romantique est souvent en proie au mal du siècle, il s'agit d'un mal de vivre empreint d'insatisfaction, d'inquiétude devant la vie, de tristesse sans motif, ainsi les délires d'Hernani face à son destin traversent toute la pièce:

«agent aveugle et sourd de mystères funèbres!

une âme de malheur faite avec des ténèbres» (iii, 4, v.993-994)

le mal du siècle est issu de la malédiction, le héros se résigne à subir la fatalité qui pèse sur lui et le guide vers l'abîme:

«où vais-je? je ne sais. mais je me sens poussé

d'un souffle impétueux, d'un destin insensé.

je descends, je descends, et jamais ne m'arrête

si parfois, haletant, j'ose tourner la tête,

une voix me dit: marche! et l'abîme est profond

et de flamme ou de sang je le vois rouge au fond!»

(iii,4, v.995-1000)

contrairement à la fatalité subie par le héros de la tragédie classique, la fatalité romantique d'Hernani n'est pas extérieure au personnage, elle est en lui d'où l'obsession permanente de la mort, Hernani est le fiancé de la mort, cette dernière est, pour lui, le salut qui va mettre fin à ses tourments:

«on se marie ici! je veux en être, moi!

mon épouse aussi m'attend. [...] elle est moins belle

que la vôtre, seigneur, mais n'est pas moins fidèle

c'est la mort!» (iii, 3, v. 876-899)

la fatalité condamne Hernani à détruire tous ceux qui l'approchent, il est coupable de la mort de ses compagnons, il devient lui-même l'agent de cette fatalité à laquelle il finit par s'identifier: «je suis une force qui va», il est cette force dévastatrice de ses semblables:

«ils sont morts [...]

voilà ce que je fais de tout ce qui m'épouse! [...]

cependant, à l'entour de ma course farouche

tout se brise, tout meurt. malheur à qui me touche!»

(iii, 4, v. 978/981 et 1001-1002)

face au destin, le héros romantique reste indécis, le manque de la détermination est l'un des aspects de ce héros, il assiste à sa destinée sans pouvoir la diriger, ainsi Hernani est souvent hésitant, cela est traduit par la dualité intérieure: il est obsédé par la vengeance de tuer don Carlos, alors qu'il le laisse partir: «va t'endonc! [...] nous aurons des rencontres meilleures», il a beau éprouver de la haine pour le roi, au quatrième acte, il nous révèle le contraire:

«je ne hais plus. Carlos a pardonné

qui donc nous change ainsi?» (v.1788-1789)

le caractère antithétique d'Hernani se manifeste tout au long de la pièce, tout d'abord, sa vraie identité est aristocrate, il est «grand d'Espagne», mais sur la scène, il est un bandit. ensuite, le coeur d'Hernani est partagé entre l'amour pour Doña Sol et la haine pour don Carlos:«entre aimer et haïr je suis resté flottant» (v. 386), Doña Sol nous signale la dualité d'Hernani:«etes-vous mon démon ou mon ange» (v.151).63

Hernani est un être déchiré par les aspirations antithétiques de sa double nature; face à ces délires, il se console de l'amour qu'il éprouve pour Doña Sol; le héros romantique est un amant d'une passion fatale, il trouve son apaisement dans les bras de la bien-aimée, Hernani considère toujours l'amour comme le seul refuge à ses malheurs:

«Doña Sol! ah! c'est vous que je vois

enfin! et cette voix qui parle est votre voix

pourquoi le ciel mit-il mes jours si loin des vôtres

j'ai tant besoin de vous pour oublier les autres!»

(i, 2, v. 37-40)

«mon coeur pour elle et toi [roi] n'était point assez large,

j'oubliais en l'aimant ta haine qui me charge» (i, 4, 387/388)

l'amour rédempteur est le seul salut pour Hernani, cela le rend prompt à la jalousie et aux doutes:

«dis-moi: je t'aime! hélas! rassure un coeur qui doute

dis-le-moi! car souvent avec ce peu de mots

la bouche d'une femme a guéri bien des maux»

(iii, 4, v. 926-928)

le personnage d'Hernani plaît aux romantiques, il a vingt ans, l'âge des jeunes flamboyants qui ont combattu lors de la bataille romantique, ils héritent leur révolte du personnage d'Hernani par le biais de l'identification.

la révolution du langage poétique:

la révolte Hugolienne atteint aussi le langage poétique: le vers dramatique s'est émancipé de la forme classique, le langage se fait contre le langage noble des classiques par l'introduction d'un vocabulaire nouveau et des images audacieuses ce qui fait affront à la bienséance classique. on va voir comment le vers romantique s'avère contraire au vers classique et quelles sont les innovations apportées au langage poétique.

la poésie d'Hernani:

l'alexandrin classique obéît à une unité qui consiste à versifier de sorte «que la découpe du vers correspond à une unité syntaxique, et que la fin du vers coïncide avec une forte coupe syntaxique»64, l'alexandrin classique est composé de deux hémistiches de six syllabes avec un arrêt léger appelé: la césure.

Hugo critique cette forme monotone de l'alexandrin et revendique la liberté du vers:

«nous voudrions un vers libre, franc, loyal, osant tout dire sans pruderie, tout exprimer sans recherche; passant d'une naturelle allure de la comédie à la tragédie, du sublime au grotesque; tour à tour positif et poétique, tout ensemble artiste et inspiré, profond et soudain, large et vrai; sachant briser à propos et déplacer la césure pour déguiser sa monotonie d'alexandrin; plus amis de l'enjambement qui l'allonge que l'inversion qui l'embrouille; fidèle à la rime [...] inépuisable dans la variété de ses tours, insaisissable dans ses secrets d'élégance et de fracture...»65

cette citation nous montre la conception romantique de l'alexandrin dramatique qui consiste en l'adaptation du rythme à chaque situation et à chaque personnage selon les exigences de la scène.

sur le plan formel, l'alexandrin romantique se caractérise par la mobilité de la césure, cela est rendu par l'enjambement, ainsi dès le premier vers d'Hernani, Hugo l'utilise:

«serait-ce déjà lui? c'est bien à l'escalier

dérobé» (i,1, v.1/2)

c'est ce premier vers qui a déclenché la bataille romantique lors de la première représentation d'Hernani, il présente une provocation pour les partisans de la tradition classique. l'alexandrin romantique est un vers brisé, Hugo souligne cela fièrement dans les contemplations:

«c'est horrible! oui, brigand, jacobin, malandrin

j'ai disloqué ce grand niais d'alexandrin»66

la dislocation de l'alexandrin n'a pas pour objectif seulement de faire éclater la forme classique, mais encore, le vers Hugolien, par ses rythmes diversifiés, est capable de traduire la pensée ou les sentiments des personnages; ainsi l'alexandrin ternaire (4/4/4) souligne la fatalité qui pèse sur le héros:

«je suis banni! je suis proscrit! je suis funeste!»

les vers disloqués signalent la souffrance et la passion du personnage, le déchirement de Doña Sol est ainsi exprimé:

«ciel! des douleurs étranges!...

ah! jette loin de toi ce philtre!... ma raison

s'égare. arrête! hélas! mon don juan! ce poison

est vivant.» (v, 6, 2136-2139)

dans Hernani, on trouve des vers ayant une structure classique, mais la structure binaire révèle moins la volonté de faire un alexandrin à la malherbe que celle d'exprimer la dualité qui hante le personnage, citons à titre d'exemple cet alexandrin:

«entre aimer et haïr, je suis resté flattant» (v. 386)

la tonalité poétique fut, elle aussi, sujette au renouvellement romantique. contrairement au vers de la tragédie classique qui a toujours un ton dramatique, celui d'Hernani est à la fois lyrique, épique, dramatique... selon le besoin, pouvant parcourir «toute la gamme poétique»; les personnages s'expriment comme des poètes, le lyrisme Hugolien permet l'expression libre des sentiments, ainsi Doña Sol exprime l'amour en l'associant aux éléments naturels:

«la nature à demi veille amoureusement.

pas un nuage au ciel. tout, comme nous, repose.

viens, respire avec moi l'air embaumé de rose!

regarde. plus de feux, plus de bruit. tout se tait.

la lune tout à l'heure à l'horizon montait;

tandis que tu parlais, sa lumière qui tremble

et ta voix, toutes deux, m'allaient au coeur ensemble

je me sentais joyeuse et calme, ô mon amant»

(v, 3, v. 1954-1961)

outre le lyrisme, la poésie d'Hernani a une vision épique, elle évoque la vie et les exploits des personnages héroïques de l'histoire. citons l'évocation de Charlemagne dans le monologue de don Carlos (iv, 2) et l'évocation d'Hernani de ses compagnons morts:«c'étaient les plus vaillants de la vaillante Espagne» et l'évocation de don Ruy Gomez de ses ancêtres dans la scène des portraits (iii,6).

la poésie d'Hernani, par sa souplesse et ses rythmes variés, s'avère capable d'exprimer tout, du souffle de l'épopée jusqu'à la simplicité du chant d'amour. la poésie d'Hernani est une poésie de sentiment, de nature et de l'histoire, pour assurer la peinture totale, le langage poétique doit, lui aussi, connaître un renouveau.

le langage ignoble:

le langage du théâtre classique, au moins celui de la tragédie, est noble et soutenu, toute familiarité lui est interdite, il doit toujours avoir un air de dignité exigé par la règle de la bienséance.

Victor Hugo critique cette conception du langage et propose un langage nouveau qui ose «tout dire sans pruderie», les rénovations langagières font affront à la règle de la bienséance, cela est perceptible par l'examen du rapport des censeurs qui énonce le caractère nouveau d'Hernani: «le roi s'exprime souvent comme un bandit, le bandit traite le roi comme un brigand», la censure de quelques répliques d'Hernani montre bien la liberté prise par rapport au style classique.

la principale rénovation touche au vocabulaire, la révolte contre le lexique exigé par la doctrine classique est exprimée par Hugo dans les contemplations:

«je fis souffler un vent révolutionnaire.

je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire

plus de mot sénateur! plus de mot roturier!

je fis une tempête au fond de l'encrier

[...]qui délivre le mot, délivre la pensée»67

Hugo donne accès sur le théâtre à des mots de la vie courante qui choquaient à l'époque les bienséances classiques, les personnages s'expriment librement d'une manière explicite. dès la première scène, on note les mots et les expressions familiaux comme: «escalier», «écurie», «manche à balai», «basse-cour», «à la barbe de», «concubine68» (v. 502)... .

la conception Hugolienne du langage ne refuse rien, ni l'usage de l'expression la plus simple comme la question du roi don Carlos: «quelle l'heure est-il?_ minuit bientôt» (v. 463), ni les expressions cavalières comme celle de don Carlos: «chacun son tour! _ messire» (v. 181), ni même les insultes: «vieillard stupide! il l'aime!» (v. 1278), ni même les jeux de mots familiers:

«et reçoit tous les soirs, malgré les envieux

le jeune amant sans barbe à la barbe du vieux» (v. 9-10)

la bienséance classique est mise en problème par la présence, outre les aveux d'amour, des expressions du désir physique dans ce théâtre «tout sensuel»; l'expression de la sensualité est à la bouche aussi bien chez Hernani que don Carlos et don Ruy Gomez:

don Carlos:( la [Doña Sol] saisissant avec violence)

«eh bien, que vous m'aimez ou non, cela n'importe!

vous viendrez, et ma main plus que la vôtre est forte.

vous viendrez, je vous veux» (v. 521-523)

Hernani: (se recouchant sur le banc de pierre)

«tu le veux, me voici. viens, oh! viens dans mes bras!

[...] ( la tenant embrassée) un baiser!» (ii, 4)

«( toujours appuyé sur son sein) eh bien! qu'il nous unisse!

tu le veux. qu'il soit ainsi! j'ai résisté!» (iii, 4)

l'expression du désir charnel est appuyée par les aveux des courtisans, citons par exemple:

don ricardo: «moi, j'ai fait ma fortune à voir faire l'amour» (v. 1825)

don francisco: ( montrant à don matias la chambre nuptiale)

«qu'il va se passer là de gracieuses choses!

etre fée, et tout voir, feux éteints, portes closes,

serait-ce pas charmant?» ( v. 1891-1893)

outre le vocabulaire et les expressions, Hugo allait jusqu'à utiliser un langage codé que seuls les personnages comprennent, citons par exemple l'expression latine: «ad augusta/ per augusta» (iv, 3) qui sert de mot de passe pour les conjurés.

c'est parce que «le but de l'art est presque divin: [...] créer s'il fait de la poésie»69, le langage poétique d'Hernani est d'une extraordinaire création verbale, Hugo cultive l'image en faisant parler ses personnages comme des poètes. le langage imagé donne une certaine splendeur au styled'Hernani, il marque toute la pièce, pour cette raison nous nous contenterons de relever quelques images relatives au personnage de Doña Sol:

don Carlos: «j'en suis amoureux fou! les yeux noirs les plus beaux,

mes amis! deux miroirs! deux rayons! deux flambeaux

[...] je viens tout doucement dénicher sa colombe!»

(ii, 1, v.431/432/438)

Doña Sol est présentée comme une source de lumière, même son nom renforce cela: le nom espagnol «Doña Sol» signifie «dame soleil»:

«Doña Sol, viens briller comme un astre dans l'ombre!» (462)

pour Hernani, Doña Sol est associée à une fleur salvatrice:

«loué soit le sort doux et propice

qui me mit cette fleur au bord du précipice

[...] va, j'en ai respiré le parfum! c'est assez» (v. 665/666/671)

Doña Sol est aussi comparée à la vierge, à une déesse:

don Ruy Gomez: «je veux la voir parée ainsi qu'une madone

[...] voici ma notre-dame à moi [...] ma belle mariée»

(v. 818/853/854)

Hernani l'a qualifiée de l'«être adoré!» (v. 1015) et pour don francesco, elle est la déesse de l'amour et de la beauté:

«saint-jacques monseigneur! c'est vénus qu'il conduit» (v. 1889)

le style d'Hernani, par sa pure poésie et son image neuve, a assuré la réussite de la pièce lors de la première représentation et même aujourd'hui, comme le souligne paul philippe tieghem:

«Hernani est simplement la victoire remportée par un style neuf sur un style vieilli; le style en est la pierre d'achoppement; c'est sur le style qu'ont buté les classiques; c'est lui qu'ils se sont refusés à admettre; c'est lui que les jeunes Hugolâtres ont applaudi avec sincérité [...] l'impression de renouveau que donne Hernani vient surtout de la langue et de style»70

conclusion

au terme de ce travail, il convient de rappeler ce que nous avons tenté de mettre en lumière. d'abord, nous avons essayé de montrer comment la révolte marque l'essence même du romantisme dans la mesure où ce dernier s'inspire de la révolution française de 1789 et sa naissance n'est qu'une réaction contre le classicisme. nous avons aussi donné un bref aperçu historique sur le théâtre français jusqu'au 1830 en montrant comment le drame romantique vient s'imposer comme une sorte de libération théâtrale, et puis nous avons abordé notre objet d'étude, le drame Hernani du point de vue contextuel, à savoir la genèse et la première représentation, en montrant l'opposition romantico-classique qu'elle a suscitée.

ensuite, nous avons tenté de faire une approche intrinsèque de l'oeuvre en nous arrêtant sur les aspects de la révolte dans la structure interne d'Hernani. nous avons étudié le temps, l'espace et l'action tout en éclairant la déformation des règles classiques et la spécificité de la dramaturgie Hugolienne.

enfin, nous avons traité la structure externe de la pièce, nous avons montré que la révolte est perceptible lors de la première représentation d'Hernani par le spectateur, nous avons mis en lumière que la révolte est une thématique incarnée par le personnage d'Hernani, mais elle est parallèlement un procédé exploité par Hugo dans le langage poétique d'Hernani.

notre étude de ce chef-d'oeuvre romantique ne prétend nullement être exhaustive vu des multiples approches que peut susciter une oeuvre-clé de l'histoire du théâtre français et vu l'insuffisance du temps dont nous avons disposé.

la révolte d'Hernani a bien assuré une certaine liberté de la création littéraire, particulièrement l'écriture dramatique, c'est là son glorieux exploit, cette liberté a enrichi le répertoire de la scène française des chefs-d'oeuvre que nous lisons encore aujourd'hui:

« sans Hernani [...] musset, le dernier venu, n'eût peut-être pas écrit lorenzaccio, ni on ne badine pas avec l'amour»71

la révolte a été aussi l'une des causes de la négligence dont le théâtre Hugolien serait la victime: le succès d'Hernani a assurément fait la gloire du romantisme, mais en même temps il a cristallisé des complots et des haines contre Victor Hugo; les partisans du classicisme, les académiciens, la presse... tous ont été unanimes pour venger leur doctrine sur Hernani et son auteur et persuader l'opinion publique de la bassesse de l'oeuvre Hugolienne, c'est cette haine qui a été la cause des deux échecs de Hugo dans son élection à l'académie française, c'est cette contre-réaction des défenseurs classiques qui a influencé les critiques et les « beaux esprits, que l'on lit encore, parfois»72

le mérite et la gloire d'Hernani reste cette liberté de la scène qu'il a gagnée et que Victor Hugo demeure son éternel défenseur, même à l'exil, il a écrit un recueil de pièces de théâtre qu'il a intitulélibrement : le théâtre en liberté73, cette liberté introduite par le théâtre romantique sera complètement gagnée au xxème, surtout par le théâtre de l'avant-garde, un imminent critique, roland barthes n'a pas fait faute quand il a classé Hernani parmi les pièces de l'avant-garde:

«qu'est-ce que l'avant-garde? c'est une notion essentiellement relative, ambiguë: toute oeuvre de rupture a pu être en son temps une oeuvre d'avant-garde, même s'elle nous apparaît aujourd'hui démodée: c'est le cas d'Hernani, par exemple. car il suffit qu'une oeuvre rompe brusquement avec la tradition et qu'elle assume dans son style même un certain ton de provocation, pour qu'elle puisse constituer une oeuvre d'avant-garde»74

espérons que cette étude bien modeste arrive à susciter des recherches ultérieures sur Hernani ou sur le théâtre Hugolien pour rendre compte du mérite de ce dernier et surtout pour rendre justice à un géant immortel de la littérature française.

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table des matières

introduction..............................5

i-le romantisme: mouvement révolutionnaire

1-révolte contre le classicisme

a- le romantisme et la révolution.....................10

b- la révolte contre la tradition classique..........12

2-le théâtre libéré:

a- la situation du théâtre français avant 1830.................14

b- le triomphe du drame romantique.................16

3-Hernani: une révolution littéraire:

a- la genèse d'Hernani........................19

b- la bataille d'Hernani........................21

ii-la dramaturgie de la révolte dans Hernani:

1-le temps:

a- le temps réel.......................26

b- le temps représenté...........................28

2-l'espace:

a- l'espace dramatique..........................31

b- l'espace scénique................33

3-l'action:

a- la construction du drame.................36

b- les coups de théâtre..........................39

iii-la révolte sur scène:

1-Hernani: emblème de la révolte romantique:

a- un homme révolté............................43

b- un héros romantique........................45

2-la révolution du langage poétique:

a- la poésie d'Hernani.........................49

b- le langage ignoble............................52

conclusion.........................55

bibliographie.....................59

table des matières............................65

notes :

1
ubersfeld, anne,le roman d'Hernani, 1985 (cf. la bibliographie).

2bony, jacques, lire le romantisme, paris, dunod, 1992, p. 33.

3a l'éclatement de la révolution, beaucoup d'aristocrates cultivés quittent la france pour échapper au tribunal révolutionnaire ou pour s'engager dans les «armée des princes». a leur retour en france, ils y importent les littératures étrangères: mouvement allemand «sturm und drang» («tempête et assaut» des auteurs: goethe, schiller et bürger) et les auteurs anglais: lord byron, ossian, walpole, radcliffe…

4bony, jacques, lire le romantisme, op. cit., p. 33.

5ibid. p.33.

6. lire le romantisme. op .cité. p.37.

7ibid. p.42.

8Hugo, Victor, Hernani, introduction, note, dossier, chronologie et bibliographie par claude eterstein, paris, flammarion, 1996, p. 20. (notre corpus)

9ibid. p. 21.

10ansel, isabelle et yves, le romantisme .paris, ellipses, coll. réseau, 2000, p. 25.

11ansel, isabelle et yves, le romantisme, op. cite. p. 7.

12camus, albert, l'homme révolté, paris, gallimard, 1951, cité dans littérature au xxème siècle, textes et documents, dominique rincé et al. , paris, nathan, coll. h. mitterrand, 1992, p. 299.

13ansel, isabelle et yves, le romantisme, op. cite. p. 7.

14Hugo, Victor, préface de Hugo, paris, r. laffont, «bouquins», 1985.

15Hugo, Victor, Hernani, introduction, note, dossier, chronologie et bibliographie par claude eterstein, p. 22.

16Hugo, Victor, préface de Hugo.

17
racine déclare dans la préface de bérénice:«[…] et quelle vraisemblance y a-t-il qu'il arrive en un jour une multitude de choses qui pourraient à peine arriver en plusieurs semaines» corneille révèle dans l'examen de la galerie du palais:«[…] il faut souffrir pour trouver cette rigoureuse unité de lieu qu'exigent les grands réguliers».

18Diderot avec entretiens sur le fils naturel (1757) et discours sur la poésie dramatique (1758) et Beaumarchais avec son essai sur le genre dramatique sérieux.

19Hugo, Victor, la préface de Hugo. op. cit.

20ibid.

21ibid.

22ibid.

23ibid.

24ibid.

25Hugo, adèle, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, paris, plon, 1985.

26
c'est le vers 1028 d'Hernani: «vous êtes mon lion superbe et généreux!», p. 93.

27dumas, alexandre( père), mémoires (1852, t. v), paris, editions de france, 1928.

28par exemple le vers cité en note 27 devient: «vous êtes mon seigneur vaillant et généreux»

29
dumas, alexandre, mémoires, 1852.

30Hugo, Victor, Hernani, introduction, note, dossier, chronologie et bibliographie par claude eterstein, p. 22.

31Hugo, adèle, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, op. cit.

32la quotidienne, le 24 février1830

33
Hugo, adèle, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, op. cit.

34
adèle Hugo précise dans Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie que: «m. Victor Hugo acheta plusieurs mains de papier rouge, et coupa les feuilles en petits carrés sur lesquels il imprima avec une griffe le mot espagnol qui veut dire «fer»: hierro»

35gautier, théophile, histoire du romantisme, paris, charpentier, 1874

36la marseillaise.

37gautier, théophile, Victor Hugo, 1902 (posthume).

38
Hugo, adèle, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, op. cit.

39
Hugo, adèle, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, op. cit.

40cité in Hernani, paris, larousse, coll. classiques larousse, 1996, p. 16.

41ubersfeld,anne,le roman d'Hernani, op. cit.

42n, i, ni ou le danger des castilles de carmouche, de courcy et dupety, harnali ou la contrainte par cor d'auguste de lauzanne et oh! qu'nenni ou le mirliton fatal de brazier et carmouche.

43le dictionnaire le petit robert, paris, 1993, p. 770.

44d'aubignac, pratique du théâtre (livre ii, ch.vii), édition de m. pierre martino, paris, champion, 1927, p. 113.

45ibid.

46dans la préface de Hugo, Hugo avance que l'humanité a trois âges: primitif, antique et moderne, lestemps primitifs sont lyriques, les temps antiques sont épiques et les temps modernes sont dramatiques.

47Hugo, Victor, la préface de Hugo, op.cit.

48don Carlos au premier acte, Hernani au troisième et don Ruy Gomez au dernier acte.

49Hugo, Victor, la préface de Hugo, op.cit.

50ibid.

51ibid.

52pavis, patrice, dictionnaire du théâtre, paris, messidor/ editions sociales, 1987, p. 146.

53scherer, jacques, la dramaturgie classique en france, paris, nizet, 1986, p.154.

54pavis, patrice, dictionnaire du théâtre, opp. cit., p.146.

55larthomas, pierre, le langage dramatique, paris, puf, 1981, pp. 112/ 113.

56pavis, patrice, dictionnaire du théâtre,op.cit.,p.29.

57pavis, patrice, dictionnaire du théâtre, op.cit., p. 31.

58
Hugo, Victor, la préface de Hugo, op.cit.

59
Hugo, Victor, la préface de Hugo, op.cit.

60le dictionnaire le petit robert, paris, 1993, p. 2512.

61ibid.

62cf. la genèse (4, 1-15)

63la dualité est soulignée aussi par le nom: «Hernani» si on procède à une analyse onomastique, on trouve aussi la présence de la dualité: «Hernani» est construit de «her» qui peut être associé au mot allemand: herr qui signifie: seigneur, il connote la grandeur, on peut l'associer aussi au mot français: «hère» qui signifie un pauvre mendiant, et «nani» qui connote la petitesse, donc le nom d'Hernani est construit sur un antithèse: grandeur/ petitesse, dichotomie révélatrice de la dualité du héros.

64deloffre, frédéric, le vers français, paris, sedes, 1973, 5ème édition, p. 119.

65Hugo, Victor, la préface de Hugo, op.cit.

66Hugo, Victor, les contemplations (i, 26), paris, livre de poche, 2002, p. 103.

67Hugo, Victor, les contemplations (i, 26), op. cit. p.58.

68ce mot est jugé choquant par les censeurs, il a été remplacé par «favorite» lors de la première représentation d'Hernani.

69
Hugo, Victor, la préface de Hugo, op.cit.

70tieghem, paul-philippe, le romantisme français, paris, puf, coll. «que-sais-je?», 1989, 13ème édition, p. 67.

71tieghem, paul-philippe,le romantisme français, op. cit. p. 74.

72
ubersfeld,anne,le roman d'Hernani, op. cit.

73c'est une oeuvre posthume, publiée pour la première fois en 1886.

74barthes, roland, «le théâtre français d'avant-garde» in le français dans le monde, juin-juillet 1961 cité in oeuvres complètes, tome i (1942-1965) édition établie et présentée par eric marty, p. 915.



Pour citer cet article :
Auteur : Abderrahman ELQADERY -   - Titre : La révolte romantique dans Hernani,
Url :[https://www.marocagreg.com/doss/monographies/revolte-romantique-Hernani-elqadery.php]
publié : 2010-08-27

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