minyana un artiste dans le théâtre

«je ne suis pas un écrivain. je suis un homme de théâtre.» cette déclaration souligne la particularité de l'écriture de minyana, une écriture sur le plateau, une écriture qui associe habilement l'acte d'écrire au travail de réalisation. le moment de la création est une encore une possibilité d'écriture. lestextes sont joués avant d'être imprimés, l'auteur modifie parfois leurs écrits au fur à mesure des répétitions. souvent, il compose pour des acteurs précis, l'être auquel il confie le mot devient le mot, il n'est plus question de les dissocier. cette conception du rapport de l'acteur au texte est la base, le sujet, de l'écriture théâtrale de minyana. le projet de l'écriture produit le projet de la scène, c'est le texte qui crée la scène.

« cette rencontre avec l'acteur, affirme minyana, est devenue pour moi un des buts de l'écriture. il s'agit là d'une espèce de jouissance étrange que de faire incarner ses propres mots par des comédiens dont on sait comment ils vont le faire. on arrive là à une osmose entre la respiration de l'acteur et celle de la plume.»

la spécificité de l'écriture de minyana c'est sa respiration, c'est-à-dire sa capacité à passer dans le corps de l'acteur, à produire du jeu. c'est une affaire de rythme, de son, d'adresse de parole, d'accélération. si on trouve la bonne note, la bonne respiration, on trouve le sens. le son fait le sens. «le théâtre pour moi, dit-il, ce sont les mots qui roulent, qui font du bruit.» minyana veut nous faire écouter le «bruissement de la langue», il propose un théâtre plus auditif que visuel. il est contre le décor et la lourdeur scénographique. il met en valeur l'acteur (la voix et le corps) et le texte. «c'est le phrasé qui m'intéresse… c'est-à-dire une vitesse d'exécution… ce qui était intéressant était de jouer la partition. c'est-à-dire ne pas jouer le sens mais l'allure musicale, la rapidité.»

le théâtre de minyana met la langue au travail, il traite la langue comme une fiction: les mots bousculent la phrase, des paquets de textes présentent le conflit du sens et des mots, de la forme et du fond, du sens et du son, la phrase est segmentée, la ponctuation est absente, la répétition est abondante… d'une oeuvre à l'autre, philippe minyana est en quête d'une «parole visible», d'une «partition» théâtrale.

si l'écriture de minyana nous fascine, c'est par ce rythme furieux qu'elle impose par l'absence de ponctuation. dans une langue délibérément musicalisée, l'oeuvre joue avec brio des pauses et enchaînement, temps, intensités, accents, allitérations, assonance ou dissonance, répétition et variation, etc. l'écriture se rapproche plus du poème, du chant épique.

si l'on parcourt l'oeuvre de minyana, on rencontre une écriture en mutation, qui avance et se renouvelle. ses premières pièces (premier trimestre, ruine romaines, fin d'été à baccarat…) présentent une dramaturgie encore classique, il les qualifie de «processus thérapeutiques». a partir de 1985, avec chambres et inventaires, minyaya privilégie les moments de parole par rapport aux moments d'action. il propose un théâtre de l'aveu qui puise sa matière première des faits divers des journaux. en 1988, avec les guerriers, où vas-tu jérémie? et volcan, l'auteur interroge la forme épique, il «fait résonner le monde et non la chambre». après une écriture de grands jets, il passe à une écriture du goutte à goutte, à un théâtre de deuil (drame bref i, drame bref ii, la maison des morts). l'oeuvre de minyana demeure fidèle aux préoccupations initiales, la profération, la présence de la mort, le grotesque, la clownerie, la recherche de formes brèves et rapides. l'auteur a aussi abordé le matériau photographique comme inspirateur et révélateur, description… ses deux dernières pièces histoire de roberta et Ça va nous invitent à voir et à écouter des «comédies humaines», des «épopées de l'intime» (roland fichet).

zohra makach