Par : Mbarek bakkou

La portée philosophique de Candide

Sans doute Voltaire est l'un des auteurs français qui ont le mieux exploité ce genre littéraire: le conte. Il a investi ce type d'écriture d'un ensemble de procédés littéraires, pour permettre au lecteur de bien appréhender le sens. C'est ce dernier que nous essayons de trouver dans ce présent travail. Comme tous le contes Voltairiens, Candide en tant que conte, revêt une importance capitale, non pas seulement parce qu'il contribue à comprendre des thèmes comme l'optimisme et l'ironie; mais aussi, et surtout, parce qu'il participe à décrypter la portée philosophique du conte afin de saisir le duel entre notre auteur, en question, et son rival Leibniz.

En effet, ce conte voltairien nous amène à déduire une chose très importante, à savoir qu'il faut, désormais, songer aux problèmes(le mal et le bien), comme une épidémie qui frappe l'homme sur terre, et qu'il n'a aucun rapport avec la métaphysique. Selon lui, Dieu a crée ce monde avec ce qu'il contient, et c'est à l'homme, autant que créateur sage, qu'il faut s'intéresser dorénavant. Ce mal qui existe sur terre ne peut être point nié pour la simple raison qu'il est concret, et c'est par la raison qu'on est arrivé à le savoir. Le nier, donc, serait un subterfuge de la réalité. Et ceux qui le refusent, le font par incapacité ou par penchant religieux. Car dire que Dieu n'a pas crée le mal, et si cette plaie existe par manque de raisonnement logique, on tombe dans le stade de confusion entre foi et raison.

Confondre ces deux concepts serait le moyen impeccable d'échapper à cette grande problématique. Ainsi, Candide est pratiquement le champ convenable pour l'auteur afin de remettre en relief l'ensemble de ces questions jugées tabous par l'Eglise et ses fidèles théologies. Notre attention dans ce travail sera portée essentiellement sur le conflit philosophique qui a opposé Voltaire à Leibniz, puisque ce dernier s'est avéré le fondateur de la théorie du souverain Bien.

Il est évident dans une oeuvre telle que Candide, dans laquelle Voltaire s'attache à débattre du sujet du mal et son origine, de s'attaquer aux théories qui réfutent toutes pensées qui soutiennent l'inexistence du mal dans la vie; t par conséquent glorifient la bonté comme l'unique concept qui constitue le bonheur humain. A cet égard, Leibniz se trouve en tête de ces érudits qui ont fait couler beaucoup d'encre sur ce phénomène, de telle façon que Candide sera le texte idéal qui abritera cette rixe philosophique. En effet il est parsemé des réflexions qui traduisent bel et bien sa doctrine. Notons dès l'incipit, l'intervention de Pangloss qui constitue le premier anneau dans une chaine d'idées qui n'ont pour fin que la justification de l'enchainement des événements. Ceux-ci aboutissent en fin du compte au bonheur éternel comme l'illustre cette phrase: «tout et nécessairement pour la meilleure fin»1 on comprend dès le début que le stratagème de Pangloss était de domestiquer Candide à sa doctrine, et le rendre son disciple. Voltaire laisse la parole à son personnage pour tout dire et de raisonner à sa guise. Il va donc jusqu'à corriger des maximes cités au préalable, c'est ce qu'il avance dans cette:

«Ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise; il fallait dire que tout est au mieux»

Pangloss ne sort pas du cadre tracé par Leibniz dans sa théorie. Ce là se voit, clair et net, dans l'ensemble des idées qu'il a prêchées en faveur du souverain Bien. Méditons cette phrase extraite du livreEssais de Théodicée:

«Nous savons d'ailleurs que souventmal cause un bien auquel on ne serait point arrivé sans le mal»

Pangloss est, donc dans le conte de Voltaire, le porte parole de Leibniz. Il a influencé au début Candide par ces réflexions jusqu'au point de soutenir lui aussi l'idée de son maitre lors des discours. Comme le prouve cette phrase où Candide apparaît Leibnizien: «tout est enchainé nécessairement et arrangé malgré pour le mieux». En suivant l'itinéraire du conte on relève plusieurs répliques qui acclament ce Bien. Prenons à titre d'exemple cette phrase du docteur Pangloss:

«Point du tout, répliqua e grand homme, c'était une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingrédient nécessaire»

Le mal s'avère primordial pour se jouir du bon. Il est un ‘'ingrédient'' efficace pour créer le meilleur des mondes possibles. Ne serait-ce pas une nécessité absolue? «Tout cela était indispensable, répliqua le docteur borgne, et les malheurs particuliers font le bien général»2. De ce fait; il est clair que Pangloss défend acharnement la thèse avancée par Leibniz. Il n'échappe pas à la règle déjà tracée, avec une fine habileté, par l'auteur lui-même de façon à mettre le lecteur devant ce gigantesque répertoire de mal; dans lequel tout le texte baigne. D'une part; pour inciter tout le monde à voir les choses en face mieux qu'autant. Et ensuite préparer les fondements solides à nier la théorie Leibnizienne, et ceux-là se voient d'autant plus au niveau des démonstrations, dont l'auteur a fait usage dans le texte, que des arguments inhérents à la réalité. Lors de son dialogue avec le petit homme noir, Pangloss affirme:

«(….) car la chute des hommes et la malédiction entraient nécessairement dans le meilleur des mondes possibles»3

Cette réplique renvoie à celle que Leibniz a déjà notée dans ces écrits philosophiques comme le confirme cette phrase tirée d'Essais de Théodicée: «là où le péché a été abondant, la grâce a été surabondante» cependant Voltaire n'en croit pas en ces idées dogmatiques et c'est à travers l conte, par le biais de son héros qu'il cherche à prouver l'authenticité de sa conception philosophique, à l'encontre de l'ensemble des problèmes qui préoccupent l'homme. En effet, Voltaire mentionne, à ce sujet, dans son Dictionnaire Philosophique:«la question du bien et du mal demeure un chaos indébrouiable pour ceux qui cherchent de bonne foi»3 cette phrase traduit, avec justesse, l'incapacité des théologiens qui soutiennent la théorie du souverain Bien, de convaincre les gens de ces prorogatifs frivoles, menacés à tout instant de s'effondrer. Cependant Voltaire est à travers Candide, cherche à mettre en place comme dispositif d'idées et de démonstrations qui constituent la base solide d'un raisonnement philosophique.

Ainsi, Candide contient un monceau de preuves indéniablement reliées à la réalité. Elles renforcent la pensée Voltairienne en ce qui peut avoir un lien avec la doctrine du manichéisme. A cet égard, l'auteur du ‘'Monde Comme il va'' a commencé son travail par ce bannissement injuste dont Candide était victime. A partir de cet événement, le héros sera conduit par le gré de son créateur- à la manière de ‘'Jacques le Fataliste''- et de la nature à confronter l'atrocité des conditions désastreuses de la vie. De là, notre souci dans ce travail, c'est effectivement d'éclaircir l'opinion de l'écrivain à l'encontre de du conflit politique de son temps. Voyons cette phrase extraite du Dictionnaire Philosophique: «loin donc que l'opinion du meilleur des mondes possibles console, elle est désespérante pour les philosophes l'embrassent»4 dire une telle phrase renvoie uniquement à une seule fin: le ‘' le tout est bien'' est une chimère, voire un venin qui s'imprègne au fond des esprits humains pour les empêcher de revoir le monde autrement.

C'est en effet, l'optimisme qui est en jeu; puisque Voltaire renie l'existence de cette conception surtout que les maux, s'ébruitant sur les hommes, font écho chez les esprits qui chassent; loin d'eux l'indolence. Entre Voltaire et son personnage se tisse une connivence pour relater l'importance de la réalité et de la pensée éclairée qui permettent aux hommes de mieux comprendre la vie. Et si Candide se résigne, en fin du compte, à sa devise qu'est ‘' cultiver notre jardin'': «je sais aussi qu'il faut cultiver notre jardin» c'est parce qu'on réalité ce voyage, tellement dur et fatiguant, qu'il a effectué, était un moyen efficace aussi pour lui que pour tout lecteur; pour réexaminer l'ensemble des profils de cette doctrine qui forment la vie d'ici-bas.

La vérité qui cherche à prouver Voltaire demeure une énigme à déceler. Et la fin du conte/voyage constitue le début de cette recherche qui s'est avérée difficile et réjouissante.

Mbarek bakkou, élève-professeur.ENS-Meknès

m_bakkou@yahoo.fr

1- Voltaire, Candide, Paris, Librairie Générale Française. P.20. toutes les citations tirées de l'ouvrage correspondront à cette édition.

2

33-Voltaire, Dictionnaire Philosophique, Paris, Garnier, 1967, P: 59

44-Voltaire, Dictionnaire Philosophique, op.cit. P: 59



Pour citer cet article :
Auteur : Bakkou Mbarek -   - Titre : La portée philosophique de Candide,
Url :[https://www.marocagreg.com/doss/monographies/portee-philosophique-candide-bakkou-mbarek.php]
publié : 0000-00-00

confidentialite