Brahim Boumeshouli, (CPGE- Salé)

Dissertation :

Rappel du sujet : Dans ses Journaux intimes (III), Charles Baudelaire se confie : « Et l'homme et la femme savent de nature que dans le mal se trouve toute volupté.» Vous apprécierez ce propos à la lumière de votre lecture personnelle des œuvres au programme.


(Introduction) :1

(Exergue) Le penchant humain vers le mal est un constat, dont l'évidence n'a pas manqué d'étonner les philosophes. C'est ainsi que Kant, dans La religion dans les limites de la raison, ne sait pas à quel saint se vouer, lorsqu'il note amèrement : « qu'un penchant pervers de ce genre doive être enraciné dans l'homme, c'est là un fait dont nous pouvons nous épargner de donner une preuve formelle. » (Citation) Charles Baudelaire semble, lui-aussi, convaincu de l'existence de ce mal radical, quand il se confie, dans un ton religieux plus prononcé, dans ses Journaux intimes (III) : « Et l'homme et la femme savent de nature que dans le mal se trouve toute volupté.» (Analyse de la citation) Lier la volupté au mal, tout en spécifiant les sujets: « et l'homme et la femme », renvoie ouvertement à l'épisode biblique, où Adam et Éve n'ont pas pu résister à la tentation. L'usage de la polysyndète (et…et..), ainsi que l'expression « de nature » inscrivent la tension vers le mal, dans la l'inévitable. Par ailleurs, le recours à la quantité totale « toute », fait du mal la seule source de la volupté, excluant toute autre possibilité de jouissance. Cependant, l'expression «de nature », si elle assimile la conscience humaine, touchant le mal et la volupté, à un savoir instinctif, elle suggère également qu'un tel savoir ne prend que dans un état précis, celui justement de la nature, non de la culture ou encore la civilisation. (Problématique) Si l'on concède volontiers que le mal est la source de la volupté, n'est-il pas également, eu égard au progrès culturel, une source de conscience malheureuse ? (Annonce du corpus et du plan) En nous référant à Macbeth de Shakespeare, Profession de foi du vicaire savoyard de Rousseau et Les Âmes fortes de Jean Giono, nous analyserons d'abord le mal comme source de volupté, avant de le considérer comme source de malheurs, ce qui nous permettra enfin d'aborder la nécessité d'y résister.

(Phrase introductive de la 1ère partie)

Si le mal est perçu comme source de volupté, c'est que sa possibilité octroie un sentiment de plaisir, et promet d'accéder à l'état du bonheur.

(1ère partie)

(1ère sous-partie de la 1ère partie)

(L'idée) La tentation du mal est d'autant plus puissante, qu'elle engendre une sensation de plaisir. (Argument) En atteste le réflexe, commenté d'ailleurs par Bergson, dans Le Rire, et qui consiste à rire méchamment d'un être humain qui tombe subitement. (Exemples puisés dans les œuvres au programme2+ l'analyse des exemples) Jean Jacques Rousseau, analysant le comportement du « méchant », rend compte de ce penchant : « sans la satire amère, sans la raillerie insultante, il serait toujours triste ; le ris moqueur est son seul plaisir ». Si le « méchant » chez Rousseau ne trouve le plaisir que dans la méchanceté, Thérèse, dans Les âmes fortes, accorde au plaisir le privilège de succéder à la réussite : « Si elle a fait quelque détour (…) c'était pour mieux réussir. D'abord. Et ensuite pour faire durer le plaisir». Chez Shakespeare, Macbeth perpètre le régicide pour avoir « le cercle d'or », mais cynique et déterminé, après les premières hésitations, il exprime ouvertement l'idée de ne tuer que pour le plaisir. S'adressant au meurtriers qu'il a recrutés pour liquider Banquo, il le dit ouvertement: « Et bien que je puisse à visage découvert le balayer hors / de ma vue, exerçant là mon bon plaisir…» Il est donc clair que l'un des ressorts du mal est bien le plaisir, qui octroie un sentiment de supériorité sur les autres, frôlant même la démesure.

(Les autres sous-parties : même principe, avec une latitude d'usage bien sûr3)

Par ailleurs, le mal crée chez l'homme l'illusion de pouvoir accéder au bonheur facilement, en empruntant la voie la plus courte. Telle est la raison qui fait de la criminalité le principal défi qu'affrontent les nations vainement depuis toujours. Lady Macbeth considère que la seule condition pour l'aisance, liée évidemment à la réussite, est de s'adonner au mal. « Psychanalysant », dans le fameux monologue, son époux, elle perce les limites de son agir: « Mais je crains ta nature, trop pleine du lait de la tendresse humaine (…) tu voudrais être grand (…) mais sans que t'aide le mal». Firman, dans Les âmes fortes, utilise le spectacle lamentable de Thérèse pour forcer la générosité des Numance, et plaçant son bonheur dans le cadre de l'argent des autres, il organise leur ruine, avec la complicité de l'usurier Reveillard, venu de Lus. Le vicaire rousseauiste souligne que la méchanceté est engendrée par le fait de se livrer passivent au principe de « l'empire des sens » et non à celui de « l'amour de la justice ». Le triomphe du premier donne lieu à l'asservissement des « passions ». Le mal se présente ainsi comme la voie privilégiée à la vie heureuse.

(Transition)

(Rappel de la 1ère partie et annonce de la 2ème partie)

(Rappel de la 1ère partie) Le mal fascine, car il est perçu comme la source de volupté, se traduisant par le sentiment de plaisir, quand elle n'engendre pas l'illusion du bonheur. (Annonce de la 2ème partie) Cependant, ne pouvant jamais répudier complètement sa conscience, issue d'un long processus de civilisation, l'homme ne tarde pas à souffrir du mal, qu'il a commis. Le mal devient ainsi une source de malheur, se manifestant d'abord par la perversion, avant de prendre une forme plus prononcée, à savoir la culpabilité.

(2ème partie : même principe)

Se livrer au mal est le résultat d'un processus de déchéance morale, où le meilleur de soi se pervertit, puisqu'il est presque inconcevable de s'adonner au crime, ou toute autre forme d'agressivité, sans la perte totale ou partielle des qualités propres à l'excellence morale. Lady Macbeth, sait parfaitement que Macbeth est inapte au mal, car sa « nature trop pleine elle est du lait de la tendresse humaine (…) tu voudrais être grand, et tu n'es pas sans ambition- mais sans que t'aide le mal ». C'est justement cette « nature » qui nourrit l'hésitation chez Macbeth, ce qui nécessite une initiation adéquate à même d'annuler tout penchant vertueux : « viens ici, que je puisse verser mes esprits dans ton oreille, et par la force de ma langue chasser ce qui t'empêche de ce cercle d'or ». Cette initiation aux gouffres du mal par la dégradation du meilleur chez l'homme, le vicaire de Rousseau la trouve dans les exigences liées au tumulte mondain : « Combien l'homme vivant dans la simplicité primitive est sujet à peu de maux ! » Dans Les Âmes fortes, Thérèse, « séduite par une passion » ne prend même pas en compte la vertu : « elle ne tirait pas sa force de la vertu ». C'est pourquoi elle agit sans scrupule : « jouir de la libre pratique de la souveraineté».

Si Socrate soutient dans le Gorgias de Platon que « commettre l'injustice est pire que la subir », c'est parce que l'être humain, quoi qu'il en ait, ne peut pas se déposséder de sa conscience, qui ne tardera pas à avoir sa revanche, sous forme de sentiment de culpabilité. Macbeth, après les meurtres en cascade dont il est responsable, sent un véritable déchirement de son propre moi. Livré aux remords, il exprime ainsi sa vision de lui-même : « Autrement (I had else = autrefois) j'étais sans faille / Entier comme le marbre, appuyé comme roc, / aussi à l'aise que l'air qui m'entoure ! / Je reste (but now = mais maintenant) enfermé, encagé et livré aux doutes insolents. » Même Lady Macbeth qui se vante d'être capable de tuer sauvagement son propre bébé, pendant qu'il trait son mamelon ; et qui demande aux esprits : «du front à l'orteil, comblez-moi de la pire cruauté », succombe enfin aux regrets et, devenue folle, se considère avec horreur : «Ici est toujours l'odeur de sang : tous les parfums de l'Arabie n'adouciraient pas cette petite main. Oh ! Oh ! Oh ! ». Se consumer de l'intérieur, même par envie, semble la punition la plus adéquate aux malfaiteurs selon le vicaire savoyard : « Qu'est-il besoin d'aller chercher l'enfer dans l'autre vie ? il est dès celle-ci dans le cœur des méchants».

L'homme souffre du mal, dont il est responsable, par la perversion qu'il subit, mais aussi par le sentiment de culpabilité, et qui le ronge de l'intérieur. C'est pourquoi, voulant éviter la conscience malheureuse, il doit résister à l'appel du mal, par le fait de se libérer des passions dangereuses et l'attachement à la vertu.

Le mal, aussi fort soit-il, n'est pas non plus une fatalité, puisque l'une des caractéristiques de la condition humaine est justement la possibilité, voire même le devoir, de ne pas s'y laisser séduire, en refusant de se livrer aux différentes passions. Malcolm, le fils du roi assassiné, semble assailli par les missives mielleuses de Macbeth. Et bien qu'il soit encore jeune, il sait faire la part des choses : « Le démoniaque Macbeth par ses appâts pourris avait bien essayé de me gagner en son pouvoir ; la sagesse mesurée m'arrache à l'impulsion crédule». Le vicaire de Rousseau lie justement la possibilité du mal à la liberté humaine. Si l'homme fait un mal, c'est parce qu'il n'était pas assez clairvoyant pour s'y refuser : « Si je fais le mal, je n'ai point d'excuse ; je le fais parce que je le veux.» Dans Les Âmes fortes, Berthe, faisant partie de l'humanité féminine veillant sur le corps d'Albert, refuse cependant de goûter aux délices des caillettes, de peur d'offenser le mort : «Je trouve que vous êtes sans gêne. Le pauvre Albert est à peine étendu raide sur son lit, et tout de suite vous lui mangez ses caillettes (…) la mort est sacrée.»

La vertu est le rempart le plus redoutable contre l'éventualité du mal, puisque, comme le souligne Sénèque dans De la providence : « aucun mal ne peut arriver à un homme de bien ». Bien qu'il soit roi, pouvant bénéficier de la situation du tyran qui n'a aucun compte à rendre, Duncan semble avoir opté pour la voie la plus difficile, celle d'être juste et doux, à en croire son ennemi Macbeth : «Et ce Duncan a montré un pouvoir si doux, il a été si équitable en sa haute fonction ». C'est cette conduite exempte de tout excès, qui le fait accéder, après le régicide, au rang de Saint : « le plus sacrilège meurtre a ouvert le temple sacré du Seigneur, et ravi la vie du sanctuaire.», alors que la mort de Macbeth sera l'occasion de la liesse générale. Les passions sont comme la pierre de touche qui révèle la vertu authentique de l'homme responsable et guidé par la conscience et le devoir, comme l'on lit dans Rousseau : « la suprême jouissance est dans le contentement de soi-même ; c'est pour mériter ce contentement (…) que nous sommes tentés par les passions et retenus par la conscience.» Dans Les Âmes fortes, même Thérèse, peu soucieuse de la probité, a besoin de quelques moments de vertu, pour se dessaisir en l'occurrence de l' « orgueil » : « Je compris aussi que, de temps en temps, il me allait faire une bonne action, comme une sorte de purge.»

(Conclusion) :

(Rappel de la citation) Au terme de ces considérations, faites à la lumière du propos de Baudelaire, qui situe la volupté dans le mal, (Bilan du développement) force est de constater que le mal fascine, en procurant le sentiment du plaisir, et en entretenant la promesse du bonheur. Mais, une telle réjouissance ne tarde pas à devenir aussi source de malheur, se manifestant d'abord par la perversion, puis prenant la forme de la culpabilité. Telle est la raison qui impose à l'homme la nécessité de se libérer des passions dangereuses, ainsi que l'attachement à la vertu. (Élargir la question vers d'autres perspectives4) Scandalisant ainsi la pensée, le mal ne demeure-t-il pas, comme le postule Louis Lavelle, dans Le mal et la Souffrance, le problème majeur qu'il faut élucider et combattre ?


1 Les mots et indications entre parenthèses ne doivent pas figurer dans vos copies. Ils sont ici citer pour des raisons purement didactiques.

2 Il y trois manières pour citer : a) citer littéralement en utilisant les deux points et les guillemets ; b) citer en substance, en reformulant les propos ; c) renvoyer à un passage, en lui donnant sens.

3 Il y deux types de paragraphes : déductif inductif.

4 Phase facultative.



Pour citer cet article :
Auteur : Brahim Boumeshouli -   - Titre : (cpge - le mal) Dissertation > Dans ses Journaux intimes (III) Charles Baudelaire se confie Et homme et la femme savent de nature que dans le mal se trouve toute volupté.,
Url :[https://www.marocagreg.com/doss/cpge/dissertation-le-mal-volupte-boumeshouli.php]
publié le : 2012/10/05 20:54:10

confidentialite