Corrigé de la dissertation n°2 Oumaima HASSOUN CPGE CHARIF AL IDRISSI

Sujet 2: On peut légitimement instituer une langue universelle.

[Phrase-amorce] Selon la formule du géographe Olivier Dollfus «la mondialisation c'est l'échange généralisé entre les différentes parties de la planète, l'espace mondial étant alors l'espace de transaction de l'humanité » pour qu'elle puisse avoir vraiment lieu, la mondialisation doit unifier les civilisations, [Présentation et explication du sujet] pour ce faire, on pense qu'«on peut légitimement instituer une langue universelle» d'abord, qui aurait pour premier objectif d'aller au-delà des conflits existants en vue d'établir un seul vrai monde. En effet, vouloir promouvoir une langue universelle, c'est penser qu'un langage parlé et compris de tous serait la seule issue devant le manque de communication entre les peuples mais c'est surtout supposer que la diversité des langues constitue un obstacle à cette communication. C'est là où réside l'importance du verbe «instituer» : Serait-ce à ce propos instituer au sens de loi qu'on retrouve également dans l'adverbe «légitimement», c'est-à-dire croire qu'on peut inventer un nouveau langage, ou bien au sens d'une évolution linguistique qui va de soi ?

[Problématique] Autrement, le langage est-il une donnée naturelle ou alors une production artificielle? [Annonce du plan] Ainsi, on essaiera de traiter l'ambition d'une langue universelle que partage bon nombre de personnes, ensuite l'on verra les limites de cette ambition pour expliquer enfin qu'instituer une seule langue signifie probablement que la diversité des langues est un défaut en soi.

[Idée générale de l'axe 1] Le projet d'une langue universelle relève de l'ambition d'unir les peuples du monde. [Sous-partie 1 : idée explication par argument et exemple] L'ambition de son institution revêt une certaine volonté de faciliter la communication entre personnes de langues maternelles différentes. C'est dans cette logique de pensée qu'un certain Ludwik Zamenhof publie, en 1887, son ouvrage Langue Internationale qui propose les bases d'une langue facile qui sera popularisée sous le nom d'espéranto; il exprime alors son souhait en ces mots : « Que chacun qui apprendra cette langue, puisse aussitôt en profiter pour se faire comprendre des personnes de différentes nations, soit qu'elle trouve l'approbation universelle, soit qu'elle ne la trouve pas, c'est à dire, que cette langue puisse servir d'emblée de véritable intermédiaire aux relations internationales. » Cette tentative sérieuse pour instituer une langue universelle n'est pas sans recherche d'une norme parfaite grâce à laquelle il n'y aura pas de confusion ou de déviance linguistique entre les hommes.

[Sous-partie 2 selon la même structure] Or cette norme parfaite est introuvable et en tant que telle, elle relève de l'utopie rousseauiste du commencement, autrement de la suppression du temps. C'est pour cette raison que Merleau-Ponty dans La Prose du monde juge que «le projet d'une langue universelle, c'est la révolte contre le langage donné. On ne veut pas dépendre de ses confusions, on veut le refaire à la mesure de la vérité, le redéfinir selon la pensée de Dieu, recommencer à zéro l'histoire de la parole, ou plutôt arracher la parole à l'histoire » ce qui serait difficile voire impossible à réaliser puisque c'est l'histoire qui fait le langage.

[Transition : rappel bref du contenu de l'axe 1 et annonce brève de l'axe suivant]. Aussi grandiose paraît-il, le projet d'instituer une langue universelle aura toujours des limites. Cela est dû à son incompatibilité avec l'essence multiple et complexe de la réalité humaine.

[Axe 2] A ce stade, l'universalisation des langues artificielles n'aura probablement jamais lieu. Si l'on observe de près l'adverbe «légitimement» contenu dans l'énoncé, l'on se posera en conséquence la question selon laquelle peut-on dire que l'institution d'une langue universelle est illégitime ? La réponse est évidemment non si l'on prend en ligne de compte la finalité mais il n'en va de même par rapport au moyen. La réalité de la langue est, par défaut, multiple. C'est dans ce sens qu'il est impossible de décréter une seule langue aux hommes. Pourtant la nécessité de trouver un moyen de communication adapté à leurs besoins s'est toujours avéré urgente. C'est le cas de la langue française au dix-huitième siècle et de la langue anglaise aujourd'hui.

Il n'est donc pas obligatoire d'instituer une langue nouvelle puisque telle ou telle langue donnée s'universalise à fortiori. Pour cela, penser une langue universelle c'est surtout espérer faire sortir certaines contrées de leur isolement sur la planète pour les inscrire dans une logique plutôt cosmopolite. Aussi Hegel évoque-t-il la caractéristique première du langage qui consiste à donner l'aspect universel aux choses ; «c'est dans les mots que nous pensons» affirme-t-il.

[Transition] Malgré l'intention tout à fait humaine d'universaliser les langues, de faire fraterniser des peuples emprisonnés dans leurs différences et leurs orgueils culturels et donc de conjurer le sort, la diversité des langues demeure un fait et que les partisans du langage universel prennent pour un défaut.

[Axe 3] Même si la multiplicité des langues est souvent perçue comme une tragédie comme le pense Mallarmé en avouant que «les langues, imparfaites en cela que plusieurs ». Cette vision des choses est ancrée dans la culture chrétienne même, laquelle culture stipule que la multiplicité des langues est l'expression d'une malédiction divine (le livre de la Genèse 11.7 : Allons! descendons, et là confondons leur langage, afin qu'ils n'entendent plus la langue, les uns des autres.) Punis à cause de leur orgueil dans la fameuse tour de Babel, les hommes ressentent-ils une nostalgie en fonction de laquelle ils cherchent à rétablir une seule et unique langue ? La diversité est sous cette perspective un défaut voire une faute à laquelle les hommes, eux-mêmes, ont participé.


Cela signifie que le genre humain ne saura faire face à cette diversité qu'en la considérant comme étant une richesse en soi. La pluralité des langues et par extension des cultures est ce qui motive l'homme à aller chercher l'autre de lui-même, à essayer d'apprendre sa propre langue pour faire preuve de fraternité. On est passé grâce à cela du rêve d'universaliser les langues à celui de les maîtriser toutes. Cette ambition de polyglottisme s'entend également comme une possibilité de permettre à l'homme de jouir légitimement de l'apprentissage des langues qui lui sont offertes au préalable au lieu d'essayer de légitimer une seule langue capable de l'enfermer à jamais dans un cocon linguistique sans horizon.


[Conclusion] En somme, instituer une langue universelle renvoie à une question morale à partir de laquelle on imposerait à tous les humains de suivre un unique chemin pour traduire leurs pensées. La malédiction de Babel pourrait être vue, à ce stade, comme une occasion que les hommes ont dû saisir pour participer à la création d'une multitude de cultures riches et enrichissantes. Ou encore, que c'est grâce à une seule langue à l'origine (par exemple le noyau indo-européen) que les langues se sont multipliées.



Pour citer cet article :
Auteur : Hassoun Oumaima -   - Titre : La parole (dissert) On peut légitimement instituer une langue universelle,
Url :[https://www.marocagreg.com/doss/cpge/cpge-dissert-parole-dissert-on-peut-legitimement-instituer-langue-universelle.php]
publié le : 2016/11/06 11:55:33

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