Bachir Maalmi Compte rendu
Art du roman de Milan Kundera
L'Héritage décrié de Cervantes et Discours à Jérusalem

Avant de commencer à exposer la conception personnelle de Kundera du roman, du romancier et de la relation du roman avec la philosophie, il serait convenable d'approcher brièvement deux formules évoquées par l'auteur dans l'art du roman. Il s'agit de « l'oubli de l'être »et «les paradoxes terminaux ». L'oubli de l'être : est la réduction de l'homme à un simple objet d'exploration en faisant abstraction des multiples aspectsde son être et de son existence et de la dimension humaine dans sa profondeur .au début des temps modernes l'être de l'Homme fut oublié par la philosophie et la science. L'individu est conçu comme un modèle stéréotypé et sa vie est réduite à sa fonction sociale. La notion du paradoxe terminal comme il parait dans L'Héritage Décrié de Cervantes recouvre deux approches : La première est d'arriver, après une lutte et des changements à la situation qu'on a voulu changer : un effort de transformation qui aboutit à l'immobilité. La deuxième approche est de parvenir au résultat escompté par les moyens qu'on a proscrits. Parmi les paradoxes terminaux évoqués dans le texte : L'abolition des anciens dogmes, donc l'émancipation de l'homme qui recouvre l'exercice de ses vertus créatrices ; cette abolition transforme l'homme au cours du processus du « maître et possesseur de la nature » en « une simple chose ». Un autre paradoxe est celui de l'aspiration des temps modernes à l'unité de l'humanité sous le règne de la paix qui est réalisée et assurée par la guerre et les entreprises belliqueuses.
La conception du roman , du romancier et la relation roman/philosophie à la lumière de la lecture du premier et dernier chapitre de l'Art du Roman
L'art du roman publié en 1986 est le premier essai sur la littérature de Milan kundera .L' auteur y développe une profonde réflexion sur les enjeux de la construction du roman dans le contexte du monde européen contemporain. Cette réflexion est aussi une constante référence aux auteurs qui sont les piliers de son « histoire personnelle du roman ».
Dans l'optique de kundera, le romancier est celui qui est éclipsé par sa création et par ses oeœuvres. Celui qui écoute la sagesse du roman, la sagesse de l'incertitude et qui est en mesure de recevoir les inférences romanesques. Le romancier pense son art, ose le fait de l'interroger ou bien de redécouvrir son histoire oubliée et ses mécanismes métamorphosés à la recherche d'une généalogie ouverte qui résiste à toute sorte d' historisation. Le romancier est un signe de la sagesse divine puisque son art est né du rire de Dieu. Il tente de faire surgir les vérités cachées, inavouées et inavouables. Le roman ,selon kundera,qui est d' abord plus intelligent que son auteur et qui est né dans l' esprit de l' humour, est l' art de remettre en question les interprétations propagées par le prêt- à- penser dominant et les préjugés inscrits dans la conscience collective. Le roman ose la vérité, sa propre ou plutôt ses propres vérités qui contredisent souvent la vérité donnée et les absolutismes hérités et se contredisent en même temps elles mêmes .Dans le monde ouvert et relatif du roman, on assiste à un pluralisme des voix et des vérités, à une parodie de l'univoque et du monochrome. Le roman est une nouvelle naissance au monde, la scène ou se contrastent et se relativisent les évidences. C'est le lieu ou le romancier explore une expérience humaine que tous les autres systèmes d'interprétations négligent ou bien n'osent pas aborder.
Ainsi le romancier atteint des zones intouchées par les mots et se lance aussi au contact de l'indicible. Kundera conçoit le roman comme un anti-destin, rebelle à la raison sans être déraisonnable. C'est la découverte d'un nouvel aspect de l'être, une interrogation esthétiquement valable sur l'existence humaine. Cette orientation permet au roman de ne pas sombrer dans l'oubli. Le roman accompagne la mémoire et l'histoire. L'attachement à l'esprit de la continuité selon le quel chaque roman s'insère dans un tissu d'œoeuvres préexistantes et continue la même exploration de l'être à laquelle a participé tous les grands romanciers, fait du roman le fidèle compagnon de l'homme, son outil indispensable pour tenir le « monde de la vie » sous un éclairage perpétuel .Le roman échappe à la platitude, contrarie le projet naturaliste et réaliste proposé par le monde, arrache l'être à ce qui le fixe. C'est la découverte d'une nouvelle façon de voir, méditer et rêver le monde. Le roman est l'art aux ressources intarissables. Le romancier investit le rêve et le réel, le rationnel et l'irrationnel dans un effort de cheminement vers la vérité. Une vérité insaisissable qu'il frôle et caresse le rêve de la rencontrer dans cet inembrassable univers .Le roman est un art atemporel qui tend vers l'universel et l'éternel. Un héritage qui résiste à l'épreuve du temps. Le romancier tente de repousser les limites de la création. Et pour le roman, la limite c'est ce qui est fait pour être dépassé. Quand au rapport de la littérature à la philosophie, Kundera n'exclue pas catégoriquement le roman du champ rationnel. Le romancier peut recourir à la pensée, comme outil parmi les multiples moyens mobilisés, pour s'approfondir et s'élever à fin de faire du roman la cime de l'intelligence. Toutefois le roman ne peut jamais se réduire à l idéologie. Le roman vit et se crée indépendamment des attitudes ou des formes philosophiques. Le romancier comble le vide laissé par le philosophe dans la vie de l'homme d' où la nécessité de son travail. Le roman est autonome. Il construit sa propre logique, bâtit sa propre église et possède ses propres idées. De cette façon, il prend ses distances vis-à-vis de la philosophie. Il ne devient ni une défense ni une illustration des thèses philosophiques préétablies mais, au contraire, une exploration ambiguë et paradoxale de ce que deviennent les thèmes existentiels et philosophiques dans « le monde de la vie »


Pour citer cet article :
Auteur : maalmi bachir -   - Titre : Art du roman de Milan Kundera LHéritage décrié de Cervantes et Discours à Jérusalem,
Url :[https://www.marocagreg.com/doss/monographies/compte-rendu-art-du-roman-kundera-j7d1-maalmi-bachir.php]
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