Le genre littéraire entre traduction et réécriture transgénérique : cas de Mohammed Saïd RAÏHANI, auteur, traducteur et nouvelliste marocain trilingue. Fait par Mohammed YACOUBI. INTRODUCTION. Dans une position communément admise, la traductologie s'intéresse fortement à la traduction allographe. Cependant, force est de constater que cet intérêt s'affaiblit considérablement quand il s'agit de l'autotraduction ou la traduction autographe. C'est un phénomène qui n'est pas inconnu, car les auteurs qui traduisent leurs propres uvres ne manquent pas. Le dramaturge anglais Samuel BECKETT, par exemple, nous rappelle ses textes auto-traduits dans une situation de bilinguisme, c'est-à-dire le passage du français à l'anglais. Dans ce cas, ce qui est « [ ] le plus important, c'est évidemment de voir [ ] la manière dont BECKETT utilise librement le langage en le « malmenant» [ ]1 ». Cette coutume traductionnelle, à savoir la traduction et l'autotraduction, se trouve investie par un autre phénomène provoqué par Mohammed Saïd RAÏHANI, auteur, nouvelliste et traducteur marocain trilingue. Pour des raisons scripturales scripturaires, il réécrit le texte théâtral titré En attendant Godot du dramaturge anglais en question. Il s'approprie littérairement ce texte qu'il réexprime en langue arabe pour produire un recueil de nouvelles. Par ses actions diverses, ce nouvelliste marocain amorce un tournant vers la pratique traductionnelle qui transgresse l'identité générique de l'uvre originale. De l'écriture dramaturgique à l'écriture nouvelliste, que d'écarts ressentis ! Dans une dernière étape, le nouvelliste-traducteur traduit son propre recueil en langue française. Ces modalités de transformation du singulier littéraire sont indices d'une réception bousculée par action intertextuelle. C'est dans cette pensée que nous allons voir comment ce nouvelliste pervertit l'écriture didascalique par l'écriture transgénérique pour aboutir à une création littéraire comme toile de fond d'une écriture nouvelliste propagandiste. De l'écriture didascalique à l'écriture nouvelliste. Pour Jean GENET, tout auteur écrit pour changer le monde. C'est dans cette optique que s'inscrit RAÏHANI, ce nouvelliste maghrébin pour qui écrire c'est aussi traduire. Comme tant d'écrivains, il aspire à un changement socio-littéraire rendu possible par un produit culturel transformationnel. Pour atteindre ce changement, des écrivains privilégient la forme littéraire alors que d'autres font la promotion du contenu. Quant à RAÏHANI, il se démarque totalement de ces deux pôles. A ce sujet, il dit : أما أنا فمنشغل للغاية بتوحيد الشكل والمضمون، والتعبير بالشكل السردي الأنسب للمضمون المحكي.2 Pour que ce changement aboutisse, le nouvelliste marocain affirme qu'il est nécessaire de s'enraciner dans son milieu culturel au lieu d'opérer par suivisme qui décline tout esprit critique. Pour libérer la création arabe, il faut théoriser, car la création est l'imaginaire de la nation. C'est par la théorie que la création littéraire se confirme, s'affirme et se libère. إن أزمة الإبداع العربي تبدأ بغياب نظرية أدبية عربية أصيلة.3 Inventer une théorie littéraire transformationnelle qui développe la conception d'un genre littéraire spécifique est possible. Elaborer un projet littéraire en étroite relation avec la production narrative soutenue par une écriture nouvelliste moderne est réalisable. Pour ce faire, RAÏHANI inaugure en 2006 un nouveau courant en littérature arabe moderne baptisé le néo-expérimental (المدرسة الحائية) qui tend à libérer fond et forme dans le domaine narratif. Ce projet puise ses fondements thématiques dans trois sujets rarement mis en texte par les écrivains arabes : la liberté, le rêve, l'amour. Ce projet concerne surtout la nouvelle de langue arabe, une nouvelle futuriste qui permet d'instaurer les spécificités du genre retenu pour en constituer un cadre référentiel nouvelliste arabe. De la méditation à la création littéraire, RAÏHANI opère par réécriture fragmentaire. Pour composer son premier recueil de nouvelles intitulé في انتظار الصباح (2003), il passe de l'écriture dramatique de langue française à l'écriture nouvelliste d'expression arabe. Pour ce faire, il choisit la pièce de langue française titrée En attendant Godot jugée représentative, un modèle littéraire qu'il transgresse au niveau générique à des fins littéraires personnelles. Il part de la traduction comme réécriture dans une perspective transgénérique. C'est par ricochets qu'il arrive au recueil composé. Le titre anglais est remodelé. Il garde son niveau formel mais le nom propre est gommé par le nouvelliste qui le remplace par un nom communالصباح. Le niveau sémantique est alors bousculé. La fidélité au texte original n'est pas de mise puisque l'auteur marocain transforme consciemment la pièce en question. Pour lui, l'exposition formelle de toute uvre est primordiale. Le paratexte a son impact sur le lecteur. Et s'intéresser à l'illustration de la première page de couverture et au titre ne peut que fournir une idée générale sur la production d'un auteur. C'est par ces éléments que RAÏHANI veut se démarquer de ses semblables, se singulariser. Il communique avec des titres dont la portée est de taille. Cette communication mime en quelque sorte le rapprochement des cultures, des pensées. Par cette interaction culturelle, ce nouvelliste établit des ponts entre des domaines différents. أعتقد أنني باختياري لعناوين مجاميعي القصصية أتحاور مع عناوين نصوص مغايرة وأعانق من خلالها الدوائر التي أعشقها . فكل عناوين مجاميعي القصصية تعود بشكل دائري إلى عنوان سابق في الببليوغرافيا الإبداعية الإنسانية وكأن لاجديد تحت الشمس. ويتعزز هذا الموقف مع التقنيات السردية المشغلة لذات الغرض داخل كل أعمال المجموعة: فالمجموعة القصصية في انتظار الصباحتحيل بشكل ظاهر على مسرحية في انتظار غودو. والمجموعة القادمة موسم الهجرة إلى أي مكان تحيل بشكل آلي على رواية موسم الهجرة إلى الشمال...4 Par contre, son recueil موت المؤلف paru en 2010 réfère à l'article devenu célèbre, « La mort de l'Auteur », écrit par Roland BARTHES en 1968. Le nouvelliste marocain franchit les limites de l'écriture formalisée par l'écriture transgénérique. Il fait perdre à la pièce de théâtre son statut générique sans toutefois altérer catégoriquement sa thématique. Ce phénomène est dévoilé par l'intertextualité explicite, par ce jeu de renvoie rendu possible par l'expressionفي انتظار qui équivaut à « En attendant ». Les deux genres concomitants ne se rappellent pas seulement par le titre. Ils sont activement associés par la thématique partagée par les deux auteurs. Dans في انتظار الصباح, les thèmes abordés par RAÏHANI sont5 الانتظار والفراغ والقلق الوجودي qui trouvent leur écho dans En attendant Godot. Par action intertextuelle, RAÏHANI cite explicitement des textes de renommée. Il les privilégie en s'attachant plus à l'esprit textuel de ces écritures qu'à leur forme. Il subvertit leur mémoire culturelle pour allier subtilement la variation et la singularisation littéraire. Ce renversement générique est motivé par des choix théoriques dictés par la promotion de la naissance d'un courant littéraire national, à savoir le néo-expérimental. Appréhendée dans sa globalité, la pièce de BECKETT devient un prétexte littéraire qui orientera le lecteur de في انتظار الصباح. L'écriture dramaturgique devient la scène où se déroule la représentation de l'écriture nouvelliste raïhanienne. Ce jeu de déguisement textuel offre au recueil en question son originalité qui s'insère dans une pratique scripturale moderne qui ouvre la voie à la création littéraire et libère les frontières des genres établis. A l'image de BECKETT, le nouvelliste marocain de langue arabe maîtrise et l'anglais et le français. En optant pour la pièce en question, il adopte le parcourt de cet auteur irlandais rénovateur de la forme dans les pratiques romanesques et dramaturgiques. Ainsi atteint-il l'universalité et le prix Nobel de littérature en 1969 [ ] for his writing, which in new forms for the novel and drama in the destitution of modern man acquires its elevation 6 . RAÏHANI cherche l'élévation, les rayons de la célébrité. Par cette stratégie, il acquiert le statut de Prométhée, le voleur de feu. Il ressemble à ce dramaturge irlandais, inventeur d'une nouvelle écriture théâtrale qui privilégie la notion de l'attente. RAÏHANI est aussi créateur d'une nouvelle écriture nouvelliste fondée sur le recueil comme esthétique soutenue par une dominante thématique savamment travaillée. Certes, il se ressource dans un cadre purement occidental, mais cela ne va pas à l'encontre de ses principes puisqu'il marque une dérive générique par le biais de la création littéraire. Mais son projet sera-t-il mené à terme ? La mise en uvre du projet raïhanien est effective puisqu'un grand nombre de nouvellistes marocains y prennent part. Cinquante nouvellistes marocains sont choisis pour permettre l'élaboration de trois anthologies significatives : l'anthologie du rêve, l'anthologie de l'amour, l'anthologie de la liberté. Pour RAÏHANI, ces trois thèmes constituent en fait les nouveaux tabous par rapports aux tabous classiques (la religion, le sexe, la politique) tant ressassés par les écrivains maghrébins. Ce projet tryptique est regroupé dans une seule anthologie titrée الحاءات الثلاث: أنطولوجيا القصة المغربية الجديدة. Ce projet littéraire dans son volet nouvelliste est avant tout national, c'est-à-dire un projet qui s'oriente vers l'espace marocain où la langue arabe tient une place considérable. Puis, le même projet s'étendra aux pays du Maghreb, à savoir l'Algérie et la Tunisie qui utilisent le même système linguistique que le Maroc. Enfin, ledit projet pourra s'étaler sur une dimension géographique plus large qui est le monde arabe. RAÏHANI inscrit sa création littéraire dans la filiation des genres, mais il rénove par la réécriture transgénérique qui lui offre la possibilité de convertir par exemple l'écriture scénique pour composer ses recueils de nouvelles en langue arabe. Ses nouvelles puisent leur essence littéraire dans des textes antérieurs qui ont fortement marqué l'arène des Belles Lettres. Faire comme l'autre et rester soi-même est la devise de cet écrivain marocain. Pour assurer la continuité de son projet nouvelliste et faire sa promotion, l'auteur marocain opère une deuxième opération : traduire en français son propre recueil في انتظار الصباح. II- L'autotraduction ou la traduction propagandiste. Pour que cette nouvelle futuriste se réalise effectivement, le nouvelliste marocain se fie à la traduction qui assure la continuité, la survie de toute création littéraire. Pour lui, [...]الترجمة توصل العمل إلى اللغات الحية لتحيا بها وفيها. إنها عملية إنقاذ ثقافي. وهذه مسؤولية كل المثقفين حسب تخصصهم واهتمامهم. فمن غير المقبول أن يقدم مثقف في القرن الواحد والعشرين نفسه كناطق بلغة واحدة ويتراجع للخلف عازفا عن المساهمة في إنقاذ الأعمال الأدبية التي يراها مهددة بالزوال والفناء [...]7 C'est par les langues vivantes que toute écriture pourrait maintenir sa marche, cette marche interminable. Conscient de la fonction de la traduction, RAÏHANI traduit en anglais ces cinquante nouvellistes marocains qui ont activement participé à la réalisation des anthologies en question. Cette traduction vise essentiellement la sauvegarde du fond littéraire raïhanien qui risque d'être altéré s'il reste inscrit seulement en langue arabe. Il semble fuir cette langue maternelle pour chercher un autre refuge linguistique où s'épanouira son écriture nouvelliste. De في انتظار الصباح à En attendant le lever du jour, le projet raïhanien s'inscrit dans le champ des transferts culturels à caractère universaliste. C'est par son engagement littéraire que la traduction de l'auteur marocain acquiert le statut de traduction de la propagande littéraire. A ce sujet, il dit : سنعتمد على كل الفاعلات والفاعلين في كل البلاد العربية لإغناء النقاش وإذكائه والترويج للمشروع والتعريف به...8 RAÏHANI connaît parfaitement son uvre, c'est-à-dire son projet, c'est pourquoi il assure lui-même sa propre diffusion dans une autre langue. Par le dédoublement de son uvre, l'une en arabe et l'autre en français, il obtient deux uvres originales. Puisqu'il maîtrise la langue française, il aurait pu écrire le recueil en question en cette langue, puis se traduire en arabe. En suivant cette démarche, il aurait nuit à l'essence-même de son projet littéraire. Il est conscient qu'une conception littéraire en cette langue minorée qu'est l'arabe ne pourrait accéder à l'universalité qu'en respectant la hiérarchie des systèmes linguistiques, tenants de la création, de la génération et de l'engendrement littéraire. Dans les conditions actuelles, le monde arabe est peu créatif. Il ne cesse de consommer des produits artistiques ou littéraires élaborés à l'étranger. Pour, RAÏHANI, il s'agit d'un état d'urgence, d'une carence en innovateurs arabes. C'est pourquoi la langue arabe en tant qu'outil de création et de conceptualisation doit avant tout s'imposer localement, au Maroc, puis au Maghreb et au monde arabe rien que pour prouver son rendement. Ainsi élargie, la théorie raïhanienne va crescendo pour faire son entrée finale et triomphale dans l'espace universel. Pour ce faire, le choix d'un autre système linguistique garant de cette entrée est de rigueur. Le nouvelliste marocain opte pour le français et l'anglais. Mais dans ce bain linguistique, la langue arabe ne risque-t-elle pas d'être un subterfuge ? En traduisant en 2008 son premier recueil de nouvelles de l'arabe en français, il refuse d'ancrer son écriture nouvelliste dans le concept de l'absurde puisqu'il déclare haut et fort que les textes de son recueil « [ ] tournent autour de l'axe thématique de l'attente, du vide et de l'angoisse existentiels. 8» Il ne fait aucune référence à cette étiquette collée par certains critiques au dramaturge irlandais. Il se distancie même de la notion de l'absurde à laquelle il est souvent associé. « [ ] je n'ai jamais été d'accord avec cette notion de théâtre de l'absurde. Car là, il y a jugement de valeur.9 » C'est par l'idée du refus que ce nouvelliste rejoint les principes mêmes de BECKETT dont le refus constitue une particularité notoire. N'a-t-il pas refusé d'aller chercher en 1969 le prix Nobel de littérature ? Ce sentiment du désaccord est ressenti chez RAÏHANI qui refuse d'écrire comme les autres. لكنني اعترف أنني أكتب بشكل مختلف تماما. وربما كتبت بشكل معكوس يبدأ من الكل ويتدرج نحو الجزء.10 Il opte pour une écriture nouvelliste où le recueil devient une esthétique centrée sur un thème qui s'étale à toutes les nouvelles. Il refuse l'écriture nouvelliste fondée sur le paragraphe ou la « cellule mère11 » comme il refuse l'écriture qui privilégie les nouvelles séparées, autonomes. Ce procédé est commun chez nombre de nouvellistes qui, avec l'avancée de l'âge, regroupent leurs nouvelles dans un recueil. Mais le nouvelliste marocain part du général pour arriver au particulier. Autrement dit, il refuse d'intégrer le suivisme gratuit. Il se forge une stratégie nouvelliste qui dévoile son talent de créateur littéraire. Il adopte une écriture nouvelliste à rebours par rapport aux traditions nouvellistes attestées : il commence par la conception du recueil en choisissant d'abord un thème qui l'aidera à élaborer le titre du recueil, puis vient la composition des nouvelles. Pour justifier son choix, il dit : « [ ] il est fort probable que j'inverse même la logique pour aller du Tout à la partie. Pour cette raison, j'insiste sur l'écriture par recueil, une écriture à thème, qui ne résulte pas de textes autonomes et séparés. Il se peut que cette approche et cette technique dans l'écriture nouvelliste auxquelles je tiens aient été empruntées à mon amour pour la musique, car depuis mon enfance j'ai été amoureux du célèbre groupe de musique Pink Floyd. En les écoutant, j'ai toujours réalisé que les chansons étaient presque les mêmes comme elles étaient aussi différentes les unes des autres, elles changent et restent identiques à la fois12. » En adoptant cette technique, le nouvelliste en question procède par le work in progress qui lui a permis d'écrire neuf recueils de nouvelles et trois recueils de nouvelles courtes. Par cette dérive générique qu'il a entamée, ce nouvelliste se sert d'un cadre didascalique pour une très bonne représentation de son projet qui le prédestine à rencontrer d'autres voix nouvellistes occidentales. Dialoguer avec l'autre est rendu possible par la traduction. Jean-Pierre BOUCHER est l'une de ses voix. Il dit par exemple « Elaborer un modèle théorique de la nouvelle m'apparaît du reste hasardeux, aucune nouvelle ou recueil particuliers ne pouvant, à mon sens, prétendre au statut d'uvre exemplaire.13» Mais que dira-t-il à propos de l'écriture nouvelliste à thème de RAÏHANI ? En attendant le lever du jour devient donc un texte constitué de trois couches textuelles. La première est dramatique. Elle sert de fonds d'emprunts littéraires où l'auteur marocain puise ses ingrédients pour composer la deuxième couche textuelle, à savoir l'écriture nouvelliste de langue arabe. La troisième couche, de langue française, fait appelle à la première couche qui met au centre de la représentation l'écriture nouvelliste raïhanienne puisque c'est le souci majeur de ce traducteur. حاليا، أفكر في التفرغ للترويج لهذه التجربة ولتعميمها إن بين الكتاب المتمرسين أو بين ناشئة الكتابة القصصية ما دمت متحمسا لكي تصبح هذه الطريقة في الكتابة القصصية خاصية تميز القصة العربية القصيرة عن مثيلاتها في باقي مناطق العالم لكونها تردم الهوة بين الرواية و القصة القصيرة.14 Le recueil en question devient alors un texte à lire et un texte à représenter. L'expression « le lever du jour » ne rime-t-elle pas avec le lever du rideau ? Le recueil rejoint donc la pièce par la théâtralité comme effet de lecture. Ce phénomène est perceptible dans la nouvelle éponyme, « En attendant le lever du jour ». Il se traduit par un transfert de signes qui dévoilent le texte original. En plus de l'écriture transgénérique, de la traduction et de l'autotraduction, RAÏHANI ancre son écriture nouvelliste dans la problématique de l'hybridation des genres. Ce discours littéraire hybride qui marie écriture dramatique et écriture nouvelliste insère l'auteur marocain dans le discours artistique moderne auquel il se rattache. Des expressions comme « le lever du », « la lumière », « jeu », « cérémonie », « un scénario », « spectacle », « je suivais le spectacle » attestent de la présence du scénique dans l'écriture nouvelliste, car le souci de l'auteur marocain et de faire voir son projet, de le faire connaître. Et c'est au théâtre qu'incombe ce rôle de la représentation nouvelliste qui devient l'écriture du spectacle. La chute de la nouvelle « En attendant le lever du jour » accentue fortement cette vision : « De là-haut, perché sur l'arbre, je suivais le spectacle en direct : Des bêtes sauvages dévorant un ami à bout de souffle. 15» Faire la promotion littéraire mène le nouvelliste marocain à miser sur la traduction qui abolit les frontières et permet la rencontre des cultures qui forgent ensemble les universaux culturels. Ainsi le régionalisme littéraire est-il banni. [...] الترجمة تساهم في تقارب الثقافات وحوارها وتواصلها كما تساهم في دحر التفكير الإقليمي والعرقي المشبع بالتفوق على الآخرين [...] فالترجمة، خاصة ترجمة الآداب ، بإمكانها أن تجعل من كل الآداب و اللغات روافد للأدب واللغة الإنسانيتين تماما كما تجاهد اللسانيات، على الجبهة الأخرى، في سبيل توحيد القواعد اللسانية للغات الإنسانية...16 CONCLUSION La traduction et l'autotraduction chez RAÏHANI est une contribution à la vie littéraire. Le principe qui fond la généralisation de son projet littéraire est la conjugaison de trois langues, autrement dit le trilinguisme. Avide de faire connaître son projet, il s'enrôle dans l'écriture à thème en faisant appel à la pratique traductionnelle. Il devient animateur de la vie littéraire puisqu'il est le chef d'un cercle avec qui il assure la mise en texte dudit projet. Par ricochets, il permet aux autres de redécouvrir leur fonds littéraire didascalique mais investi de nouvelles idées. L'auteur marocain embrasse la littérature générale en usant de la traduction-cascade, c'est-à-dire il part d'une langue minorée, à savoir l'arabe, passe en une langue dont la portée est plus large, ici le français, mais insuffisante pour la propagande de son projet. C'est pourquoi il fait appel à la langue anglaise pour une promotion plus généralisée. Cette confrontation plurilingue promeut un seul projet à l'échelle international. C'est pourquoi l'acte de traduire devient dans le cas de RAÏHANI une pratique traductionnelle propagandiste. Le nouvelliste-traducteur-autotraducteur pervertit et convertit un symbole littéraire original pour opérer un renversement situationnel. Il renvoie le même titre didascalique sous son aspect langagier original. Il pervertit le titre français qu'il traduit en arabe. En le retraduisant en français, le même titre devient porteur d'une autre charge sémantique. Par ce renversement permis par la traduction, le nouvelliste marocain entame un procédé correctif au titre de BECKETT. Dévider le titre original de sa signification première et rétablir ce même titre par la traduction déroute le lecteur par action intertextuelle. L'expression « En attendant » renvoie automatiquement au texte original français du dramaturge irlandais et au recueil traduit de l'arabe en français par RAÏHANI. Cette formule semble informer sur la présence de deux textes qui appartiennent à la même forme littéraire, mais à leur lecture, c'est une autre aventure dans la problématique des genres où RAÏHANI promeut l'art subtil de la nouvelle moderne. Et c'est ce qui lui octroie la possibilité d'une spécificité attestée. C'est un travail d'invention, de création car le nouvelliste marocain de langue arabe se métamorphose en nouvelliste marocain de langue française et en diffuseurs d'idées en anglais. Mohammed YACOUBI Bibliographie. BOUCHER, Jean-Pierre, Le recueil de nouvelles. Etudes sur un genre littéraire dit mineur, La Corporation des Editions Fides, Bibliothèque nationale du Québec, 1992. HOUPPERMANS, Sjef, Samuel BECKETT, Editions Rodopi B.V., Amsterdam, 1996. OUSTINOFF, Michaël, Bilinguisme d'écriture et auto-traduction. Julien Green, Samuel Beckett, Vladimir Nabokov, L'Harmattan, 2001. Sitographie. RAÏHANI, Mohammed Saïd, La mort de l'auteur, une traduction de Mohammed EL KOBBI, p. 2, in raihani.free.fr/ebooks/La_mort_de_l'auteur.pdf . RAÏHANI, Mohammed Saïd, En attendant le lever du jour, nouvelles écrites en arabe par Mohammed Saïd RAIHANI et traduites en français par l'Auteur en 2008, in www.khayma.com/culture space/.../en_attendant_le_lever_du_jour.p...
Samuel BECKETT, in The Nobel Prize in Literature 1969. Nobelprize.org. 26 Feb 2012, http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/literature/laureates/1969/. الريحاني، محمد سعيد، موت المؤلف- مجموعة قصصية- طوب بريس، الرباط، 2010. الريحاني، محمد سعيد- الحاءات الثلاث، مختارات من القصة المغربية الجديدة، الحاء الثالثة : أنطولوجيا الحرية- طوب بريس، الرباط - فبراير 2009. 1- Michaël OUSTINOFF, Bilinguisme d'écriture et auto-traduction. Julien Green, Samuel Beckett, Vladimir Nabokov, L'Harmattan, 2001, p. 9. 2- الريحاني، محمد سعيد- الحاءات الثلاث، مختارات من القصة المغربية الجديدة، الحاء الثالثة : أنطولوجيا الحرية- طوب بريس، الرباط - فبراير 2009- ص 4. 3- نفسه. 4- الريحاني، محمد سعيد، موت المؤلف- مجموعة قصصية- طوب بريس، الرباط، 2010، ص60. 5- الريحاني، محمد سعيد- الحاءات الثلاث، مختارات من القصة المغربية الجديدة، الحاء الثالثة : أنطولوجيا الحرية- طوب بريس، الرباط - فبراير 2009- ص 8. 6- Samuel BECKETT, in The Nobel Prize in Literature 1969. Nobelprize.org. 26 Feb 2012, http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/literature/laureates/1969/, consulté le 26-02-2012, à 15h26. 7- الريحاني، محمد سعيد، الحاءات الثلاث، مختارات من القصة المغربية الجديدة، الحاء الثالثة : أنطولوجيا الحرية، طوب بريس، الرباط، فبراير 2009، ص 5-6. 8- الريحاني، محمد سعيد، الحاءات الثلاث، مختارات من القصة المغربية الجديدة، الحاء الثالثة : أنطولوجيا الحرية، طوب بريس، الرباط، فبراير 2009، ص 7. 9- Sjef HOUPPERMANS, Samuel BECKETT, Editions Rodopi B.V., Amsterdam, 1996, p. 125. 10- الريحاني، محمد سعيد، موت المؤلف- مجموعة قصصية- طوب بريس، الرباط، 2010،ص 5. 11- Mohammed Saïd RAÏHANI, La mort de l'auteur, une traduction de Mohammed EL KOBBI, p. 2, in raihani.free.fr/ebooks/La_mort_de_l'auteur.pdf consulté le 28-2-2012, à 20h23 mn. 12- Mohammed Saïd RAÏHANI, op. cit. 13- Jean-Pierre BOUCHER, Le recueil de nouvelles. Etudes sur un genre littéraire dit mineur, La Corporation des Editions Fides, Bibliothèque nationale du Québec, 1992, p.7. 14- الريحاني، محمد سعيد، موت المؤلف- ص 8. 15- Mohammed Saïd RAÏHANI, En attendant le lever du jour, nouvelles écrites en arabe par Mohammed Saïd RAIHANI et traduites en français par l'Auteur en 2008, in www.khayma.com/culture space/.../en_attendant_le_lever_du_jour.p..., consulté le 29-2-2012, à 15h41mn. 16- الريحاني، محمد سعيد، موت المؤلف- ص5.
Auteur : YACOUBI Mohammed - - Titre : Le genre littéraire entre traduction et réécriture transgénérique cas de Mohammed Saïd RAÏHANI, Url :[https://www.marocagreg.com/doss/monographies/article-genre-litteraire-traduction-awrc-yacoubi-mohammed.php] publié : 0000-00-00 |