Nom : Jabrane Mohammed

Courriel : jabraneachak@hotmail.cpm

Pratique théâtrale: proposition didactique

Résumé

Nous voulons dans cet article, comprendre les liens entre la didactique relative au travail théâtral dans une classe de français et la didactique mise en jeu dans la situation scolaire actuelle. Et comment est-ce-que les adolescents pratiquant le théâtre privilégient les apprentissages relationnels, affectifs qui sont liés au développement personnel et produisent un discours interactif.

Mots clé : pratique théâtrale, lycéens, interaction.

Introduction

Au Maroc, les instructions officielles de (1976) 1 invitent à l'introduction et au développement de la pratique théâtrale en milieu scolaire : l'apprentissage du français fera l'objet d'une étude abordant de façon rapide le théâtre, par le biais des jeux de rôles.

Dans l'étude du dialogue, les IO incitent à utiliser des enregistrements audiovisuels montrant des dialogues de théâtre, voire d'une Âœuvre brève, si cela s'inscrit dans un projet pédagogique spécifique et ne conduit pas à alourdir le programme. Le but est, de situer le genre pour qu'il soit reconnu et que quelques-unes de ses grandes caractéristiques puissent être identifiées. Le théâtre est dans cette période considéré comme un moyen d'apprentissage des pratiques orales. En liaison avec l'étude des faits de langue, nous pouvons faire un premier repérage, très simple : la plupart des leçons commencent avec des dialogues. L'objectif étant celui d'une sensibilisation à l'expression théâtrale.

Ces instructions officielles ne stipulent pas directement que la pratique théâtrale est obligatoire à tous les niveaux de la scolarité mais elle est exploitée pour l'apprentissage de la langue.

Actuellement, peu d'enseignants proposent une activité théâtrale. Bien que l'activité théâtrale soit limitée et ne concerne qu'une minorité de lycéens, il nous semble judicieux de nous y intéresser dans la mesure où cette activité au lycée est susceptible d'orienter l'expérience scolaire et la construction identitaire des adolescents qui y sont engagés.

Activités théâtrale au lycée marocain

Des séquences de jeu de rôle préparées par quelque enseignant, sont l'occasion de créer des situations où les mots sont ressentis et vivifiés par des échanges authentiques avec leurs élèves.

D'après une enquête menée auprès de deux lycées dans la région Tadla Azilal, il se voit bien malgré les problèmes de langue, que les élèves se reconnaissent quand même dans ce qu'ils font. Leur motivation est caractérisée par les temps du jeu dramatique qui varient selon le niveau de la classe :

La préparation : Les élèves élaborent par petit groupe leur propre projet. Ils se préparent et s'engager ensemble dans un jeu sur lequel ils se sont accordés. L'élève agit avec son groupe, il décide, négocie, explique ce qu'il doit faire en français et quelque fois en arabe. Il se pose la question suivante : qu'est-ce que je dois faire avec mon groupe ? (C'est une scène à jouer en français avec mon groupe et avec mon professeur). Au cours de cette phase de préparation, les élèves s'investissent dans cette activité en classe de français et quitte vite leur position égocentrique grâce aux relations établies avec leurs camarades de groupe. Ces élèves tracent chacun un périmètre qui correspond au degré d'ouverture aux autres. Ils s'adressent alors aux autres pour les convaincre ou pour les soutenir. Une idée émise par l'un, reprise par l'autre, déformée, remaniée, donne le jour à un petit projet. Il donne chacun une idée, ils les mélangent et choisissent la meilleur. La proposition didactique de cette pratique se développe sous le signe de la suggestion et non de la sanction, car ici dans bien des cas, la réponse des élèves n'est ni vraie ni fausse comme le serai une réponse grammaticale. Le processus d'essai-erreur est la base de tout apprentissage subjectif. Mais en situation scolaire actuelle, ce processus est limité par la pression normative qui privilégie la perfection des énoncés. Ceci a tendance à augmenter les inhibitions ou retenues des élèves et ainsi former une résistance à parler. Cette interaction verbale des élèves est qualifiée de « parole adressée» ou de conversation scolaire et qui peut être proche d'une conversation quotidienne.

Le jeu : C'est la première mise à l'épreuve du projet. Les élèves expérimentent alors devant les autres ce qu'ils ont imaginé et écrits. Ils font des essais de jeu qui réussissent ou pas. Cela leur permet, par l'expérience, de se constituer un certain savoir sur le jeu qui sera à nouveau remis en question lors de prochaines tentatives. De cette façon, ils se découvrent les uns les autres pour être capable d'exprimer ce qui a été décidé.

Les échanges : Après avoir joué, les élèves échangent ce qu'ils viennent de vivre que ce soit entre eux ou avec leur enseignant.

Le rejeu : Il fait complètement partie de l'activité : En effet, nous entendons par « rejeu» jouer à nouveau, mais ne pas forcément reprendre le même jeu avec les mêmes expressions. L'objectif est d'essayer de partir de l'idée de base pour en faire plusieurs : les élèves essayent de changer des dialogues par d'autres, d'ajouter des expressions ou de changer la direction du jeu. Donc pendant le rejeu, les élèves improvisent d'autres répliques à partir de l'énoncé déjà bien préparé et compris.

Pour définir rapidement les interactions produite par les élèves, il existe un parcours qui conduit les élèves à considérer le jeu à partir de position différente : celle qu'ils ont avant le jeu quand ils l'imaginent et réfléchissent pour le construire ; celle qu'ils ont pendant le jeu et qu'ils sont en action ; celle qu'ils ont après le jeu lorsqu'ils échangent leurs points de vue sur l'expérience et enfin celle qu'ils ont lorsqu'ils regardent les autres groupes jouer à partir de la même proposition.

D'après les différentes séquences enregistrées, nous constatons que « La pratique théâtrale» n'est plus un savoir qui se transmet de manière indifférente ou passive de l'enseignant à l'apprenant. C'est une pratique qui exige de l'animation de la part de l'enseignant, de l'ouverture à l'autre, du mouvement et de la parole évolutive avec laquelle l'apprenant en langues et son enseignant entretiennent des relations singulières : Chacun abandonne son rôle social et institutionnel dans le seul but de travailler la langue par le théâtre. Ces nouvelles relations s'inscrivent au cÂœur des mécanismes d'apprentissage de la langue française. L'apprentissage du français par cette approche théâtrale associe en quelque sorte les phénomènes de l'enseignement : les conditions de transmission du savoir, son acquisition par l'apprenant sont présentes. Et de ce fait, la pratique théâtrale rencontre les principes de la didactique du Français.

En effet, les interactions verbales entre l'enseignant et ses élèves font travailler le langage et la langue. Dans la plupart des scènes filmées, l'enseignant procède à expliquer le thème à traiter, ses discussions avec l'ensemble de la classe donne corps à la petite histoire. Ces échanges mènent à mettre en Âœuvre les dialogues (nous notons ici un type de parole spécifique à l'échange élèvesélèves et élèvesenseignant que nous qualifierons de parole non scénique, elle est différente de la parole mise en place pendant la représentation). Une fois les dialogues rédigés, ils tentent de passer à une phase plus visuelle. Ils commencent à mettre en Âœuvre le corps accompagné de geste et de mimique.

L'expérience théâtrale, à partir de notre observation, montre des interactions à plusieurs niveaux. Les élèves qui font l'expérience de cette pratique sont mis dans une situation d'interaction permanente, de dialogue, qui se développe de manière complexe dans un schéma d'intersubjectivité composé de plusieurs éléments.

En effet, non seulement les élèves entrent en action avec l'enseignant (interaction prototypique en situation de classe traditionnelle), mais aussi entre eux. Ils discutent entre eux de l'interprétation à donner de la scène ce qui constitue un deuxième type d'interaction. Dans les mêmes scènes, il se voit bien que les élèves sont également en interaction avec les personnages qu'ils incarnent, dans la mesure où ils parlent de leurs personnages, ils en débattent, que ce soit avec l'enseignant ou avec les autres.

Enfin, l'interaction se développe dans sa phase finale et surtout au moment de la représentation avec les autres groupes. Ceci est concrétisé lors des répétitions par les élèves et les enseignants. Cette interaction peut se résumer à partir du schéma ci-dessous :

Enseignant <-----------> élèves personnages <------------> la classe

Élèves intersubjectivité

Cette interaction est également à mettre en relation avec les conditions d'apprentissage au Maroc que l'on pourrait qualifier de ‘'traditionnelle'' en classe de français. Par ce schéma, le travail de l'élève est tout d'abord valorisé, ce qui permet à celui-ci de prendre véritablement en charge son propre apprentissage puisqu'il y a un objectif à atteindre. Ce type de didactique dégage donc un objectif global (présenter la scène) dont le français est l'élément central.

Au niveau des degrés de contrôle de l'apprentissage, le jeu de rôle est fortement centré sur l'élève, car l'apprenant est, c'est le cas de le dire, l'acteur principal. Comme son nom l'indique, le jeu de rôle est construit autour de rôles assignés à des personnes. Quant à l'organisation de groupe, l'opération est plus sociocentrée, les autres apprenants agissant soit à titre de protagonistes, soit à titre d'observateurs.

Mêlant jeu et travail, la pratique du théâtre amène les jeunes lycéens à la pratique de la langue sur un espace scénique. « Elle suggère une approche profondément différente de l'acte éducatif qui allie, dans une pédagogie active de projet, à la fois une pratique personnelle, des relations aux Âœuvres et un indispensable travail intellectuel sur ses expériences»2.

Dans les résultats d'une enquête réalisée sur les deux classes (80 élèves) de deux lycées différents, montre que ces élèves interrogés sont conscient des apprentissages permis par cette activité créatrice. Leurs acquis les plus remarquables se situent sur un registre individuel ou personnel : 92% de ces 80 élèves estiment que le jeu théâtral leur offre la possibilité d'exprimer une idée ou un sentiment. Les lyciens instaurent de cette façon un dialogue entre le professeur et les autres élèves comme il est montré dans le schéma ci-dessus.

L'essor actuel de l'interactionnisme concerne l'ensemble des sciences humaines, et ne sera envisagé dans notre article qu'à travers ses applications à la description des faits de langue.

Kerbrat-Orecchioni dans son Âœuvre, les interactions verbales Tome1 (1995 :6-7) propose une définition large de l'interaction : « L'interaction verbale désigne à la fois un moment et une expérience situés et organisés de communication verbale et/ou autre entre deux ou plus de deux interlocuteurs». Le concept d'interaction tire son origine de la réalité fondamentale du langage, et que toujours selon Orecchioni, tout au long du déroulement d'un échange communicatif quelconque, les différents participants, que l'on dira donc des ‘'interactants'', exercent les uns sur les autres un réseau d'influences mutuelles- parler, c'est échanger, et c'est changer en échangeant 3

Dans cette perspective, nous considérons donc que tout processus communicatif implique une détermination réciproque et continue des comportements des partenaires en présence. Notre analyse a pour but essentiel de cerner la manière dont les élèves en classe de français agissent les uns sur les autres à travers l'utilisation qu'ils font de la langue. Ces influences mutuelles sont de nature diverse et variable selon le type d'interaction. Mentionnons quelque une :

Pour qu'il y ait échange communicatif, il suffit que deux locuteurs (enseignantélèves ou élèvesélèvesÂ…) parlent alternativement ; encore faut-il qu'ils se parlent, c'est-à-dire qu'ils soient tous deux engagés dans l'échange, et qu'ils produisent des signes de cet engagement mutuel. Les participants se servent d'un ensemble de gestes significatifs, afin de marquer la séance de communication. Lorsque les personnes qui sont mises dans cette situation de communication effectuent cet encouragement réciproque, nous pouvons dire qu'elles sont en conversation : autrement dit, elles se déclarent officiellement ouvertes les unes aux autres en vue d'une production orale et garantissent le maintien d'un flux de parole.

Conclusion

L'analyse de cette pratique théâtrale tente de montrer la complexité de tous les rapports effectivement en présence. Elle permet de parvenir à l'objectif de la représentation théâtrale qui est un but et aussi un moteur d'apprentissage. L'espace scénique est un cadre relationnel. Ce lieu où les échanges se font, établit la possibilité d'un va-et-vient et de rapport permanent entre la parole théâtrale, c'est-à-dire celle du texte qui a servi la représentation, et la parole des élèves eux-mêmes et leur enseignant dans toutes les interactions administrées par la pratique.

Ce sont ces deux types de parole qui nous intéresse dans notre analyse parce qu'elle interroge d'une manière ou d'une autre les effets que produit la pratique du théâtre sur l'acquisition langagière chez le lycéen. D'avance, nous savons que l'acquisition du langage ne peut se mesurer avec précision parce qu'elle change : elle est en fonction des réactions qui se produisent au cours de l'échange et aussi en relation avec le réseau relationnel de l'élève (parler avec l'enseignant n'est pas forcément comme parler à un autre qui vient de l'extérieur ; répondre à une question dans un cours normal diffère de l'acte de prise de parole sur scène). Malgré le nombre de question posée et qui doivent sûrement nous rendre difficile la mesure du degré d'acquisition de la langue, nous tenterons d'analyser les énoncés produits par les élèves. Le rôle de cette analyse est d'effectuer une simple vérification concernant le développement de la production langagière par la pratique théâtrale en insistant sur toutes les interactions verbales possibles du lycéen. Il s'agit de mettre le point sur ‘'la parole adressée'' qui se révèle être proche de la conversation quotidienne.

Cette parole adressée doit donc mettre en place l'acquisition de savoir-faire non seulement cognitifs, mais aussi affectifs et relationnels parce que plus l'élève s'adresse au autre, plus son imagination est nourrie, et plus il est capable de faire des choses avec ses amis et plus il sera varié et dramatique. Son corps devient souple et riche de différente réaction. Nous sommes maintenant convaincus que la plupart des séquences jouées par ces élèves prennent leur source au travers des secrets de jeu d'enfance. C'est pourquoi il nous semble important de nous intéresser à l'analyse de l'ensemble des relations établies pendant les activités de jeu dramatique. Et d'ailleurs, beaucoup d'élèves estiment que le jeu théâtral leur offre la possibilité d'exprimer une idée ou un sentiment et leur apprend aussi à utiliser de nouveaux modes d'expression.

Bibliographie

-L'enseignement du français, Nouvelles instruction officielles, 1976.

- Kerbrat-Orecchioni, (1995) les interactions verbales, Tome 1. Paris, Armand Colin : « collection linguistique».


-Carasso, j-G. (2005), Nos enfants ont-ils droit à l'art et à la culture ? Manifeste pour une politique de l'éducation artistique et culturelle. Toulouse : Edition de l'attribut.

1 L'enseignement du français, Nouvelles instruction officielles, 1976.

2 -Carasso, j-G. (2005), Nos enfants ont-ils droit à l'art et à la culture ? Manifeste pour une politique de l'éducation artistique et culturelle. Toulouse : Edition de l'attribut.


3Kerbrat-Orecchioni, (1995) les interactions verbales, Tome 1. Paris, Armand Colin : « collection linguistique», 318 p.




Pour citer cet article :
Auteur : jabrane Mohammed -   - Titre : Pratique théâtrale proposition didactique,
Url :[https://www.marocagreg.com/doss/monographies/article-pratique-theatrale-didactique-jabrane-mohammed.php]
publié : 2016-12-24

confidentialite