mghari belkacem

professeur de l'enseignement secondaire qualifiant

nador

plan de l'exposé


introduction

parmi les caractéristiques de la linguistique saussurienne, on peut citer:

_ c'est une linguistique du code.

_l'unité supérieure d'analyse est la phrase.

_le signifiant lexical véhicule un seul signifié.

_le problème de la parole est envisagé dans le cadre du schéma da jakobson qui stipule que la communication est un tête à tête idéal entre deux individus qui possèdent le même code.

_le postulat de l'immanence qui prévoit l'étude de la langue en elle-même et pour elle-même, en évacuant radicalement l'extralinguistique.

face à ces cinq certitudes, catherine kerbrat-orecchioni avance cinq remises en questions:

-contrairement à l'acception saussurienne ou chomskyenne qui prévoit le code comme étant unique et monolithique, on peut dire que la langue est une mosaïque de dialectes.

_existence des lois d'organisation structurale de l'énoncé conçu provisoirement comme un ensemble de phrases reliées par certains principes. de ce fait, le texte n'est plus une juxtaposition aléatoire de phrases mais il existe des règles de combinatoire transphrastique.

_les modalités d'émergence du sens sont infiniment plus complexes surtout après l'émergence du concept de connotation.

_critique du schéma de la communication. en effet, parler ce n'est pas seulement échanger librement des informations mais aussi agir sur autrui.

_possibilité et nécessité de réintégrer l'extralinguistique, l'exemple des déictiques montre qu'il est dans certains cas impossible de décrire adéquatement les comportements verbaux sans tenir compte de leur environnement non verbal.

selon ces remarques, on peut dire que les deux gestes fondateurs de la linguistique moderne à savoir celle de saussure qui accorde plus d'intérêt au mot et celle de chomsky qui l'étend et la restreint à l'unité phrase ne sont plus en mesure de couvrir l'ensemble des phénomènes linguistiques et qu'une nouvelle réflexion portant sur l'énonciation commence à s'émerger.


i- définitions:

selon benveniste: l'énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d'utilisation.

pour anscombre et ducrot: l'énonciation sera pour nous l'activité langagière exercée par celui qui parle au moment où il parle.

d'après mangueneau: l'énonciation est l'acte individuel d'utilisation de la langue.

greimas et courtes définissent l'énonciation de deux manières; soit comme une structure linguistique (référentielle) sous tendue à la communication linguistique, on parle dans ce cas de situation de communication, de contexte psychologique de la production des énoncés, qu'une telle situation permet d'actualiser. soit comme une instance linguistique logiquement présupposée par l'existence même de l'énoncé. dans ce cas, l'énoncé étant considéré comme le résultat atteint par l'énonciation, celle-ci apparaîtra comme l'instance de médiation qui assure la mise en énoncé- discours des virtualités de la langue.

la mise en place du couple énoncé/ énonciation suppose acquise une autre distinction entre énoncé-type et énoncé-occurrence: soit l'énoncé«les mammifères allaitent leurs petits»; le fait de dire cet énoncé, son énonciation, constitue un événement situé dans le temps et dans l'espace, événement qui produit pourtant un énoncé dont le contenu apparaît stable au delà de la multiplicité des événements énonciatifs qui le rendent possible. les linguistes sont alors amenés à poser que l'on peut considérer le même énoncé tantôt comme occurrence tantôt comme type: l'énoncé« les mammifères allaitent leurs petits» selon qu'il est émis par telles personnes en telles situations correspond à autant d'occurrences distinctes, mais au-delà de toutes ces occurrences, on considéra qu'il s'agit du même «énoncé» du même type. dans ce dernier cas, il est envisagé indépendamment des diverses énonciations qui peuvent le prendre en charge.


ii- les embrayeurs:

pour jakobson« la signification générale d'un embrayeur ne peut être définie en dehors d'une référence au message», cela veut dire que ces morphèmes ne peuvent être interprétés que si on les rapporte à l'acte d'énonciation unique qui a produit l'énoncé à l'intérieur duquel ils se trouvent. dans l'exemple suivant « paul est ici», on ne peut savoir à quel endroit réfère ici, si on fait abstraction de l'identité de son énonciateur et de la position spatiale de ce dernier lors de son énonciation. l'adverbe ici possède bien une signification linguistique générale et stable, il constitue bien une unité du code de la langue mais pour connaître son référent, on est obligé de rapporter à l'acte d'énonciation individuel qui le supporte, puisque dans un autre énoncé occurrence, il pourra renvoyer à tout autre lieu. on ne peut donc étudier ce type des signes indépendamment de leur emploi effectif.

pour greimas et courtes; l'embrayage désigne l'effet de retour à l'énonciation produit par la suspension de l'opposition entre certains terme des catégories de la personne de l'espace ou du temps.

les types des embrayeurs couvriront essentiellement les personnes, les localisations spatiotemporelles qui en dépendent.


iii- quelques domaines relevant de la théorie de l'énonciation:

les phénomènes linguistiques pris en charge par les théories de l'énonciation sont loin de se limiter aux embrayeurs:

_dans l'exemple«franchement, marie est malade», l'adverbe franchement dépend d'une proposition implicite je te dis que…. qui réfère à l'acte d'énonciation lui-même.

_ la phrase simple«charlotte cueille des fleurs» aura à l'oral un sens différent selon que le locuteur insiste sur charlotte, cueille ou des fleurs.

_toute énoncé, outre le contenu qu'il véhicule, accomplit un certain type d'acte de langage à l'égard de son allocutaire par le seul fait de leur énonciation.

_souvent l'énonciateur a l'intention de communiquer autre chose que ce que son énoncé signifie dans sa littéralité, mais son objectif est d'amener son allocutaire à l'interprétation correcte, au-delà du sens littéral. c'est là le problème des sous entendus ou du phénomène de l'ironie. donc il faudra théoriser les mécanismes, les lois de discours par lesquels l'allocutaire est guidé vers le contenu sous- entendu.

notre travail n'aura pas la tâche d'explorer l'ensemble de ces domaines, toutefois on va développer les problèmes des personnes et des déictiques.

iv- les personnes:

mettre sur le même plan je, tu et il risque de masquer la ligne de partage fondamentale qui sépare le couple je-tu de ce que benveniste appelle la non- personne qui est il. en effet, on ne peut interpréter un énoncé contenant je et/ou tu qu'en prenant en compte l'acte individuel d'énonciation qui les supporte: est je celui qui dit je dans un énoncé déterminé, est tu celui à qui ce je dit tu. on ne peut donc connaître le référent de je et tu indépendamment des emplois qui en sont faits, des actes d'énonciation individuels.

la même chose se dit pour nous et vous qui ne sont pas le pluriel de je et tu comme pour cheval/chevaux.

nous= je je/ je tu/ je il.

vous= tu tu/ tu il.

les embrayeurs liés à la catégorie de la personne ne se limitent pas aux deux seuls couples je-tu et nous-vous, il existe une dépendance évidente entre ces personnes et certains adjectifs et pronoms possessifs.

mon= le n de moi.

le mien= le n de moi.

face à ces deux personnes, on rencontre une autre catégorie dite de non personnes qui correspond aux groupes nominaux et à leurs substituts pronominaux; ce sont donc tous les objets dont parle je et tu.

v- les déictiques:

a coté des personnes, il existe d'autres embrayeurs, les déictiques, dont la fonction est d'inscrire les énoncés- occurrences dans l'espace et le temps par rapport au point de repère que constitue l'énonciateur. or, la triade moi-ici-maintenant est indissociable, clé de voûte de toute l'activité discursive.

1- les déictiques spatiaux:

le point de repère des déictiques spatiaux est la position qu'occupe le corps de l'énonciateur lors de son acte d'énonciation. on distingue plusieurs types:

les démonstratifs:

ils sont de deux classes:

les déterminants (ce, ci, là) et les pronoms, (ça, ceci, cela, celui-ci). ces morphèmes ont la particularité de fonctionner à la fois comme déictiques que éléments anaphoriques.

les présentatifs:

voici, voilà, eux aussi, peuvent signaler à l'allocutaire l'apparition de référent nouveau comme ils peuvent jouer le rôle d'élément anaphorique.

les éléments adverbiaux:

il s'agit d'un ensemble d'adverbes et de locutions adverbiales répartis en divers micro systèmes sémantiques:

ici/là/là-bas.

près/loin.

en haut/ en bas.

a gauche/ à droite.

si on ignore la position du corps de l'énonciateur qui les a émis, ces termes restent opaques.


2- les déictiques temporels:

le point de repère des indications temporelles est le moment où l'énonciateur parle et qui définit le présent linguistique. dans l'exemple« aujourd'hui, je me sent mieux» le morphème aujourd'hui n'est pas interprétable si on ignore à quel moment cet énoncé-occurrence a été produit. toutefois, toutes les indications temporelles ne sont pas directement repérés par rapport au moment de l'énonciation (me); dans l'exemple«le lendemain de la fête, paul s'est promené avec sophie», on se rend compte que le lendemain est situé dans le temps grâce au point de repère que constitue le syntagme la fête et non par rapport au me, donc, quand on aborde le problème des indications temporelles, il faut distinguer nettement deux séries: les déictiques tels hier, demain qui sont fixés grâce aux me, et celle des éléments non-déictiques fixés à l'aide de repères présents dans l'énoncé.

la visée temporelle:

déterminer une distinction entre élément déictique et non-déictique ne suffit pas si l'on veut faire une analyse opératoire. il faut, en effet, tenir compte aussi de la visée temporelle, c'est-à-dire le point de vue selon lequel le temps est considéré: on peut l'envisager comme une répétition, un point ou une durée.

la visée ponctuelle:


r= me

r# me

présent

maintenant
en ce moment, à cette heure

coïncide avec le repère

alors
ce jour là

a ce moment là

passé

hier/avant/autrefois
le lundi dernier

antériorité au repère

la veille
deux jours avant

le jour d'avant

futur

demain
le jour prochain

postériorité au repère

le lendemain

trois jours après
le jour d'après

passé/futur
passé/présent/futur

aujourd'hui, tout à l'heure
ce matin, ce midi, lundi


la visée durative:


attitude rétrospective

attitude prospective

r=me

r# me

r=me

r# me

_durée fermée: il y a, ça fais, voilà.

_durée ouverte: depuis.

r antérieur: il y avait un mois qu'il neigeait.

r postérieur: il y aura un mois qu'il sera parti.

_il partira dans deux jours.

_dans les trois jours qui viennent.

trois jours plus tard.

_il partira dans les trois jours.



conclusion:

pour clore ce travail, on peut dire que ces remarques ne visent qu'à donner une idée des possibilités qu'offre une telle problématique. derrière ces faits ponctuels on doit faire une réorientation de certaines branches de la linguistique. plutôt que de se fonder sur une mythique «homogénéité» d'un corpus censé représenter «la» langue, comme le faisaient les structuralistes, les théories de l'énonciation amènent à différencier systématiquement les pratiques discursives.

bibliographie:

benveniste, e, problème de linguistique générale, t2, gallimard, 1974.

greimas, a, j, courtes, j, sémiotique: dictionnaire raisonné de la théorie du langage, hachette, 1986.

Mangueneau, D, approche de l'énonciation en linguistique française, hachette, 1981.

kerbrat- orecchioni, c, l'énonciation: de la subjectivité dans le langage, armand colin, 1980.



Pour citer cet article :
Auteur : ghari kacem -   - Titre : Lénonciation,
Url :[https://www.marocagreg.com/doss/monographies/article-enonciation-e5ce-ghari-kacem.php]
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