l'omniprésence de la mosquée dans les films de

farida benlyazid1.

la religion est la toile de fond principale du premier long métrage de farida benlyazid une porte sur le ciel. dès la première image nous avons cette certitude. en effet, le film commence par un panoramique vertical (de haut en bas) du minaret d'une mosquée située dans un quartier de l'ancienne médina de fès. au pied de ce minaret se croisent un chrétien (un français portant un costume et un chapeau noirs, marchant une canne à la main) et un musulman habillé en djellaba dont le capuchon lui couvre la tête. le message de tolérance est évident, d'autant plus que la scène suivante est une cérémonie d'islamisation d'une française à qui une marocaine apprend la chahada.

dans ce film la mosquée apparaît par la suite au moins à sept reprises:

nadia vient juste d'arriver de france et sa soeur qui l'attend à l'aéroport fès-saiss l'emmène en voiture. sur le chemin menant de l'aéroport à la maison paternelle, une mosquée apparaît, majestueuse au milieu de l'écran.

nadia et une servante font le tour de la maison qui allait être transformée en zaouïa. d'une large fenêtre, un plan général révèle un minaret (à gauche de l'écran).

nadia se balade à l'ancienne médina. au moment où elle monte dans un taxi, la caméra esquisse un léger mouvement vers le haut pour montrer une petite mosquée, perchée sur un monticule.

sur la terrasse de la maison/couvent où kirana rejoint nadia, un panoramique horizontal (de gauche à droite) montre dans un plan général deux minarets implantés au milieu d'un quartier populaire.

alors que la voix de nadia lit le contenu de la lettre adressée à jean-philippe, un panoramique horizontal (de gauche à droite) montre deux minarets. a un certain moment, le panoramique devient vertical (de haut en bas).

en se rendant chez une femme du nom de fdila dont l'unique fils abdelkrim est malade, nadia et sa soeur passent devant la porte centrale d'une mosquée. même si le minaret n'est pas montré et même si la porte est prise en plan d'ensemble, la mosquée est reconnaissable grâce à la forme de la porte et à l'homme en djellaba qui sort en jetant devant lui ses babouches.

une fillette est sur la terrasse en train d'écouter l'appel à la prière d'al maghreb (rupture du jeûne). un panoramique de gauche à droite montre deux minarets: l'un à gauche de l'écran, l'autre au milieu.

dans ruses de femmes qui n'est qu'un conte dont le temps de l'histoire reste indéterminé (le film commence par la fameuse formule il était une fois prononcé par une mère qui raconte l'histoire à sa jeune fille), la dimension religieuse est aussi présente. la mosquée apparaît à deux reprises. elle fait l'objet dans les deux fois d'un plan d'ensemble:

a- la première fois, quand le prince sort après avoir accompli la prière d'al fajr. il rencontre sur le seuil haj tahar le bouquiniste qui lui promet la remise au courant de l'après-midi d'un livre commandé auparavant.

b- la seconde fois, la même mosquée est montrée au moment où haj tahar fait la prière chez lui après avoir affranchi la fille que le prince lui a offerte.

dans casablanca…casablanca c'est la mosquée hassan ii qui est cette fois sollicitée:

a- ce film démarre par un mouvement inquisiteur d'une caméra mobile qui se déplace dans le grand casablanca pendant la nuit. cette randonnée nocturne élève la ville ogresse au rang de personnage principal. une plongée1 montre un flot de voitures, puis un panoramique de bas en haut se termine par un arrêt sur image montrant le point culminant du minaret de ladite mosquée. en cela, il y a une forte similitude entre une porte sur le ciel et casablanca…casablanca qui mettent en exergue l'édifice religieux dès le commencement.

b- un panoramique de gauche à droite montre un quartier de casablanca avec un minaret planté au milieu des maisons.

c- un panoramique de haut en bas montre le minaret d'une petite mosquée sise dans le quartier populaire où réside ba lahcen. au pied du minaret on découvre ce dernier en djellaba qui sort de la mosquée après la prière d'al fajr. là aussi la ressemblance avec la première image d'une porte sur le ciel est saisissante.

d- un panoramique de gauche à droite montrant le ciel de casablanca se termine au niveau du minaret de la mosquée hassan ii alors que le muezzin appelle à la prière d'al maghreb (mois de ramadan).

e- la même mosquée prise d'assaut par les fidèles le jour de l'aid

fitr est montrée dans toute sa grandeur et toute sa splendeur. cette scène, tournée en plan général, dure une minute et vingt- quatre secondes. différents angles de prise de vue ont été utilisés pour filmer le minaret, les annexes et l'esplanade:

un panoramique de gauche à droite montre l'esplanade et l'entrée principale.

fixation de l'esplanade et des autres portes.

un panoramique de haut en bas sur le minaret.

un panoramique de droite à gauche montre l'une des annexes de la mosquée, l'esplanade et l'entrée principale.

une vue de la fenêtre d'un café montre la mosquée à l'arrière fond.

chez farida benlyazid, la mosquée est une véritable hantise. elle est omniprésente dans tous ses films, et dans le même film elle est montrée à plusieurs reprises. si l'on sait que la réalisatrice, comme tous les cinéastes marocains, vise beaucoup les festivals internationaux (son dernier film juanita de tanger était parti en compétition alors que le public marocain ne l'avait pas encore vu), la récurrence de l'image auguste de la mosquée devient dans ce contexte une véritable marque identitaire. farida benlyazid imprègne ses films d'une aura religieuse sans aucune velléité de fanatisme. elle n'incite guère à un quelconque extrémisme ou au rejet des autres religions.

les panoramiques (verticaux et horizontaux) qui montrent les minarets s'élevant vers le ciel (vers le haut, donc vers dieu) constituent des interrogations permanentes sur la relation de l'homme avec dieu, la relation de l'homme avec lui-même. c'est une invitation à la réflexion sur le chemin qui mène à la quiétude de l'âme et sur la transcendance de dieu qui, par l'intermédiaire du muezzin, nous rappelle à lui cinq fois par jour, faisant ainsi de son adoration un devoir et un idéal quotidien. cet aspect soufi dans les films de farida benlyazid ne peut passer inaperçu parce qu'il ne peut laisser le spectateur indifférent, surtout qu'actuellement le débat sur la tolérance, l'extrémisme, le terrorisme, l'islam armé, l'islam modéré, les signes extérieurs de la religiosité… prend une dimension universelle.

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1- article tiré de ma thèse de doctorat: un quart de siècle du cinéma de la femme au maroc/l'homme et le corps dans l'imaginaire féminin.

azelarab qorchi



Pour citer cet article :
Auteur : AZ ELARAB QORCHI -   - Titre : omniprésence de la mosquée dans les films de Farida Benlyazid,
Url :[https://www.marocagreg.com/doss/monographies/mosquee-farida-benlyazid-azelarab-qorchi.php]
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